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17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 07:54

Depuis quelque mois, je prends de plus en plus régulièrement, et de plus en plus explicitement la parole, sur ce blog comme sur les réseaux sociaux, contre un phénomène qui me dérange et m'inquiète : les dérives du féminisme. Enfin, plus exactement, ce que je dis contre les dérives du féminisme peut-être utilisé aussi contre les dérives de l'antiracisme, de l'anti-homophobie, de l'anti-spécisme, mais il se trouve que je ne suis ni black, ni lesbienne, ni un animal (au sens non-humain), par contre je suis une femme, et je pensais que si je prenais la parole en tant que femme pour dire que je désapprouve l'attitude de certaines féministes sur internet, ça inciteraient peut-être les féministes en question à se demander pourquoi leurs paroles sont désapprouvées par une femme, de surcroît une femme clairement pour l'égalité des sexe, car je crois être claire dans mes déclarations, je suis pour l'égalité des sexes.

Un article de Madmoizelle, posté hier sur ma timeline, me fait découvrir que je me trompe. Visiblement, je ne suis pas la seule à avoir eu ce raisonnement, et un mouvement « Women Against Feminism » a vu le jour. L'article de Madmoizelle se penche sur ce phénomène. La journaliste relève, avec raison, que les femmes qui font ça sont pour l'égalité, donc sont féministes selon la définition originelle du féminisme.

Mais constater ce phénomène ne l'incite pas, comme j'espérais que ça se passe, à se demander comment le féminisme est représenté sur internet aujourd'hui. Elle conclut que ces femmes ont été mal informées de ce qu'est le féminisme, et ne pose pas la question de qui les a si mal informées. Je suppose qu'elle trouve évident que cette désinformation est l'œuvre des hommes, ces monstres odieux et dominateurs. Bon, laissons-lui le bénéfice du doute, et disons qu'elle ne se pose simplement pas la question, que la question ne l'intéresse pas. Or la question est intéressante, parce que ce ne sont pas les hommes qui font mauvaise presse au féminisme en ce moment, mais bien les féministes eux-mêmes.

La journaliste a conscience qu'il y a des extrémistes parmi les féministes, mais pense qu'il s'agit de cas isolés, et qu'on condamne tout le mouvement juste pour les actions d'une minorité. Elle ne se pose pas la question de si c'est vraiment une minorité, et si elle n'en ferait pas partie, si elle n’aurait pas cautionné, diffusé, ou même émis des propos anti-égalitaires dans sa prise de parole féministe. Pourtant, elle poste son article sur un site dont le forum est interdit aux hommes (exception faite du fondateur, bien sûr, il a une dérogation spéciale parce que... Parce que). Quel message donne-t-on au monde quand on ferme son forum à une partie de la population juste à cause de son sexe ?

Mettons qu'elle n'est pas responsable de la politique du forum du site sur lequel elle publie, mais si cette journaliste est pour l'égalité, elle devrait remarquer que cette égalité n'est pas respectée sur le site où elle poste, et s'interroger sur combien ça peut être contre-productif de poster des articles sur le féminisme sur un site inégalitaire. Est-ce que ça n'incite pas le public à penser que féminisme et égalitarisme sont deux valeurs distinctes, voire opposées ?

C'est pourquoi je réalise à quel point ma prise de parole de ces derniers mois est vaine. Ces femmes ne voient sincèrement pas le problème dans leur attitude. Elles ne voient sincèrement pas en quoi c'est mal, et dangereux, d'écrire « Il convient de ne pas perdre de vue, jamais, quand on est un homme féministe, qu'on exerce aussi l'oppression qu'on le veuille ou non.». Elles ne voient sincèrement pas en quoi il est mal, et dangereux de laisser entendre qu’en tant qu'homme, on est poussé par sa nature à harceler les filles même quand on a l’intention de ne pas le faire, donc que les hommes devraient s’enfermer chez eux et faire la vaisselle pour la sécurité des femmes. Elles ne voient sincèrement pas en quoi il est mal, et dangereux, de donner le même niveau de gravité à des publicités sexistes et au harcèlement moral le plus violent. Elles ne voient sincèrement pas en quoi il est mal et dangereux de voir du racisme, du sexisme et de l'homophobie dans toutes les œuvres de fiction qui ont jamais été créées et de traiter de salaud patriarcal tout individu qui aura le malheur de faire remarquer que la surinterprétation, ça va bien cinq minutes. Elles ne voient sincèrement pas en quoi il est mal et dangereux de répondre à une tentative de dialogue par une insulte.

And you're the reason why I'm not, Lady

And you're the reason why I'm not, Lady

Il ne sert à rien d'essayer de le leur dire. J'ai essayé. Elles ne me croient simplement pas (je dis elles, mais il y a des hommes parmi elles).

Ca ne sert à rien que je prenne la parole contre ces dérives. Tout comme il est vain de décréter que je ne veux plus me qualifier de féministe et que je me qualifierai désormais d'égalitaire. Non, je dois continuer à me déclarer féministe. Je dois seulement déclarer qu'elles, elles ne le sont pas même si elles prétendent l'être. Et déclarer qu'elles font plus de mal au féminisme que n'en fera jamais aucun de ses détracteurs.

En novembre sortira un épisode de CDAL sur le sexisme dans les dessins animés. Il est prévu depuis le début de l'émission, et rédigé depuis plus d'un an. Bien sûr, je ne pourrais sans doute pas m'empêcher de retravailler certaines tournures ou d'ajouter des discours pour l'adapter à mes problématiques actuelles, mais je m'imposerai, et al. m'imposera de le modifier le moins possible. Parce que je refuse de laisser les fanatiques féministes me changer, et que je ferai le discours que j'ai prévu de faire, indépendamment d'elles.

J'ai besoin du féminisme parce que je veux vivre dans un monde où on me juge sur ma personnalité et pas sur mon sexe et que je suis prête, en contrepartie à faire de même vis à vis d'autrui. J'ai besoin du féminisme parce que j'ai besoin de pouvoir raconter des histoires à des enfants sans être traitée d'odieuse salope parce que dans mon histoire, la princesse se marie à la fin. J'ai besoin du féminisme parce que je veux vivre dans un monde où le harcèlement moral soit un crime, et l'insulte un délit, le sexe de la victime ne changeant rien à la gravité de l'acte. J'ai besoin du féminisme parce que je ne veux pas revenir aux espaces non mixte et à la séparation des sexes, si propices au manque de communication, fut-ce au nom du féminisme. J'ai besoin du féminisme parce que je veux qu'il y ait compréhension mutuelle entre les deux sexes. J'ai besoin du féminisme parce que je sais que le sexisme existe, que j'en ai déjà été victime, et qu'à force de crier « au loup » les fanatiques féministes font en sorte qu'on ne remarque plus les injustices qui existent pour de vrai. J'ai besoin du féminisme, donc, je continuerai à dénoncer les dérives chaque fois qu'on insultera une œuvre ou une personne injustement. Mais plus dans l'espoir de convaincre. Seulement dans le maigre espoir de prouver que le féminisme, ce n'est pas ça.

J'ai mal à mon féminisme, je pleure, et j'ai peur pour l'avenir.

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commentaires

F
Bonjour, je suis tombée sur ton blog un peu par hasard après avoir vu vos vidéos et je trouve ce genre d'article un peu désolant. Déjà le débat sur égalitarisme et féminisme. Si il y a plusieurs mots c'est qu'ils ont un sens différent, et le féminisme peut être alors conçu comme une partie d'une pensée égalitariste, simplement c'est un terme plus précis, et un argument souvent utilisé dans le vent. Tu le dis toi même dans ton article quand tu dis "je ne suis pas black, lesbienne..." les gens sont plus concernés par certains sujets que par d'autres, néanmoins l'un n'empêche pas l'autre, certains courants du féminisme sont plus complets que d'autres, c'est tout. <br /> Quant aux "dérives du féminisme"... je dirais qu'elles vont de paire avec les dérives d'autres courants de pensée. La différence étant que le féminisme se base sur de bonnes intentions, nombre de ces autres courants non. <br /> Je suis toujours étonnée j'aime beaucoup ce que vous développez dans vos vidéos et même si je ne suis pas toujours d'accord avec ton avis je le trouve toujours intéressant et renseigné mais ce genre d'article me perturbe surtout la BD du milieu qui est pour moi totalement hors de propos. <br /> Je suis entièrement d'accord avec la plupart de tes arguments simplement je n'en tire pas les mêmes conclusions, et je pense qu'il ne faut juste pas se fier ni à twitter, tumblr, youtube ou instagram pour comprendre les tenants et aboutissants de mouvements politiques et sociaux anciens et complexes. La plupart des adultes n'ont pas de twitter et les débats qui s'y déroulent sont entre personnes souvent jeunes voir très jeunes qui n'ont pas lus beaucoup sur les sujets incriminés dans les deux camps. Le féminisme à l'américaine à l'heure d'internet est loin d'être parfait, c'est un fait mais les arguments et les conclusions que tu tires de ce constat sont souvent utilisés par des gens qui, sous couvert de critiquer le féminisme internet, remettent en question le mouvement entier. Et là c'est moi qui ait mal à mon féminisme. Parce que je connais des gens qui luttent pour cette cause au Moyen-Orient, et notamment en Afghanistan, au Yemen et qui se retrouvent régulièrement discrédité par ce genre d'arguments alors que ces personnes font bien plus pour la cause de l'égalité hommes-femmes que ceux et celles qui abreuvent les polémiques twitter. Pour ce qui est de Madmoizelle j'aimerais comprendre comment un site au féminisme made in buzzfeed a finit par être érigé en représentant du féminisme en France, limite du "Girl Power" mais pas plus, et un girl power affreusement capitaliste, vu que le site fait quand même pas mal de pub/sponso et que je soupçonne le forum uniquement pour les filles 'être plus une façon de mettre les gens en confiance, notamment parce que la cible du site est jeune.<br /> Je suis aussi contre les insultes, la censure et co. mais je suis vraiment plus d'accord avec la journaliste à laquelle tu fais référence quand elle considère qu'il est question d'une minorité, comme je pense que les personnes très sexistes/racistes et co sur internet sont une minorité d'extrême là où la majorité aura un rapport plus flou et personnel à ce genre de sujet. <br /> Le cinéma est politique, que tu as mis en lien, représente les idéaux d'une minorité de personne, la preuve, des sites comme Sens critique et autres sont eux généralistes et bien plus fréquentés. L'article sur le sexisme chez les geeks est assez intéressant et dénonce un certain nombre de réalités. <br /> Pour moi est vraiment nuisible pour le féminisme c'est la dénonciation régulière de ces quelques articles/sites, quasiment toujours les mêmes, en les donnant comme représentatifs, ainsi que l'utilisation en boucles des quelques même trois affaires, en oubliant la moitié du contexte pour dénoncer les SJW, surtout que ces arguments sont surtout utilisés dans des débats clivants qui finissent par n'être qu'un argument pour faire des vues/faire du clic/avoir de la visibilité, au mépris du bien fondé des idées de base. <br /> <br /> Voilà je sais que cet article est très vieux mais je voulais y répondre car j'aime beaucoup ton travail et ce que tu vois dans les dessins animés et les oeuvres culturelles en général. <br /> <br /> Bonne continuation
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M
Ouaaaah je m'y attendais pas du tout à ce qu'on me réponde directement =). Je suis tombée par hasard sur ton article en gros.<br /> Ah oui effectivement, ils ont été loin quand même et puis, c'est qu'un barbeuc au pire --"...<br /> Ah oui y a pire comme article, je suis d'accord, en fait je parlais de certaines filles dans ce forum. En gros j'ai l'impression que c'était un jeu genre "qui aura le plus raison ?". Du coup, j'évite les débats (sachant que ça part parfois en flood). Justement récemment, je suis tombée sur un message de Ginger Force qui a vu son interview supprimé du site parce qu'elle est amie avec Ganesh2 et Alexis de J'aime ça.
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M
(oups désolée j'ai envoyé par erreur)<br /> Quand j'étais petite, je trouvais ça génial que la rédaction aient pensé aux garçons (et maintenant avec le recul, j'en conclu que c'était une avance vers l'égalité pour tous, enfin je le vois comme ça.)<br /> <br /> Je ne me reconnais pas en elles et leur "féminisme".
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T
L'article date d'il y a plus d'un an. Depuis, j'ai lu des articles sur slate qui parlent de combien un homme féministe doit avoir honte d'aimer le barbecue, ce symbole odieux du patriarcat, ou sur la climatisation dans les bureaux qui serait sexiste, et j'ai fini par me faire la réflexion que les articles de mademoizelle sont sans doute les moins pire de tous. Après tout, dans l'article sur les Woman Against Feminism, la journaliste a remarqué que les WAF étaient tout à fait pour l'égalité, et c'est une clairvoyance et une bonne foi dont, au final, très peu de féministes revendiqués font preuve, à présent, sur internet. Bon, le fait que le forum soit interdit aux garçons, tout en étant administré par un garçon, continue à me paraître profondément dérangeant. A cause de ça, j'ai toujours refusé de m'y inscrire, et donc, je ne sais pas quelle est la teneur des propos qui s'y tiennent. Mais pour ce qui est du ton des articles sur le féminisme, autant le reconnaître, il y a plus grave.
M
Wahooo ! Etant membre du site, je ne peux que te félicité pour cet article. Je pensais que j'étais la seule à penser que parfois, le "féminisme" de certaines vont trop loin (tout en restant bornées en plus) et je suis contente de savoir que non. Je suis plus que d'accord. Pour moi, ce n'est pas du féminisme et encore être égalitaire. Si on veut l'égalité, il faut mettre les deux sexes au même niveau, CQFD. Je suis certes membres car ce site a de bon articles et je découvres des choses sympas, mais le fait de montrer ses seins de façon anonyme ou je ne sais quoi, je trouve cela très moyen (après, si elles sont pas pudiques, c'est leur soucis) de se dévoiler comme ça sur internet avec tout les hakers qui courent (et puis, des tarés aussi). Parfois, elles manquent cruellement de second degré (j'ai dit une petite blague pas méchante concernant les beurettes et j'ai eu l'impression qu'on allait me traiter de jenesaisquoi. J'ai eu droit à une petite interrogatoire(bon pas méchante non plus mais c'est la manière dont je n'ai pas apprécié). D'ailleurs, j'ignorais jusqu'à maintenant que les hommes n'étaient pas admis ... Certes c'est un site féminin mais ça n'empêche pas des mecs à s'y intéresser. (Julie le magazine, si je m'en souviens bien, avait quelques pages réservées au garçons. Qu
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J
Je me définit moi-même comme étant féministe, et j'admets que j'ignorais à quel point l'extrémisme pouvait aller dans le milieu. Moi aussi j'ai mal à mon féminisme. Je rêve d'un monde où personne ne subira de pressions ou d'interdits relatifs à l'attente de la population concernant son sexe ou son genre, et cet idéal se nommé féminisme. Ces personnes qui renversent le sexisme courant (par sexisme courant je veux dire le sexisme envers les femmes, car après tout le sexisme tout court blesse aussi les hommes) pour en faire un nouveau sexisme après avoir prôné le non-jugement de la personne en fonction de son sexe ou de son genre, ces personnes ne sont pas pour l'égalité mais pour l'inversion des rapports sociaux de genre (les bons comme les mauvais). L'existence de groupes comme « Women Against Feminism » (groupe ouvertement féministe par ailleurs) démontre que les choses ont changé. Tant que l'idéal demeure...
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