En périodes de crise, je parcours les hashtags de Twitter pour prendre la température de ce que les français pensent, et savoir exactement où en sont les choses. C’est comme ça que je tombe parfois sur des articles comme celui-ci, ou un non votant explique son choix de ne pas voter, et appelle massivement les autres votants à ne pas voter.
Je vous invite à lire l’article, il est intéressant quand on cherche à comprendre le phénomène de l’abstention, et, contrairement à ce qui se raconte un peu partout sur internet (en particulier à propos d’un certain philosophe dont je parlais dernièrement), essayer de comprendre un phénomène ne signifie pas le cautionner, c’est même, en toute logique, une première étape incontournable, quand on a décidé de l’endiguer.
Quoi qu’il en soit, suite à la lecture de cet article, j’ai envoyé une question en MP à ce blogueur, mais comme celui-ci doit crouler sous les MP, il n’y a pas répondu. Cependant, je suppose que son raisonnement est partagé par d’autres abstentionnistes, aussi peut-être ceux-ci pourraient m’éclairer à sa place. C’est pourquoi je vais partager mes réflexions et interrogations ici.
L’essentiel de cet article est une argumentation pour démontrer que la démocratie participative ne fonctionne pas et doit être remplacée par un autre système, plus à même de défendre les intérêts du peuple (le peuple est, je le rappelle, ce sur quoi s’exerce le pouvoir). Cette assertion est longuement développée et démontrée, avec intelligence et éloquence. Et je ne vais pas y revenir, ne serait-ce qu’une minute. Pas que j’approuve ce point de vue, loin de là, même si je reconnais que beaucoup d’arguments sont fondés. Juste que, là, tout de suite, maintenant, la question de si la démocratie participative fonctionne ou pas n’est pas mon problème. Oui, c’est fort triste vu le temps et l’effort que notre blogueur non votant a mis dans son argumentaire, persuadé que, pour me détourner du chemin des urnes, c’est de ça qu’il fallait me parler. Sauf que non, j’ai bien entendu la démonstration, je vois bien que c’est une opinion réfléchie et fondée sur un vrai raisonnement, mais il n’y a aucune partie de cette réflexion qui aborde mon problème immédiat, qui est que, dimanche, une élection est organisée, et qu’environ 15% des français ont l’intention de s’y rendre pour élire un parti qui prône la peine de mort, le déremboursement de l’IVG, et la suppression des allocations aux associations qui viennent en aide aux réfugiés. Qu’à ma connaissance, on n’annule pas un résultat d’élection sous prétexte que seuls 15% des électeurs se sont déplacés. Et que ces 15% d’électeurs se déplaceront, quoi qu’on fasse, et quoi qu’on dise.
Donc, voilà ma question : en quoi l’abstention est-elle une solution ? Mon blogueur non votant explique que l’objectif est d’amener je ne sais pas exactement quel décideur à mettre en place une autre forme de démocratie. Mais il n’explique pas comment l’abstention peut avoir, logiquement, ce type de conséquence.
Nous sommes bien d’accord que les électeurs du FN sont parfaitement satisfaits de leur parti. Ils ne s’abstiennent pas, et ont la tranquillité d’esprit de gens qui ne sont pas obligés de voter pour des personnalités qu’ils trouvent antipathiques afin d’éviter que le pays ne tombe aux mains de quelqu’un qu’ils estiment dangereux. Il n’y a aucun moyen qu’ils renoncent aux urnes, elles ne leur procurent que de la satisfaction.
Seuls les 85% de français qui, depuis des décennies, sont obligés de voter pour le PS et l’UMP afin que le Front National ne soit pas présent au second tour, qui n’ont même pas le luxe de se demander si un parti existant pourrait représenter mieux leur point de vue, qui n’ont même pas le luxe de créer ce parti, parce que l’existence du FN leur interdit de prendre ce risque, seuls ces électeurs-là souffrent de cette situation. C’est d’ailleurs à eux que s’adresse l’article, pas à ceux qui sont heureux de leur vote. Supposons que ces 85% de français renoncer à voter, ainsi que mon blogueur non-votant le réclame, et le FN se retrouve élu pour diriger le pays à l’unanimité.
Et à partir de là, c’est quoi, le plan ? Je veux bien qu’il y en ait un, mais je ne comprends pas qu’aucune partie de l’article ne l’explique. C’est quand même un aspect important et décisif du problème, celui qu’il faudrait aborder pour me convaincre ou non de boycotter les urnes. Or, soit ça m’a échappé, soit la question n’est juste pas abordée.
Je ne peux que supposer que, selon les abstentionnistes, le FN n’est pas si dangereux que ça. Que la peine de mort, c’est pas si grave, le droit à l’avortement, c’est tellement surfait, et la solidarité, ça fait chier. Bref, que le FN, c’est pas si mal. Que, pour autant, ils ne vont pas voter pour lui, parce qu’ils veulent quand même exprimer leur désapprobation vis-à-vis du système de vote, mais qu’ils n’ont, dans l’absolu, rien contre le fait que le FN se retrouve au pouvoir.
Cette question-là non plus n’est pas abordée dans l’article de mon blogueur non-votant. Elle est pourtant importante. Moi, je veux bien qu’on m’expliquer pourquoi je dois renoncer à mon droit à l’avortement, et à une société qui me convienne, où on n’a pas le droit de décider de la vie ou de la mort de quelqu’un, et où on est tenus d’organiser une aide pour ceux qui en ont besoin. On dira ce qu’on voudra du PS et de l’UMP, mais jusqu’à présent, à ma connaissance, ils n’ont pas remis en question le droit à l’avortement et l’abolition de la peine de mort.
J’espère qu’un abstentionniste aura l’obligeance de m’expliquer ces deux points.
En attendant, moi, je n’ai pas envie du FN au pouvoir, donc je vais voter. Et j’appelle tout ceux qui partagent ma crainte du FN à voter, même s’il s’agit de voter à droite quand on est de gauche, ou à gauche quand on est de droite, même s’il s’agit de voter pour quelqu’un qu’on n’aime pas, juste parce que le FN au pouvoir, c’est dangereux, plus dangereux que tout le reste. Ne vous abstenez pas. Parce que les électeurs du Front National, eux, ils voteront, et massivement.