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1 novembre 2023 3 01 /11 /novembre /2023 10:24

Dans l’épisode précédent, nous avons vu que renoncer à son Star Wars serait plus facile si on était sûr que notre Star Wars déplait et n’est pas effacé par négligence. 

Nous allons mourir. Le monde auquel nous appartenons va mourir. La culture qui constitue ce monde va disparaître, plus rapidement si elle est remplacée par une autre qui porte le même nom que si elle est conservée en l’état dans une vitrine de musée, mais en tout cas, elle va disparaître. 

Il est vain de vouloir lutter contre ça, on peut tout au plus en retarder l’échéance en maintenant ses fictions préférées dans les mémoires. 

Mais en attendant, le présent continue, et nous ne sommes pas morts. On ne peut pas mourir avant d’être mort. Nous sommes toujours dans le monde. Nous lui appartenons autant que n’importe qui. Notre culture lui appartient toujours autant que n’importe quoi. D’accord, ce qui se construit à long terme dans ce présent, seuls les plus jeunes le verrons s’accomplir, et peut-être qu’ils ont plus de légitimité à refuser telle ou telle tendance pour privilégier telle ou telle autre. Mais le présent actuel, l’état du monde à l’instant T, nous y sommes en même temps qu’eux. Notre culture y est en même temps que la leur. Nous n’y pouvons rien et eux non plus : il faut partager ce monde. Il faut y coexister. Soit en s’imposant les uns aux autres par le conflit, soit via la transaction et le compromis. 

Mettons la fiction de côté pour l’instant, et parlons du Vivre Ensemble. Beaucoup d’intérêts personnels sont incompatibles et inconciliable, on ne peut pas éviter d’en sacrifier un peu pour vivre ensemble, on peut tout au plus essayer de sacrifier équitablement, que chacun fasse un peu d’effort pour que tout le monde ait autant de confort que possible, plutôt qu’une partie des humains souffre pour que quelques autres soient pleinement heureux. Pour cela, il faut travailler de concert, communiquer. Pour cela, il y a une base sur laquelle on peut se fonder, c’est la réalité. La réalité est commune. Ne pas nier ce qui est, parler ensemble de ce qui est, c’est l’étape numéro un pour arriver à vivre ensemble. 

Revenons à la fiction, maintenant. Qu’on le veuille ou non, dans un monde interconnecté, la culture sera commune. A moins d’un rude et long travail de propagande à l’efficacité peu garantie, on ne peut pas empêcher les œuvres qu’on aime pas d’exister ou d’avoir existé. Concernant Star Wars, tous les films, tous les jeux, toutes les séries, tous les comics, tout ce qui a été fait a bel et bien existé. On peut continuer à se sauter à la gorge les uns aux autres à cette évocation, on peut éviter de se parler, mais le plus constructif, c’est quand même d’accepter cet état de fait. Accepter que ce qui a existé a exister. Accepter qu’à l’origine, George Lucas avait envisagé de faire 9 films, mais pas ceux-là, et que finalement, l’histoire qu’il a choisie de raconter tenait en trois. Accepter qu’il y a eu un univers étendu développé par-dessus ses films, s’y enchâssant plus ou moins bien selon les œuvres, mais que ce n’était pas initialement prévu. Accepter qu’il y a eu une prélogie créée pour raviver la franchise, mais qu’elle ne manquant pas spécialement dans l’œuvre d’origine. Il faut accepter que tout un tas d’œuvres ont été écrites autour, que certaines étaient moins réussie que d’autres, qu’un certain nombre d’entre elles se contredisait, et que ça a commencé à devenir n’importe quoi. Il faut accepter qu’une suite au trois premiers films s’est faite en bout de course, alors que l’histoire de base était finie. Il faut accepter qu’avec ces suites est venu un état d’esprit très différent de ce qui avait été fait jusqu’à présent, et que ce qui avait été écrit jusqu’à présent a été décannonisé après avoir été la version officielle pendant plusieurs décennies. Il faut accepter que l’ensemble ne donne pas un tout cohérent. Il faut accepter que tout le monde n’aime pas la même partie de Star Wars, et qu’on ne peut pas affirmer être fan de star wars puisqu’il n’y a plus UN Star Wars mais 36000.Et surtout, accepter que tout ça serait plus facile à gérer pour nous si, de base, Star Wars était restée une simple trilogie faite dans les années 70, et si on avait eu le droit d’entendre tous la même histoire. Et aussi, si on s’était dit qu’au fond, ce qui est important, c’est l’histoire. 

Ceux qui appellent de leur vœux la prolongation ad vitam aeternam des franchises ne s’intéressent pas aux histoires, ils s’intéressent aux univers. Ça ne change rien au fait qu’ils doivent tout de même se mettre d’accord sur les règles de l’univers en question, mais soit, reconnaissons que la question est de savoir si l’histoire est si importante, et si elle doit être placée sur un piédestal et mise dans un musée une fois qu’elle a un début, un milieu, une fin. 

Encore une fois, posons-nous la question, posons-nous la sincèrement. 

Pas moi, malheureusement. Je ne pourrai pas. Ce n’est pas par manque de volonté. Je n’ai pas de réponse, car je ne suis pas capable d’envisager le cas de figure où la réponse serait non. 

J’aime les histoires. Elles constituent des exercices de pensées qui me permettent de cumuler l’expérience de mille vies et gérer mon quotidien sur base de cette expérience. Les univers dans lesquels elles se développent ne m’intéressent que dans la mesure où ils permettent d’y avoir ces expériences, sans elles ils seraient vide de sens et d’intérêt. Je ne prétends pas comprendre quelqu’un qui trouve que l’univers est plus intéressant que l’aventure qu’on y vit. J’entends que ça existe, et je suis prête à écouter, si on m’explique pourquoi, mais je ne promets pas de comprendre. 

Je suis tout de même capable de dire que ces expériences de mille vies que les histoires me donnent, j’ai tout avantage à les vivres en même temps que les autres humains qui partagent le monde avec moi. Avoir ces expériences en commun me permet de communiquer avec eux, de construire notre relation sur des référence commune, et nous garantit la possibilité de vivre ensemble. Donc oui, une histoire est importante, suffisamment, à mon avis, pour être placée sur un piédestal et mise en un musée une fois qu’elle a un début, un milieu et une fin. Suffisamment pour qu’on la réécrive du début si on veut recommencer à expérimenter son univers, plutôt que de la prolonger avec une suite qui lui retire son sens. 

Je ne peux pas être sûre d’avoir raison tant que je ne serai pas en mesure de faire l’expérience de pensée nécessaire pour envisager ce qui motive quelqu’un à préférer l’univers et s’en foutre de l’histoire. Mais je peux tout de même affirmer que la fiction a cette utilité, et que, pour moi, cette utilité mérite le respect. 

 

Dans le prochain épisode : la mort des étoiles

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