Il y a un certain temps, puisqu’au final, je traine ce projet d’article depuis un certain temps, une suite de liens m’a amenée à lire cet article sur une série que je ne connais pas, par une blogueuse dont je n’ai pas lu grand-chose d’autre, même si j’ai un peu lu son compte twitter. Je n’ai pas l’intention de critiquer l’article, qui me paraît dans son ensemble bien écrit et cohérent, et dont je ne peux pas juger le fond, puisqu’il est sur une série que je ne connais pas. Ce sur quoi j’aimerais revenir c’est cette information donnée en début d’article, qui m’a quelque peu perturbée. Le but de la série en question « True Blood », serait, aux dires de la blogueuse qui le tient apparemment du réalisateur lui-même, de faire une métaphore des droits des homosexuels, mais en remplaçant les homosexuels par des vampires…
Ce qui m’a rappelé deux autres détails tout aussi perturbants. Selon d’autres commentaires lu çà et là sur internet, les loups garous de Twilight pourraient bien être, eux aussi, une métaphore des homosexuels rejetés par la société parce que différents. Même chose pour les loups garous d’Harry Potter, et ce serait la raison pour laquelle les fans d’Harry Potter détesteraient particulièrement le fait que Lupin se marie avec une femme au cours de la série. Quant aux X-men, ils seraient carrément une métaphore des juifs persécutés.
Se servir d’une métaphore pour transposer un fait de société dans un autre contexte, c’est une recette à laquelle j’adhère complètement. Ça permet d’en décrypter les mécanismes de manière plus neutre en ôtant un contexte trop chargé d’émotions pour avoir un jugement objectif. Mais j’adresse un message général à tous les auteurs de fiction passés et à venir. Au nom des dieux, de Morgan Freeman, et des petits anges, réfléchissez bien à vos métaphores et à ce qu’elles signifient.
Les homosexuels seraient donc des vampires. Ok. Oubliez Twilight cinq minutes, vous voulez bien ? Les vampires, c’est des créatures qui survivent en buvant du sang humain, et donc doivent tuer pour subsister. Impérativement. Pour parvenir à leurs fins, ils sont dotés de pouvoirs extra-humains, comme se changer en chauve souris, passer à travers les murs, marcher au plafond, et autres selon les fictions. Mais en tout cas, ils sont en général tous puissants. Et impossibles à tuer sauf en remplissant des conditions très précises, et généralement très difficiles à remplir. Et obligés, sous peine de perdre la vie, de tuer des humains. Bref, les vampires, c’est dangereux, c’est obligé d’être méchant que ça le veuille ou non, bref, c’est quelque chose dont il est très légitime d’avoir peur, et dont il est très légitime de ne pas vouloir dans sa société.
Bon, dans True Blood, ils ont apparemment résolu la question d’être obligés de boire du sang pour survivre, et l’article que j’ai lu ne me dit rien concernant leur puissance et leurs pouvoirs, mais il n’empêche que si les vampires de True blood ont le droit de prétendre à une place dans la société au moment de la série, c’est parce qu’ils sont DEVENUS aptes à s’intégrer à la société. Ils ne l’étaient pas au départ. La peur qu’ils provoquent chez les gens n’est pas infondée.
Les homosexuels, eux, ont toujours été des gens normaux, sans superpouvoirs, qui ne boivent le sang de personne, ne sont dangereux pour personne et dont on n’a aucune vraie raison d’avoir peur. La légitimité de leur droit à être traité comme des gens normaux est infiniment plus évidente que celle de vampires repentis. Je regrette. La métaphore ne marche pas.
Pas plus que ne marche la métaphore du loup garou comme représentant de l’homosexuel. Pas plus que ne marche la métaphore du mutant comme représentant du juif. Pour exactement les mêmes raisons. Contrairement aux vampires, les loups garous et les mutants ne sont pas tenus d’être dangereux pour les humains sous peine d’y perdre la vie, mais ils ont la possibilité de l’être, d’une part ; et d’autre part, il arrive souvent qu’ils perdent le contrôle de leurs pouvoirs et soient dangereux pour les autres. Et, dans le cas particulier des mutants, certaines mutations, comme celle de Malicia, par exemple, sont un véritable handicap, qui leur pourrit la vie et dont il est tout à fait légitime de vouloir guérir plutôt que de se l’infliger au nom d’une volonté de faire valoir son droit à être soi-même. En revanche, je ne vois aucune circonstance où le judaisme pourrait devenir un handicap (indépendamment du regard des autres). En plus, concernant les mutants, cette différence entre la métaphore et la réalité a également pour effet de rendre les mutants incroyablement antipathiques, incapables qu’ils sont, au moins dans les adaptations, de comprendre qu’un mutant comme Malicia puisse vouloir cesser d’être un mutant. Sur ce point, si métaphore il y a, elle n’atteint pas du tout son objectif, c’est même plutôt le contraire !
Indépendamment des spécificités de l’intrigue et des personnages, les loups garous, les mutants et les vampires, on a des raisons légitimes d’avoir peur d’eux et d’hésiter à être leur copain. Les homosexuels, les juifs, les noirs, les verts à pois roses, non, on n’en a pas. Ergo, le racisme envers les loups garous, les mutants et les vampires ne repose pas sur les mêmes mécanismes que le racisme envers les homosexuels, les juifs, les noirs, et les verts à pois roses. Les mécanismes qui pourront être mis en scène à partir de cette métaphore là ne seront jamais pertinents, et si on décide qu’ils le sont, c’est là qu’on est homophobe, antisémite et raciste.
Que faire, alors ?
Pour commencer, je pense qu’on n’est plus à l’époque où on a besoin d’utiliser une métaphore pour parler d’homosexualité dans la fiction. D’ailleurs, on est à une époque où on peut parler d’homosexualité comme ça, sans volonté revendicative, juste parce que ca fait partie de la vie. Dans Bataille d’un crépuscule d’automne, j’ai rendu un des personnages homosexuel parce que c’était la manière la plus simple de rendre une situation émotionnelle compliquée cohérente, sans raison autre. L’orientation sexuelle d’un personnage, aujourd’hui, ça devrait être un choix aussi anodin que sa couleur de cheveux ou ses loisirs. Alors, si on veut parler des conditions de vie des homosexuels du fait de leur homosexualité, autant le faire franchement, sans métaphore.
Mais parfois, il faut vraiment faire une métaphore, parce que, comme j’ai dit, la question de l’homophobie, de l’antisémitisme, de l’islamophobie, du racisme sont chargées émotionnellement, et il est difficile d’en entendre parler sans laisser ses émotions fausser son jugement. Donc, pour être compris, c’est parfois mieux de présenter le problème dans un contexte neutre. Mais alors, il est indispensable de bien réfléchir à ce qui fait et ne fait pas le problème, et choisir une métaphore qui colle. Histoire de ne pas se mettre à sous-entendre involontairement que les homosexuels sont des créatures assoiffées de sang, capable de se changer en loup et de perdre le contrôle, et que leur homosexualité est un vrai handicap objectif.
Parce que ça, c’est vraiment, vraiment, ce qu’il ne fallait pas dire.