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16 novembre 2023 4 16 /11 /novembre /2023 23:04

Dans une île toute pourrie, il y avait une fille, parfaite. Comme elle était parfaite, bien sûr, le prince de l’île était amoureux d’elle. Et comme, en dépit de sa perfection, elle était roturière, le seigneur de l’île décida de se débarrasser de son fils en le livrant à une sorcière, et d’adopter un héritier plus apte à perpétuer la lignée en se mariant avec des prétendantes de noble sang. La fille parfaite, étant parfaite, commença par demander l’aide des autorités compétentes, pour sauver son amoureux, et ce n’est qu’après avoir essuyé leur refus qu’elle se décida, malgré son inexpérience mais armée de sa perfection, à partir sur les mers pour délivrer celui qu’elle aimait. 

Rien qu’avec ce pitch, j’aurais voulu lire ce livre, mais ce pitch est loin de révéler à quel point il était fait pour moi. 

Car l’histoire, si passionnante, si engageante qu’elle soit, et les personnages, si attachants, si inspirants qu’ils soient, sont loin d’être le principal intérêt de ce livre. 

Le principal intérêt, pas le seul, mais le principal, c’est la narration. 

Une narration drôle, impertinente, caustique mais en même temps pleine de bons sentiments, tenue par un personnage omniscient mais intégré dans l’histoire, impertinent et philosophe, amateur de répliques qui tuent et de réflexions profondes sur la condition humaine, les relations entre personnes et l’intérêt de la vie. Mais surtout ce narrateur est drôle. Extrêmement drôle. L’histoire est très sérieuse, pas de malentendu, mais le narrateur est hilarant. 

On comprend assez vite que ce personnage doit être un personnage récurrent des livres de cet auteur. Cependant même en ne connaissant pas les autres livres, on adhère immédiatement à ce personnage et à cette narration. On devrait lire ce livre, rien que pour ce narrateur. 

Pour vous donner un ordre d’idée, j’ai assez rapidement pris l’habitude d’interrompre ma lecture pour noter les meilleures phrases. 

Malheureusement, cet ouvrage était vraisemblablement un exercice de style pour son auteur. Cette narration est unique, et n’aura plus jamais d’équivalent. Ça rend l’œuvre d’autant plus précieuse. 

J’ai trouvé l’histoire plutôt prévisible et c’est loin d’être un reproche. Pour être plus exacte, au cours de ma lecture, chaque fois que je désirais que les événements prennent une certaine tournure je savais qu’ils allaient tourner comme cela car cette histoire mettait systématiquement un point d’honneur à être très précisément celle que je voulais entendre.  

Mais Tress de la mer Emeraude, ce n’est pas juste l’histoire parfaite d’un personnage parfait raconté de manière parfaite dans un style parfait. C’est aussi un univers original et intéressant. 

Qu’est-ce j’entends par original et intéressant, moi qui suis infichue de m’intéresser à un univers s’il ne sert pas à sublimer l’histoire ?  

J’entends, bien sûr, qu’il la sublime. Et ce n’est rien de le dire. 

Si l’éponyme mer Emeraude sur laquelle navigue notre héroïne parfaite est de couleur émeraude, c’est parce qu’elle n’est pas constituée d’eau mais de pollen. Ce pollen a des réactions spectaculaires et dangereuses lorsqu’on l’asperge d’eau, ce qui, je cite “peut poser problème vu le nombre de truc humides qui s’écoulent des corps humains, même ceux en bonne santé”. Mais comme un personnage de point’n click bien astucieuse, notre héroïne parfaite va trouver le moyen d’exploiter les mécanismes de cet univers de façon à faire aller le scénario dans le meilleur sens possible. Et on en retirera non seulement des images mentales sublimes et du vocabulaire exotique du style “éther de minuit”, ou “lien de Luhel”, mais surtout des péripéties passionnantes, les péripéties qu’il fallait voir se produire dans cet univers-là pour justifier cet univers-là. 

Je ne peux pas décrire Tress de la mer Emeraude car rien de ce que je pourrais en dire ne serait aussi élogieux que ce livre le mérite. C’est un livre unique, une lecture passionnante, un plaisir complet de la toute première à la toute dernière page, sans la moindre fausse note. C’est un livre qui se vit, se rit, se pleure, se tremble, se lit et se relit, se cite, et ne se commente pas. 

Je ne peux que vous recommander d’arrêter tout ce que vous êtes en train de faire, quoi que ce soit, et de vous dépêcher d’aller le lire. 

 

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