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5 novembre 2015 4 05 /11 /novembre /2015 11:51

J’ai découvert qu’aujourd’hui, c’est le jour du harcèlement scolaire, alors je vous ai pondu ce texte, là, rapidement.

 

Quand tu es harcelée à l’école, tu ne te fais pas la réflexion de si c’est normal ou pas. Tu es harcelée, c’est tout. C’est la définition de ce que tu es. Tu es celle qui mérite qu’on la fasse tomber de son vélo, qu’on lui cogne la tête avec un cartable, qu’on lui donne une série de claques devant le reste de la classe hilare. Tu es celle qui a des petits bras trop faibles pour rendre les coups, qui essaye bien de frapper une ou deux fois, mais qui, constatant que ça ne fait rien à tes adversaires, décide de laisser tomber, et de se laisser frapper aussi passivement que possible, d’attendre simplement patiemment que ça cesse. Tu n’es pas en colère, tu es résignée. Des fois, tu as envie qu’un des crocs-en-jambes qu’on te fait quand tu montes l’escalier te fasse faire une chute mortelle. Ou au moins, une chute grave, pour que les gamins qui te harcèlent réalisent que leur blagues, elles peuvent être dangereuses. t que s’ils ne le réalisent pas, au moins, il y ait un adulte pour les sanctionner, leur dire que ce qu’ils font est mal.

Les adultes, pourtant, tu ne leur parles pas de ce que tu vis. Tu as essayé à l’époque où ça n’était encore que des insultes et des moqueries. Ils t’ont dit de faire semblant que ces insultes et ces moqueries ne t’atteignent pas, et t’ont promis que si tu faisais ça, tes harceleurs se lasseraient. Au lieu de se lasser, ils ont redoublé de violence, et finalement, c’est devenu des coups. Maintenant, tu n’ose plus parler aux adultes. Ils n’ont déjà pas beaucoup d’estime pour toi, qu’est-ce qu’ils diraient s’ils apprenaient que tu es celle sur qui on tape, que tu es cette personne-là ? Parce que ça, tout le monde est d’accord, même les rares camarades de classe qui s’interposent de temps en temps et prennent ta défense. Si on te tape dessus, c’est à cause de toi et uniquement de toi. Tu es la seule et unique responsable du harcèlement dont tu es victime. Si on te tape dessus, c’est ta faute. Tu devrais être capable d’obtenir des autres qu’ils arrêtent de te taper. Comment ? Tu n’en as aucune espèce d’idée, et aucun de tes défenseurs occasionnels n’arrive à te l’expliquer. De temps en temps, tu réfléchis à des stratégies, à des répliques bien senties, ou à des coups que tu pourrais porter malgré le fait d’être faible. Tu en parles à tes défenseurs, et ils se moquent. Ca ne marchera jamais. Parfois, tu essayes, et ça ne marche effectivement jamais. Alors tu décides de jouer les martyres à fond. Tu tends la joue et tu souris. Ca choque et impressionne tellement la classe qu’on te laisse tranquille au moins pendant une heure, après ça. Quelque part, au fond de toi, tu es fière, fière d’être celle qui est frappée plutôt que celle qui frappe. Mais ce n’est pas comme si tu avais choisi ton rôle. Ce n’est pas comme si tu avais choisi ce que tu es.

Des années plus tard, au lycée, lors d’une session sur le harcèlement scolaire, tu raconteras ton vécu, comment ça a commencé d’abord par des insultes, comment les adultes t’ont dit de les ignorer, et comment… Tu as un moment d’hésitation, tu ne sais pas quels mots utiliser pour parler de ça… Comment tes harceleurs en sont finalement venus aux mains. Toute l’assistance s’écroule de rire. Tu ne comprends pas ce que tu as dit de si drôle. Tu ne le comprendras jamais, même des années après. Après la séance, quelqu’un vient te voir pour te dire que si tu as subit des harcèlements, c’est sans doute à cause de ta façon d’être, ton attitude, qui te donne l’air prétentieuse, snob. « Alors, réponds-tu dépitée, ce que j’ai fait de mal, c’est exister ? » La personne est déstabilisée par ta réponse.

Ton attitude, tu ne l’as pas choisie. Ton caractère non plus. Ce que tu es au plus profond de toi, ce que tu aimes être, ce n’est pas ton choix, et de toute façon, quand tu y réfléchis, tu ne vois pas pourquoi tu regretterais d’être cette personne, que toi, tu ne trouve pas si affreuse, au fond. Tu vas grandir, devenir adulte, essayer de prouver que tu vaux quelque chose, réfléchir profondément à ce qui t’es arrivé, te demander ce qui aurait pu changer les choses, comment un adulte aurait pu les changer. Tu ne trouveras jamais la réponse.

Une seule certitude, la même depuis tes années collège. Tes harceleurs étaient des enfants ordinaires, pas des monstres, pas des fous, des enfants ordinaires. Tous ceux qui avaient conscience du problème et considéraient que c’était un problème considéraient que c’était à toi de changer quelque chose. Personne ne t’as jamais dit que tu ne méritais pas ces violences, ou même que tu n’en étais pas responsable. Personne même pas toi. Des années plus tard, tu as beau être vieille, tu as beau avoir vu des gens formidables subir des violences non méritées, tu gardes en toi cette certitude, que rien n’effacera jamais. Tu es celle qui mérite qu’on la fasse tomber de son vélo, celle qui mérite qu’on lui cogne la tête à coup de cartable, celle qui mérite qu’on lui donne des claques devant toute la classe hilare. Tu es la seule et unique responsable du fait d’avoir été harcelée. Tu es une tête à claque. C’est ton identité pour toujours.

 

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commentaires

T
ce n'est pas facile quand on est harcelé à l'école
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G
C'est triste ce que tu écrit. Mais je pense que tu te trompe lourdement. C'était bel et bien des monstres et pas des gens ordinaire. Le probleme c'est que dans le monde dans lequel on vit c'est devenu ordinaire d'être un monstre. Mais faut pas se leurrer ce sont eux les monstres. Ca a du être tres dur pour toi de te construire une personnalité autour de ça et ils ont manifestement réussi a te persuadé que tu était une merde et a te faire te detester toi même. Sauf que c'est pas vrai. Toi tu est quelqu'un de bien et pas eux. Et croit moi ils ne pourront pas construire leurs vie sur des base aussi néfastes. Ca finira en violence conjugale, en divorce, en incapacité de comprendre et écouté l'autre et donc en une malheureuse. Moi je jeune mais j'ai fait se choix de rester quelqu'un de bien malgres les mise en garde de mes parent. "Trop bon trop con, Tu va en morfler, La vie est dur avec toi il faut etre dur avec elle, Peut etre que toi tu décide de pas faire du mal au autres mais les autres ne ce generont pas pour te faire du mal et blablabla " Moi aussi on m'a dit d'ignorer les insultes et ça a fini en marginalisation en violence et la peur de l'autre. J'ai perdu foi en l'humanité mais je suis heureux de ce que je suis par ce que je pourrais pas vivre autrement. Je sais que c'est dur de te demander ça mais fait comme moi. Dit toi que c'est pas toi la mauvaise c'est eux.
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