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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 07:37

Aujourd’hui, sur Internet, tout se revendique. Le fait de ne pas avoir le permis de conduire, le fait de ne pas avoir de culotte, le fait de ne pas vouloir d’enfant

Sur ce dernier point, comme j’ai un avis, je ne résiste pas à l’envie de prendre la parole.

Je fais partie de ces femmes qui ne veulent pas avoir d’enfants, et je ne suis pas complètement satisfaite de la manière dont le non désir d’enfant est revendiqué sur internet. Enfin, satisfaite… Disons que je ne me reconnais pas vraiment dans la façon dont la question est posée par les blogs qu’il m’a été donné de lire. Je dois être un cas particulier.

Contrairement à la plupart de celles qui s’expriment sur la question sur internet, je n’ai encore jamais eu droit à ça : 

Du non désir d'enfant

Bon, il faut dire que c’est assez rare que la question tombe dans la conversation, et quand c’est le cas, en général, il me suffit de rappeler que je n’ai pas de situation professionnelle stable pour qu’on abandonne le sujet. Evidemment, rien ne prouve que je ne subirai pas le même harcèlement que toutes les autres le jour où j’aurai une situation professionnelle stable. Mais en tout cas, il faut bien reconnaître que mes interlocuteurs adhèrent spontanément à l’idée qu’on n’est pas tenu d’avoir des enfants quand on n’a pas les ressources financières pour s’en occuper correctement.  Du coup, je suis peut-être naïve, mais je ne m’attends pas à avoir beaucoup d’efforts à déployer, ce jour-là, pour les convaincre qu’on n’est pas tenu d’avoir des enfants quand on n’a pas les ressources morales et psychologiques pour s’en occuper.  Les efforts que je m’attends à déployer plutôt, c’est pour convaincre mes interlocuteurs que je n’ai pas ces ressources, et je suis prête à les déployer, s’il le faut.

En conséquence, je n’ai pas le sentiment de subir de pression quand à mon non désir d’enfant, et si un jour ça arrive, j’aurai ma conscience pour m’aider à subir cette pression.

La question du bien-être de l’enfant est assez peu évoquée dans le débat, ou alors au détour d’une phrase. Les femmes qui revendiquent leur droit au non-désir d’enfant parlent avant tout de leur bien être, de leur liberté, ce qui explique sans doute pourquoi on les accuse d’être égoïstes et de ne penser qu’à elles. Et pourtant, qu’est-ce qui est le plus égoïste ? Assumer de ne pas avoir envie d’enfant et faire le choix de ne pas en avoir histoire de se sentir bien dans sa peau, et par conséquent de ne faire de mal à personne, ou décider d’avoir des enfants parce qu’il le faut bien, et les rendre malheureux ensuite parce qu’on regrette de les avoir eu ?

Passons sur le fait qu’il y a sept milliards d’êtres humains sur Terre, que c’est énorme et que ça fait un sacré bon nombre de problèmes comme le chômage, la surpopulation, la pollution et la famine, et que du coup, perpétuer l’espèce cesse d’être impératif pour chacun. Un enfant, ce n’est pas un objet de consommation qu’on va chercher au magasin des enfants quand on en a envie, et qu’on peut éventuellement reprendre ou échanger ensuite. C’est un individu à qui on demande de se taper une existence entière dans un monde haineux et hostile, plein de dangers, de souffrances, d’humiliations, juste pour satisfaire son désir égoïste d’avoir un bébé dans les bras, de perpétuer son patrimoine génétique, ou de ne pas vieillir seul. Oui, ce sont des désirs égoïstes. Je ne dis pas pour autant qu’ils ne sont pas légitimes, je dis juste que si on demande à un individu de satisfaire ce désir, sachant ce que ça va lui coûter à côté, il faut être prêt à lui donner quelque chose en retour qui compense suffisamment toute la souffrance et toute la frustration que ça lui procurera d’exister. La question n’est donc pas de savoir quand on a le droit de ne pas vouloir d’enfant. Elle est plutôt de savoir quand on a le droit d’en vouloir. Et ma réponse personnelle à cette question, c’est qu’on a le droit d’en vouloir à partir du moment où on est capable de répondre à la question  « dis, ma maman, pourquoi c’est bien, que je sois en vie ? Pourquoi il faut que je fasse tous ces efforts pour le rester ? » A partir de là, on a tout à fait le droit de vouloir un enfant, même si c’est juste pour le plaisir d’avoir un bébé dans les bras, ou pour transmettre son patrimoine génétique, ou pour ne pas vieillir seul. L’important, c’est d’être capable de lui apporter la force morale nécessaire pour supporter ce monde frustrant et douloureux.

Et sincèrement, même si je n’exclus pas qu’on puisse être surpris après coup de découvrir qu’on est content d’avoir des enfants, je crois que peu de gens peuvent aider leurs enfants à aimer la vie s’ils n’ont pas voulu d’eux au départ. Donc qu’en refusant d’avoir des enfants sous prétexte qu’ils n’en ont pas envie, ces personnes sont beaucoup moins égoïstes que celles qui en ont parce que c’est ce qu’on est censé faire, dans la vie, des enfants, qu’on le veuille ou non.

Et ce qui m’étonne, c’est que cet état des choses soit si peu mis en avant dans les discours revendicatifs pour le droit au non-désir d’enfant. Ca m’étonne d’autant plus que ces mêmes personnes, souvent, vous diront spontanément qu’on n’a pas le droit d’avoir un animal de compagnie si on ne se sent pas capable de s’en occuper. Mais prendre le bien-être futur de l’enfant à naître en considération paraît, en quelque sorte, incompatible avec le fait de prendre en compte le bien-être de la mère potentielle. Plus exactement, se soucier de l’enfant, ça voudrait dire négliger la mère, et  si on veut faire montre de respect envers la mère, on est tenu de ne pas lui parler de l’enfant. J’extrapole, bien sûr, ce n’est qu’une théorie. Mais entre ça, et le fait qu’on ne réponde jamais aux pro-vie qu’un fœtus, ce n’est pas un bébé, et qu’un enfant sera le premier à souffrir s’il nait dans une famille qui ne veut pas de lui et ne peut pas s’en occuper, j’ai le sentiment qu’une idée fausse est entrée dans l’inconscient collectif, selon laquelle seuls les méchants de la Manif pour Tous et de la Marche pour la Vie se soucient du bébé et qu’il ne faut pas avouer s’en soucier si on veut montrer qu’on est dans le bon camp. Pourtant, une naissance malvenue, ça fait bien deux victimes (parfois plus) et se soucier de l’une n’est pas incompatible avec se soucier de l’autre.

Je ne veux pas d’enfant parce que je n’estime pas avoir ce qu’il faut pour être mère. Ce n’est pas un non-désir d’enfant, c’est un désir de ne pas faire souffrir. Je conçois très bien les joies qu’il y a à être mère, et je pense que celles qui sont capables de faire grandir leur enfant dans le désir de vivre méritent ces joies. Je ne suis simplement pas de celles-là, et je choisis de ne pas en avoir. Je ne choisis pas entre mon bien et celui de mon futur enfant. Je choisis notre bien à tous les deux. 

 

Image tirée de "Si j'aurais su", du blog "Tout va mieux"

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commentaires

A
Je suis un homme et moi non plus non plus je ne veux pas d'enfant.<br /> Déjà, je n'ai ni les moyens financiers, ni matériels mais en plus, et c'est pour moi le plus important, je refuse de faire un malheureux de plus dans ce monde totalement absurde. Il est bon de souligner que l'enfant ne demande (en général!) jamais de venir au monde.<br /> Et trop souvent, il le regrette....<br /> Donc, je te soutiens dans ton choix.
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S
Je vous encourage à écrire des articles de ce style ! Je recommande &amp; partage !
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G
Tu sait le fameux &quot;mais tu n'as pas peur de le regretter ?&quot; C'est plus en rapport avec le fait que après tu ne pourra plus. C'est marrant je te connais pas vraiment mais a travers tes vidéo et ton blog tu me donne plutôt l'impression de quelqu'un qui aime et qui comprend les enfant. Le profil idéal d'une mère quoi Je pense que ce qui te bloque c'est pas l'envie ou l'égoïsme c'est plus le manque de confiance en toi. Et comment t'en vouloir il n'existe pas de tache plus ardu que d'élevé un enfant.
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U
À 21 ans (et même avant !), étudiante fauchée sans emploi, j'ai eu droit à la question : &quot;mais tu n'as pas peur de le regretter ?&quot;. S'ensuit généralement un sempiternel : &quot;oh, mais tu as le temps de changer d'avis&quot;. Ça devient lassant. Sinon, ton article est très juste. Le bien-être d'un enfant passe par le bien-être des parents, et par le fait d'être voulu.
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