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7 juin 2014 6 07 /06 /juin /2014 14:58

Le fait est qu’on a jamais autant communiqué. Jamais on n’a partagé autant, avec autant de monde. Les progrès de la technologie, l’expansion d’Internet et des réseaux sociaux nous ont inculqué le réflexe de partager la moindre de nos pensées, la plus insignifiante de nos anecdotes, le plus intime de nos sentiments, là, maintenant, tout de suite, et avec le monde entier.

Je crois sincèrement en une exploitation profitable d’Internet. Certes, seul le forum Yumi2004, pendant la courte période 2004 à 2006, a vraiment correspondu à mes attentes sur ce point, en étant un espace de partage et de créativité, où n’importe qui avait le droit d’être là du moment qu’il respecte les règles, et qui offrait de fait l’occasion de croiser des personnes et des univers enrichissants qu’on n’aurait pas eu l’occasion de croiser sinon. Certes, hors cette expérience, tout ce que j’ai pu observer d’Internet, c’est l’exhibitionnisme, le harcèlement, le fanatisme légitimé par la possibilité d’avoir un espace où l’exprimer sans autocensure. Mais j’ai malgré tout fait cette expérience, et, de mon point de vue, (croyez-moi, j’y repense tout le temps donc il est bien réfléchis, mon point de vue), elle n’a pris fin que parce que son public s’est mis à rechercher autre chose, pas parce que quelque chose à la base du projet ne fonctionnait pas. Donc, je le répète, je crois en une exploitation profitable d’Internet, pour peu qu’on ait envie de la faire, cette exploitation.

On peut faire l’effort de s’entendre avec tout le monde, mais on n’a pas forcément d’affinité avec tout le monde, et Internet peut, et doit, être l’occasion de rencontrer des personnes avec qui on ait de bonnes affinités. Parce que tout le monde s’y connecte, les groupes se forment autour de sujets de conversations, de centres d’intérêts, on n’est pas juste obligé de s’entendre parce qu’on est dans la même classe, du même quartier, de la même ville. Le résultat, ça devrait être la fin de la solitude, non ? Puisque les personnes ayant les mêmes centres d’intérêt, la même sensibilité, les même goûts, sont là, à portée de main, 24h sur 24, parce qu’Internet est maintenant sur les téléphones et qu’on l’emmène partout.

Pourtant, jamais, on ne s’est senti aussi seul. Pas de plus grand sentiment d’isolement que celui qu’on éprouve en regardant sa page facebook, son compte twitter, et en constatant que parmi les quelques centaines de réflexions de l’instant postées par ses contacts, il n’y en a que très peu, vraiment très peu, qui font écho en soi. A croire que, malgré le fait qu’on ait ajouté ces personnes à ses contacts parce qu’elles s’intéressaient aux mêmes sujets que nous, il y avait malentendu, ce film qu’on avait en commun, on ne l’aimait pas pour les même raisons, cette activité artistique qu’on faisait ensemble, on ne l’avait pas vécue de la même façon. Plus de personnes à portée de main, ça devait être plus d’occasions de rencontrer des personnes qui vous ressemblent, mais au final, ça parait surtout plus de contacts qui ne vous ressemblent pas. A croire qu’au final, ça n’existe pas, quelqu’un qui vous ressemble, et qu’avoir l’occasion de rencontrer le monde entier ne pouvait amener qu’à ce constat.

Cette divergence entre soi et autrui est-elle réelle, est-elle fantasmée, son impression est-elle renforcée à cause de la nouvelle immensité du monde ? En tout cas, un malaise est apparu. En creusant pour trouver l’origine de ce malaise, on fait un constat.

Ce n’est pas tant que l’autre ne nous ressemble pas, c’est qu’on arrive de moins en moins à trouver de terrains d’entente. Ce n’est pas tant qu’il ne pense pas comme nous, c’est que nous ne nous comprenons pas l’un l’autre. Nous n’arrivons plus à voir la logique de sa position et à lui faire voir la notre, encore moins à chercher ce qui fait que ces deux positions peuvent coexister. Nous communiquons mal.

Si l’on communique plus, à plus de monde, on ne communique pas mieux. La plupart des tentatives de communications se soldent d’un échec. Le message qu’on transmet à l’autre n’est pas reçu, est mal reçu, la réponse qu’il nous donne est inappropriée, ne correspond pas à la question.

Combien de fois me suis-je retrouvée en situation de devoir obtenir de quelqu’un quelque chose qu’il n’était pas disposé à m’accorder, rédiger un long mail, argumenté, parfois avec une vraie volonté diplomatique, parfois en changeant chaque tournure quinze fois pour la rendre plus efficace, et de recevoir une réponse à un mail que je n’avais pas écrit, pire, à une insulte que je n’avais pas écrite ? Combien de fois ai-je voulu obtenir une information et ai-je reçu une réponse à une question que je n’avais pas posée au lieu de la question effectivement posée, voir pas de réponse du tout ? Combien de fois ai-je exprimé une opinion, juste comme ça, et ai-je entendu des réactions sans rapport, répondant à une opinion toute autre ? Combien de fois ai-je voulu rétablir la vérité sur moi en expliquant ma version des événements, et ai-je vu mon interlocuteur réagir comme si j’avais confirmé la sienne ? Combien de fois ai-je juste dit une phrase anodine et reçu une réponse tout aussi anodine, mais malgré tout totalement inappropriée à celle que j’avais dit ? Et combien de fois ai-je entendu d’autres se plaindre exactement des mêmes mésaventures ? Ce n’est pas juste ma façon de communiquer qui est mauvaise, tout le monde a du mal.

On a beau avoir multiplié les outils, faire parvenir un message à un interlocuteur reste une opération extrêmement laborieuse. Est-ce que cette incommunicabilité est apparue en même temps que la surcommunication, ou est-ce simplement qu’elle n’était pas si flagrante à l’époque où on communiquait moins, à des profils moins variés ? Et surtout, surtout, cette incommunicabilité est-elle la seule cause de notre sentiment d’isolement, de non-affinité entre soi et autrui, d’absence d’échange ? Est-elle la cause, ou la conséquence ?

Impossible à savoir. En attendant, on essaye autant que faire se peu de se débrouiller sans avoir à communiquer. On chercher les informations soi-même, on essaye de se débrouiller pour n’avoir que des besoins qu’on peut combler tout seul (c’est pas possible, mais en tout cas, on essaye), on subit les malentendus sans chercher à les démentir, on essaye de se passer de l’autre autant que faire se peut, plutôt que de gaspiller de l’énergie et du temps à faire des demandes qui ne seront pas reçues, ou seront mal reçues. On s’isole davantage, au milieu de ce monde plein de jonctions et de liens.

Le rapport de cause à effet entre l’incommunicabilité et la surcommunication n’est pas vraiment déterminable. Ca peut même juste être un pur hasard si les deux coexistent à la même époque, sur Internet.

Mais j’ai une théorie. Ce n’est pas la communication qui est mauvaise, c’est l’interlocuteur qui ne peut plus de payer le luxe de laisser entrer le message. Un monde plus grand, c’est mille fois plus d’interprétations possibles à découvrir, c’est mille fois moins de repères fixes et communs à tous le groupe, qu’on n’aura pas à remettre en question et sur lesquels on peut s’appuyer. On n’a plus la sécurité intérieure qu’il faut pour pouvoir appréhender une façon de voir différente sans se perdre soi-même dans l’aventure. On est obligé de s’accrocher à sa façon de voir, de fermer toutes les portes, de s’accrocher à sa subjectivité, parce que si on y renonçait ne serait-ce qu’une minute, on serait immédiatement noyé dans l’océan des opinions possible, défait, effacés, sans plus aucun repère ni aucune idée de départ à laquelle s’accrocher. Notre monde a grandi, pas nous. Nous ne sommes pas encore assez forts pour appréhender un monde aussi multiple. Il faut bien s’accrocher à soi-même, pour ne pas s’oublier, refuser tout compromis, refuser toute nouveauté, jusqu’à ce que notre âme soit assez solide pour écouter ce qu’à dire l’autre, accepter qu’il existe, accepter qu’il soit différent, et admettre que ça n’empêche pas d’être soi.

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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 17:23

Ah, non, non, non !

Je fais mon tour d’internet quotidien, à la recherche d’un employeur qui veuille bien de moi, comme tous les matins, et je tombe, pour la énième fois, sur la mention « envoyer un courriel à l’employeur ». Encore ? C’est ridicule, à la fin.

Non, tout employeur potentiel que vous soyez, je ne vous enverrai pas de courriel. Je regrette. La seule chose que vous recevrez de moi, c’est un e-mail. Et attention, pas un i-mèl, j’ai bien dit un e-mail. A tout casser, courriel est moins ridicule qu’i-mèl. Et ne traitez pas mes envois de pourriel, s’il vous plait, appelez-les du spam, comme font les gens polis. On n’est pas au canada, ici, on ne mange pas de hambourgeois et on ne s’arrête pas aux panneaux arrêt, que je sache.

Les autres langues ne sont pas aussi chauvines que ça avec nous. En anglais, on utilise l’expression française pour dire « rendez-vous » ou « blanquette de veau » « entourage » « hommage » « à la carte »et les anglophones ne se sentent en rien diminués.

C’est une tradition qui a la vie dure, en France, de franciser à mort et à outrance, allant jusqu’à déformer les prénoms des têtes couronnées. Bon, je vois vaguement comment on peut traduire Brunhilde par Brunehaut, mais pour ce qui est de la reine Ingebruge de Danemark, expliquez-moi pourquoi elle est devenue la reine Isanbour ? Et même quand on ne francise pas, on est infichu de prononcer les noms avec l’accent. Nous somme le seul pays du monde à ne pas prononcer Mozart à l’allemande.

Là, encore, c’est équitable, le rejet se fait vis-à-vis de toutes les langues, mais l’invention de termes ridicule comme i-mèl et pourriel n’a pour autre but que de montrer combien nous sommes trop des rebelles qui ne se soumettent pas à l’envahisseur anglophone. A coté de ça, ça ne nous empêche pas de manger des pizzas, d’écrire des scénarii, de considérer certaines choses comme tabou, sans que ça choque notre fierté de français.

Nous avons une belle langue, très riche. Très riche parce qu’elle est dérivée à la fois du latin, du celtique, du franc, et de toutes les langues avec lesquelle nous avons été en contact au cours de notre longue histoire. C’est bien de la défendre, mais faut pas tomber dans le ridicule, non plus. Quand une notion a été inventée dans une autre langue, inutile de chercher à la traduire à outrance, puisqu’il y a un tas de notions qui n’ont jamais été traduites sans que ça embête que que ce soit.

Si on veut la défendre, faisons plutôt la traque aux anglicismes gramaticaux qui viennent remplacer la règle française existante parce que, trop habitués à écouter de l’anglais, nous nous mettons à penser en anglais.

On ne dit pas « faire sens » on dit « avoir du sens ».

On ne dit pas « vous avez appliqué à ce poste d’assistante de direction » on dit « vous avez postulé à ce poste d’assistante de direction »

On ne dit pas « j’ai fixé ce problème » on dit « je l’ai résolu ».

En tout cas, c’est comme ça jusqu’à ce qu’une nouvelle réforme de la langue en décide autrement. En attendant, je vous suggère de réécouter cette petite comptine d’Henri Des « Polyglotte »

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18 novembre 2013 1 18 /11 /novembre /2013 19:51

Comme il est bien connu que le travail court les rues, surtout pour les filles comme moi qui ont changé cinq fois d’orientation professionnelle, et malheureusement toujours pour des questions de manque de compétences, il n’y a qu’une explication rationnelle au fait que je ne retrouve pas d’emploi : Je ne sais pas argumenter en entretien.

Bien sûr, il y a ce petit paradoxe de la sincérité indispensable en entretien, en plus du talent rhétorique. Ma réussite dépend de ma capacité à argumenter, mais, pour autant, je ne dois pas mentir, je ne dois dire que la vérité. « Je vous assure, monsieur, qu’il faut m’engager, malgré le fait que toutes mes expériences professionnelles aient été un échec, et que, même dans ma vie privée, je ne suis guère reluisante, que je perds mes moyens quand on me parle comme à un chien, que j’essaye d’être conciliante et que j’ai besoin d’un cadre bien défini pour être efficace.. Je vais vous prouver par ma rhétorique que c’est la bonne solution. » Non, là, je suis sûre que même Cicéron n’y arriverait pas.

Mais effectivement, je ne sais pas argumenter. Enfin, surtout, je n’essaye pas tellement. J’ai déjà assez de mal comme ça à me faire comprendre, alors convaincre… J’ai peur qu’il faille choisir.

Je passe beaucoup de temps, sur ce blog, à m’exprimer. Parce que j’ai la prétention de penser que mes idées peuvent éventuellement intéresser d’autres personnes, parce que ça m’aide de m’exprimer. Mais en général, je n’ai pas d’autre ambition que de dire « mon point de vue sur cette affaire, c’est ceci, et j’ai ce point de vue pour ces raisons-là. ». Je ne m’attends pas à ce qu’on adhère à mon opinion sous prétexte que je l’ai donnée, ça me fait juste plaisir d’avoir un espace où la donner, où je puisse faire exister ma réalité, la façon dont je vois les choses.

Je n’essaye pas de convaincre. Je ne sais pas si c’est parce que je ne m’en crois pas capable ou parce que ça ne m’intéresse pas. De toute façon, si j’essayais, je sais que je ne convaincrais pas. Quel que soit le soin que j’apporte à mes tournures, je ne convaincrai pas parce que j’ai ma façon particulière de fonctionner, et que je rencontre peu de gens dont le fonctionnement dépend des mêmes paramètres que moi. Je sais quelles sont mes faiblesses, et comment on peut manipuler mon propre esprit. Mais je ne sais pas comment manipuler celui des autres. Peut-être que je le saurais si je cherchais, mais… Je ne veux pas manipuler. Pas consciemment, en tout cas.

Nous manipulons tous, c’est humain. Nous essayons de faire culpabiliser, de faire honte, de donner envie, pour obtenir ce que nous voulons. Mais la plupart du temps, c’est instinctif. Commencer une réflexion profonde sur comment convaincre un employeur dont ce n’est absolument pas l’intérêt de m’engager, c’est dur à faire, pour moi. La seule chose que je saurais faire, c’est lui dire pourquoi je m’engagerais, moi, si je n’étais pas moi. Mais, d’une part, il y a un tas de circonstances où je ne m’engagerais pas, un tas de postes que je ne me confierais pas. D’autre part, les raisons pour lesquelles je m’engagerais moi ne sont pas nécessairement celles pour lesquelles un autre m’engagerait. Ce qui est important pour moi ne l’est que pour moi, et n’a aucune raison de le devenir pour les autres. Je ne suis pas quelqu’un d’assez admirable et exceptionnel pour que le fait que ce soit important pour moi devienne une raison de considérer ça comme important. Je peux expliquer pourquoi c’est important pour moi. Mais ces raisons ne suffisent en général qu’à moi.

Je n’arrive pas à avoir envie de convaincre. Parce que j’ai trop envie d’avoir raison. J’ai envie qu’on croie en mes arguments parce qu’ils sont vrais, pas parce qu’ils sont bien dits. J’ai envie qu’on m’engage parce que je suis compétente, pas parce que j’ai bien parlé. J’ai envie que ce qui me paraît valable le soit réellement, et que mon interlocuteur le trouve valable parce qu’il l’est réellement, pas parce que je l’aurai manipulé pour qu’il le croie valable. Je n’arrive pas à renoncer à l’idée d’une réalité commune dans laquelle nous vivrions tous ensemble, mon employeur potentiel, mes formateurs, mes proches, moi-même. Essayer de convaincre, c’est accepter qu’il n’y a pas une réalité, mais plein, et qu’il faut détourner l’interlocuteur de la sienne pour le piéger dans celle qu’on a décidé, contre sa volonté, contre son instinct, contre ce que lui dictent ses sens et sa raison.

Je n’arrive pas à avoir envie de convaincre, aussi, parce que je me sais moi-même extrêmement facile à manipuler. Il est très aisé de me faire douter de mes propres convictions. C’est d’ailleurs pour ça que je fuis les débats. Je risquerais trop de m’y perdre moi-même, face à un interlocuteur trop habile. Je risquerais d’être attirée dans une réalité que je n’ai pas choisie, à laquelle je ne me suis pas mise à croire par sagesse et par expérience, mais parce qu’on a faussé les mécanismes de ma pensée pour m’amener à croire ce que la raison m’aurait fait considérer comme faux.

Si débattre servait à affiner la perception de chacun et à chercher la vérité objective des choses, j’aimerais sûrement débattre, mais débattre est juste un sport de combat, où celui qui gagne annihile la pensée de l’autre. Il y a différentes méthodes pour ne pas perdre un débat, même si on ne parvient pas à convaincre. Elles se résument d’ailleurs en une phrase : éviter de reconnaître qu’on a tort. Si l’adversaire emploie des arguments défendables, il suffit de ne pas y répondre, de digresser sur un petit détail sans importance de son discours, sans importance, mais facilement démontable. Il suffit de faire semblant que l’adversaire a dit autre chose que ce qu’il a dit, quelque chose de parfaitement démontable. Ca ne convaincra pas l’adversaire, mais par contre, ça fera oublier au public ce qu’il a réellement dit. Au moins, ça permettra de continuer à affirmer qu’on a raison, et lui tort, quels que soient les fait. Ces méthodes ne sont pas de l’ordre de l’argumentation. Elles ne permettent pas de rendre la réflexion constructive. Mais elles permettent de gagner.

Je n’arrive pas à avoir envie de convaincre, parce que je n’arrive pas à avoir envie de gagner. Quand on gagne, on est seul, on obtient quelque chose qu’on est seul à obtenir, qu’on ne partage avec personne, et je n’aime pas être seule. Je voudrais que tout le monde gagne en même temps que moi. Je voudrais obtenir des résultats qui ne satisfassent pas que moi, qui ne me laissent pas isolée dans ma victoire.

Sans doute que je ne sais pas me défendre en entretien, sans doute que je ne sais pas jouer un rôle en entretien, mais c’est parce que je n’arriverai pas à obtenir un emploi par tricherie et manipulation. On a inventé la langue pour communiquer. Je n’ai pas envie de convaincre que je suis l’employée qu’il vous faut. J’ai envie de l’être, et de vous le faire savoir. Si vous ne croyez pas en ce que je dis, c’est triste, mais je n’y peux rien.

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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 16:41

La vie, ça s’appréhende comme une recherche google. Tout est une question de mots clefs. Le monde est trop riche, trop vaste. On ne peut pas le regarder dans son entier, il faut choisir ce qui mérite l’attention et ce qui ne la mérite pas. Du coup, on marche par mots clefs. Dans la cacophonie des discours qui sont faits par les autres, on sélectionne ceux qu’on veut écouter en détectant s’ils contiennent les mots clefs des sujets qui nous intéressent. Et sur la masse mouvante et informe des événements qui se produisent autour de nous, on essaye d’apercevoir les images clefs des sujets qui nous intéressent. On sélectionne vers quoi on va tourner son attention, et on ne regarde pas le reste. Ce n’est pas possible de regarder le reste. Ce n’est pas possible de tout voir, il y a trop de choses. Il faut bien faire des sélections, et il faut bien les faire à partir de critères pré-établis, quitte à remettre constamment nos critères en question au fil de nos expériences.

On choisit ses mots clefs soit en fonction de son éducation, soit en fonction de son expérience. L’éducation, ça se remet en question, mais l’expérience, non : on ne peut pas nier qu’on a vécu ce qu’on a vécu. On peut seulement se demander si les liens de cause à effet qu’on a établi entre les événements qu’on a vécu étaient les bons, et si on a sélectionné les bons mots clefs.

Bref, les gens marchent par mots clefs et images clefs, ce n’est pas franchement possible de faire autrement. Ce n’est pas un mal en soit, c’est juste que parfois, ce fonctionnement crée des problèmes. Par exemple, pour convaincre mon interlocuteur que mon discours est intéressant (et par extension, que je suis intéressante), il faut prononcer les mots clefs qui l’intéressent. Plus grave, pour le convaincre que mon discours est intelligent, il suffit de prononcer les mots clefs qu’il a en lui-même rangés dans la catégorie « intelligent ». Avec les bons mots clefs, je peux donc l’amener à approuver une idée totalement contraire à ce qu’il voudrait approuver, juste parce que j’ai créé un malentendu sur le sens profond de mon discours grâce à mon choix de mots.

C’est sans doute pour ça que personne n’est choqué par le personnage de Jor-El dans Man of Steel (oui, je fais une fixation, et alors ?). Son comportement est objectivement monstrueux, mais il utilise les bons mots clefs : ceux qu’il veut génocider pratiquent cette chose qu’on appelle « le clonage » donc ce sont les méchants. Lui veut quelque chose qu’il appelle « retour à la nature », donc c’est le gentil. Personne ne remarque le génocide. Moi si. Parce que « sauver », «peine de mort», « génocide » sont des mots clefs pour moi.

De la même manière, je peux prononcer un discours qui n’est pas si éloigné de ce que mon interlocuteur voudrait approuver, mais prononcer par inadvertance les mots clefs qu’il a rangé dans la catégorie « méprisable », et là, peu importe combien ce que je dirai lui correspondra, il le rangera dans la catégorie méprisable.

Je le sais, ça m’arrive tout le temps. Et ça m’arrive également de dire sans réfléchir une énorme connerie, mais d’échapper au mépris parce que je n’ai pas prononcé les mots clefs qui permettraient à mon interlocuteur de conscientiser le fait que j’ai dit une connerie. Malheureusement pour moi, ce cas de figure est plus rare que l’autre. En général, je prononce les mots clefs qu’il ne faut pas. En particulier dans les entretiens d’embauche. Faudrait qu’on arrête de me demander de justifier pourquoi j’ai démissionné de l’enseignement ! Dur d’en parler franchement, sans prononcer au moins une fois le mot « échec », ou « insuffisance », ou « manque », ou « absence » ou « danger ». Si je suis amenée à le faire, peu importe combien j’aurai été performante, l’employeur ne me rappellera pas.

J’ai conscience que je marche moi-même par mots clefs, mais ça m’est difficile de conscientiser quels sont les miens.

Il y a quelques mois, je regardais Man On Wire, dans mon salon, avec quelques amis. Pour rappel, il s’agit d’un documentaire sur le funambule qui a placé un câble entre les Twin Towers. J’ai déjà du en parler une ou deux fois, comme de Man of Steel, mais cette anecdote m’a marquée. Dans Man On Wire, Phillippe Petit est ingrat envers ses amis, qu’il embarque dans un projet dangereux et illégal pour son seul plaisir personnel, puis qu’il laisse expulser des Etats Unis pendant que lui récolte les lauriers. A ma grande surprise, ça ne choque personne autour de moi. Par contre, il trompe sa femme. Ca, ça choque tout le monde. Moi, ça me parait juste cohérent avec le reste de son comportement. Parce que j’ai attendu, pendant tout le film, qu’il prononce mes mots clefs. Qu’il me parle de message à donner aux générations futures, de symbole, d’art, de don de soi. Mais il n’a parlé que de plaisir personnel, de désir personnel, d’amusement. Même ceux qui passaient devant la caméra pour justifier s’être embarqués dans un projet aussi inutile et dangereux que tendre une corde entre les Twin Towers en toute illégalité n’ont pas prononcé mes mots clefs. Ils ont juste dit « c’est beau ». Ce ne sont pas mes mots clefs. Ils ne m’ont pas parlé.

Si j’ai tant de mal à communiquer, c’est que je n’ai pas les mêmes mots clefs que mes amis, ni les mêmes mots-clefs que mes collègues, ni que mes employeurs potentiels. Du coup, j’ai du mal à me faire comprendre. J’entends mon discours répété comme étant l’exact contraire de ce que j’ai dit, parce que les mots clefs qui auraient parlé à mon interlocuteur n’y étaient pas. Je ne suis pas très douée pour deviner quels sont les bons mots-clefs. Et parfois, quand je les devine, je n’arrive pas à les prononcer, parce que dans mon échelle de valeurs, ils sont mal placés, et que je n’ai pas envie de remettre en question la raison pour laquelle je les ai mal placés.

Les mots clefs ne sont pas nécessairement mal choisis, ni mal classés, il faut peut-être juste avoir suffisamment conscience de ces choix, de ces classements, pour les rendre pertinents.

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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 11:39

J'ai aimé Internet dés que je l'ai rencontré, parce que c'est un espace d'ouverture, où ta différence ne fait pas de toi un objet de rejet, mais un contributeur à la richesse et la diversité de l'espace. Aussi n'ai-je jamais compris cette volonté de diviser l'internet entre les vieux de la vieilles, qui le fréquentent depuis des années et en connaissent tous les codes, toutes les privates joke, toute les habitudes, et les nouveaux arrivants, qui ne connaissent pas, qui découvrent, qui ont tout à apprendre, et pas forcément de mauvaise volonté pour le faire.
J'admets que j'ai moi-même le sentiment qu'il y a deux générations d'internet. Quand j'ai commencé, les personnes auprès de qui j'ai démarré avaient vis à vis d'Internet une approche différente de celle qu'on décrit dans les média aujourd'hui. On s'y comportait comme on se comporterait sur une place publique, pas comme on se comporterait chez soit. On n'y divulguait ni son vrai nom, ni son numéro de téléphone, ni ses mensuration, certainement pas les photos de ses seins, assez rarement celles de son visage. Msn avertissait avant chaque conversation "surtout, ne divulguez pas d'information personnelle à quelqu'un que vous ne connaissait pas". Aujourd'hui, sur facebook, il est interdit de s'inscrire sous un pseudo, et on est incité à dénoncer ceux de nos contacts qui dérogent à cette règle. Mais même avec ce sentiment de différence, il ne me vient pas à l'idée de refuser d'échanger avec ceux qui n'ont pas reçu la même éducation internaute que moi. D'ailleurs, je suis inscrite sur facebook. Et sur twitter.
Une des principale guerre que j'ai menée,et perdue, sur internet, est la lutte contre l'attitude méprisante de ceux qui se sentent supérieurs aux débutants parce qu'ils connaissent les code que les débutants ne connaissent pas. Je n'ai jamais pu convaincre qui que ce soit qu'une explication vaut mieux que des insultes pour lutter contre le langage sms, le hors sujet ou le flood, et j'ai même du quitter le forum que je modérais depuis trois ans à cause de ça. Je ne voulais pas être complice de cette attitude que j'estimais faire souffrir inutilement des personnes qui ne le méritaient pas forcément. Mais on n'impose pas une façon de faire à 3000 inscrits qui en préfèrent une autre. On choisi seulement d'y participer ou pas. Et je ne voulais pas y participer. A ce moment-là, je n'avais encore jamais fait partie des victimes de ce snobisme, j'avais seulement une idée claire de ce qu'elles pouvaient ressentir.

J'ai pu en faire l'expérience, deux ans plus tard, quand un de mes collaborateurs est allé faire la promotion, sur un forum très réputé, d'un site que j'étais en train de créer.
Le site en question a été construit dans des conditions désastreuses. Ca devait être un projet à plusieurs, mais on m'a laissé le gérer toute seule, malgré mes demandes régulières d'aide et de conseil, puis, au bout de deux ans, on a voulu me le retirer sans sommation sous prétexte que mon travail n'était pas assez bon. Je l'ai abandonné, outrée, et attends encore les excuses de ceux qui étaient sensé y participer et ne sont intervenus que pour proposer de me virer. Par conséquent, ce site était sans doute criticable. Ce que je ne comprends pas est la façon dont il a été critiqué.

Déjà, le message de mon collaborateur a été accueuilli avec insultes, quolibets et moqueries méprisante parce qu'il contenait quelques fautes d'orthographes. (Le collaborateur en question avait des difficultés sur ce plan, et ce n'était pas par manque de bonne volonté, du tout). Les rares ayant daigné regarder le contenu du message plutôt que la forme sont tombé à bras raccourci sur le design du site, rivalisant d'éloquence et d'emphase pour critiquer les couleurs, le papier peint, la police d'écriture... "Du comic sans ms ! Dire qu'il y en a encore qui utilisent cette police honnie des dieux !"
Le design en question était le fruit d'un long travail de recherche, fait seule, malgré les multiple demande de conseils envoyé à mes collaborateurs. J'avais délibérément cherché à donner un aspect naïf et innocent, pour donner un sentiment plus convivial au visiteur. J'y avais passé des heures, et des larmes.
Inutile de dire que fort peu de ce joyeux orateurs se sont posés la question du contenu du site, et pourtant, les rares à l'avoir fait, on admits, du bout des lèvres, écorché d'avoir à dire quelque chose de positif, qu'il était bon.
Lorsque j'ai écrit au modérateur du forum en question pour demander un appel au calme, et qu'on demande aux orateurs méprisant des excuses envers mon collaborateur, en précisant bien qui j'étais, quel âge j'avais et en quoi cette affaire me concernait, celui-ci m'a répondu par un mail condescendant qui peut se résumer en ces termes "mon cher petit (j'avais précisé que j'étais une femme de trente ans), quand tu auras un peu d'expérience d'internet comme moi (j'avais précisé que j'avais été modératrice d'un grand forum pendant trois ans) tu saura que se moquer de ceux qui ne connaissent pas les normes est la façon normale de se conduire, et que c'est drôle. Maintenant, la prochaine fois, dis à ton petit frère de régler ses problèmes tous seuls."

Je n'ai jamais pu trouver de place sur aucun autre forum. Je n'ai jamais réussi à nouer de lien avec qui que ce soit d'autre sur internet, à cause de ma politique, qui consiste à penser que la pédagogie, c'est mieux que l'insulte, que tout le monde mérite qu'on lui laisse une chance d'apprendre et de progresser, et que si on refuse la nouveauté, on finit isolé à rire à ses propres blagues.(moyennant quoi, c'est moi qui suis seule, aujourd'hui, obligée de rire seule à mes propres blagues, séparée de tous le monde par un mur d'incompréhension, du coup, je devrais peut-être admettre que j'ai tort et que tout le monde à part moi adore être insulté par de parfaits inconnus qui ne savent rien de combien tu t'es investie dans ton projet, mais rien à faire, je n'arrive pas à trouver ça crédible une minute)
Quand je suis arrivée sur internet, j'écrivais en comic sans ms. Parce que c'est une jolie police, et que je n'étais pas au courant du mépris qu'elle suscite. J'aurais pu avoir un skyblog. J'aurais pu apprendre à écrire en sms, si on m'avait prétendu que c'est comme ça qu'il faut faire. Quand je suis arrivée sur internet, je ne savais pas ce qu'était un forum, qu'il faut poster des message toujours en rapport avec le titre du sujet, pas juste en rapport avec le post précédent, qu'il ne faut poster que pour donner des informations, pas juste pour dire "je suis d'accord". J'ai eu la chance de tomber, apparement, sur le seul et unique forum de tout l'Internet où, au lieu de m'humilier parce que j'ignorais toutes ces choses, on me les a expliquées.

Etant donné les triste circonstances dans lesquelles on s'est séparés, je ne peux pas me permettre de dire que ce forum a gagné à me laisser apprendre. Juste qu'en tout cas, pendant trois ans, il a prétendu y avoir gagné, et que son changement d'avis à mon sujet à été si brutal qu'il ne peut pas être complêtement justifié. En tout cas, je pense n'avoir pas fait que du mal à ce forum, durant le temps où j'y étais, sinon, on m'en aurait chassée bien plus tôt. Je persiste à ne pas trouver que se moquer est la façon normale de se conduire. Encore moins que c'est drôle. Je persiste à penser qu'Internet devrait être fait de diversité et de communication, pas d'isolement et d'humiliation.
Et je persiste à penser que le comic sans ms est une jolie police.

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 12:45

Si je ne parle pas, cependant que je chante

Si je n'explique pas le sens de mes chansons

Si je ne cite pas d'aventure touchante

Et si je me présente sans trop de façon
Ce n'est pas voyez-vous que j'ai de l'arrogance

Et ceux qui le diront, c'est qu'ils n'ont rien compris
Mais j'en dit bien assez dans mes chansons, je pense
Ce n'est pas bavarder que je viens faire ici

 

Anne Sylvestre

(dans le contexte, ça voulait dire autre chose que ce que je lui fait dire maintenant, mais la chanson va merveillesement bien avec mon sujet quand même)

 

 

On me reproche (très) souvent, de ne pas être assez communicante. (Les plus gentils disent "réservée", et les plus méchants "faux cul"). En effet, je ne parle aux gens que lorsque je pense que ça sert à quelque chose, que de la conversation résultera du positif sur le long terme. Si j'estime que la personne ne m'écoutera pas parce qu'elle n'en a pas envie, qu'elle ne me comprendra pas parce que sa conception du monde est trop différente de la mienne, qu'elle ne me croira pas parce qu'elle ne se fie pas à moi, je ne vais pas lui parler. Ce n'est pas parce que j'ai du mépris pour la personne en question. Au contraire, en ne lui imposant pas des mots qu'elle n'a pas l'intention de recevoir, je lui reconnais son droit d'être différente de moi, et d'être telle que mes mots ne lui sont pas adapté. Ce n'est pas parce que je n'aime pas communiquer. Au contraire. C'est parce que j'attache beaucoup d'importance à la communication, parce que j'estime qu'il y a des conversations qui sont le contraire de la communication et qu'elles font plus de dégats sur le long terme que le silence. D'ailleurs, je n'estime pas que le silence soit de la non-communication. Au contraire. De fait, j'utilise énormément la communication non-verbale, j'y suis très attentive et c'est ça qui, à une époque dont plus personne ne se souvient aujourd'hui, m'a rendue si efficace pour réconforter les autres.

Je ne parle pas souvent parce que je ne parle pas pour ne rien dire, parce que je ne parle pas pour écraser, parce que je ne parle que si ça en vaut la peine, pas parce que je n'aime pas parler.

Les critères sur lesquels je me base pour déterminer si telle conversation mérite d'être engagée ou pas sont totalement objectifs. Le comportement auparavant constaté chez l'interlocuteur dans d'autres conversations. Ce que je sais de sa façon de ressentir, de raisonner, de s'exprimer. La pertinence de ses réponses à mes premières paroles. Le contexte relationnel dans lequel nous sommes. N'importe qui peut gagner ma confiance, n'importe qui peut la perdre, ça ne dépend que de ses actions, et c'est de sa responsabilité. On me dit que parfois, je me trompe. C'est possible. Personne n'est infaillible, mais dans ce cas, la personne finira, par son attitude générale, par me prouver que communiquer avec elle peut aboutir à un résultat profitable pour tous. Je suis désolée, mais je ne remets pas en question ma stratégie de communication.
Je vois tous les jours des gens s'engager dans des discussions interminables et tendues, qui leur font du mal, leur font oublier ce qu'ils ont d'appréciables au-delà du sujet du désaccord, et finissent par les séparer définitivement. Je ne vois pas en quoi s'obstiner à poursuivre ces discussions jusqu'au bout est avantageux.
J'entendais l'autre jour une personne, au sortir d'une de ces discussions stériles, qui s'était achevé par le renoncement de son interlocuteur, dire "Alors, j'ai gagné !". Elle le disait en plaisantant, mais non, elle n'avait pas gagné. Elle avait perdu. L'autre aussi. Dans une conversation, il n'y a jamais un gagnant et un perdant. Dans un duel à l'épée, oui, puisqu'il y a à la fin un mort et un meurtrier (quant à déterminer lequel des deux est le gagnant, c'est une autre histoire). Dans une conversation, non. Il y a deux gagnants, ou deux perdants. Même ceux qui considèrent que le but d'une conversation est d'être le dernier à parler sont objectivement perdants. Ce n'est pas parce qu'ils auront tellement assommé leur interlocuteur par leurs arguments lapidaires, et refusé de répondre à ceux qui leurs sont présentés, ce n'est pas parce qu'ils auront tellement embrouillé leur interlocuteur qu'il ne trouvera plus rien à répondre, ni parce qu'ils auront fait preuve de plus de déni et de mauvaise foi que l'autre qu'ils auront gagné. L'autre ne sera pas convaincu, sauf de ne plus essayer de discuter de ce sujet avec cette personne-là. D'ailleurs, l'autre s'estimera gagnant aussi, puisqu'il sera celui qui aura compris en premier que la discussion est inutile, prouvant par là sa plus grande clairvoyance. Dans une discussion, le seul adversaire, s'il y en a un, c'est le manque de communication, et il y a trop de discussions où le manque de communication gagne.
On ne peut pas forcer quelqu'un qui ne veut pas écouter à écouter. On ne peut pas changer les gens et en faire autre chose que ce qu'ils sont. S'ils ne sont pas fait pour mes mots, s'ils n'en veulent pas, ça ne sert à rien de le leur imposer. Ni de le leur reprocher, d'ailleurs. Ils sont ce qu'ils sont, je suis ce que je suis. Je ne remets pas mon choix d'être moi en question, ni leur choix d'être eux. Il faut de tout pour faire un monde, et dans ce tout, il y a des gens qui ne peuvent pas s'entendre, c'est comme ça. Et il y a des gens qui peuvent s'entendre sur certains sujets mais pas sur d'autres. Et il n'y a quasiment personne qui puisse s'entendre sur tous les sujets. (et encore, je me demande si le "quasiment" n'est pas de trop)

Je vois trop de ces conversations, j'en entends trop, et j'en vis trop, malgré mes efforts pour les éviter. J'ai beau faire, j'ai beau être prudente, et j'ai beau utiliser toute forme de support pour m'exprimer, personne ne sait jamais pourquoi j'agis comme j'agis, pourquoi je suis ce que je suis, tout le monde préfère croire à sa propre théorie sortie de nulle part me concernant. Je crois qu'il n'y a pas grand monde qui me connaisse vraiment, je suis cachée derrière tout un tas de fausses idées qu'on se fait sur moi en n'écoutant qu'à moitié ce que je dis. Quelqu'un qui avouerait ne rien savoir sur moi en saurait selon moi déjà plus que beaucoup de gens de mon entourage qui sont persuadés que je pense le contraire de ce que je pense, que je suis le contraire de ce que je suis.

Quand je dis "je ne veux pas parler de ça", ce n'est pas à la légère. Il ne faut pas entendre "je veux que tu m'en parles différemment". Si c'était le cas, je demanderai qu'on m'en parle différement. Si je dis "je ne veux pas parler de ça", c'est parce que je sais qu'en parler me ferait du mal, ferait du mal à l'autre, ou nous ferait du mal à tous les deux, et pas d'une manière éducative qui pourrait justifier qu'on prenne le risque de se faire mal. Et étant donné que je ne dis ce genre de choses qu'en dernier recours, j'attends qu'on accepte cette condition quand je la pose. Ce n'est pas du mépris. Ce n'est pas du rejet. C'est tout le contraire, c'est parce que se taire est le seul moyen de ne pas mettre fin à toutes chance de communication.

 

PS : Je ne règle pas de comptes personnels, avec cet article, je défends ma façon de raisonner contre un avis assez généralement répandu pour justifier de le faire sur un blog.

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