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28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 08:15

La triste nouvelle tourne depuis quelques mois sur le net parmi les fans de comics. Batwoman n’épousera pas sa petite amie, comme les auteurs en avaient décidé depuis un an. DC Comics s’y est opposé. Scandale ? Homophobie ? Peut-être, mais cette anecdote soulève mine de rien quelques questions intéressantes.

Aujourd’hui, en 2013, on peut dire bien des choses de l’introduction des personnages homosexuels dans la fiction, mais ce qui est sûr, c’est que, comme pour les personnages féminins ou les personnages de couleurs, cette introduction s’est banalisée. Et tant mieux.

Parce que, si la fiction n’a pas pour but d’être le portrait exact de la réalité, si elle a plutôt pour rôle de donner corps à la vie intérieure de l’auteur et du lecteur, de guérir des angoisses profondément enfouies au fond de soi, voire de déclencher des réflexions sur la manière d’appréhender la réalité, c’est une bonne chose que dans l’inconscient collectif, l’humanité ne soit pas réduite à l’homme blanc hétérosexuel. Il s’agit d’éduquer le public de manière à ce que femmes, homosexuels et gens de couleurs soient une réalité tellement bien intégrée à son imaginaire qu’il peut en croiser au fil de ses lectures sans relever la particularité que constitue pour ce personnage son sexe, son orientation sexuelle, ou sa couleur plus qu’il relèverait la particularité que constitue sa couleur de cheveux ou sa marque de boisson préférée.

En un mot comme en cent, l’homosexualité dans la fiction, aujourd’hui, ça ne doit plus juste être là pour montrer qu’on est un auteur trop rebelle, qui ose et fait de la provoc. Parce qu’aujourd’hui, ça ne devrait plus être politiquement incorrect ou provoquant.

Lorsque DC Comics répond aux journalistes que ce n’est pas au mariage homosexuel qu’il s’oppose, mais au mariage tout court, je ne sais pas quel est le degré de sincérité dans cette déclaration. Il y a de fortes chances que ce soit juste un prétexte intelligent trouvé par un directeur de com intelligent. Ce que je relève, surtout, c’est que cet argument est plausible. Marier un super-héros, le faire passer dans le camp des adultes qui fondent une famille, le faire quitter le camp des adolescents célibataires auxquels les lecteurs peuvent s’identifier a toujours posé problème à l’industrie du comic book, au point qu’on en arrive à des pirouettes scénaristiques tel que Peter Parker qui fait un pacte avec le diable pour changer son passé et annuler son mariage. Ce n’est pas franchement plus acceptable quand il s’agit d’un couple hétérosexuel, mais en tout cas, on n’a pas attendu les mariages entre couples du même sexe pour avoir cette allergie au mariage dans la fiction.

Dans ce cas précis, il doit y avoir une bonne dose de mauvaise foi dans l’argument, je ne le nie pas, mais ce qui m’interpelle, c’est que, quelle que soit la raison pour laquelle on l’a annulé, ce mariage POUVAIT être un mauvais choix scénaristique.

Je connais mal le sujet. Il y a, au final, assez peu de comics que j’ai suivi en intégralité, trop long, trop compliqué, trop de personnages. Je ne connais le personnage de Batwoman que par la série 52, qui se focalisait moins sur elle que sur sa petite amie, Renée Montoya, personnage à première vue plus complexe et plus intéressant. Et depuis, le reboot a eu lieu, et je dois dire que l’univers de New 52 ne m’intéresse pas. Bref, je ne sais pas du tout si le personnage de Batwoman se prêtait à devenir une femme mariée, je ne sais pas du tout si l’intrigue amoureuse qui se déroulait entre elle et sa nouvelle petite amie se prêtait à aboutir à un mariage. Je ne sais qu’une chose, c’est que ce qui intéresse les médias dans l’annulation de ce mariage, c’est qu’il s’agissait d’un mariage homosexuel. Et la question que je me pose, c’est « Est-ce que ce mariage aurait été planifié si Batwoman avait été hétérosexuelle ? » Il est possible que oui. Il est possible que non. On ne peut pas le savoir, à moins d’être dans la tête des auteurs. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est, dans l’absolu, une mauvaise idée de mettre en scène un mariage homosexuel JUSTE pour mettre en scène un mariage homosexuel.

Parce que nous ne devrions plus être à l’époque où on met de l’homosexualité pour l’homosexualité, dans la fiction. Parler de l’homosexualité ne devrait plus être provocateur. Nous sommes à une époque où ça devrait être normal d’en trouver dans la fiction, parce qu’on a accepté leur existence dans le monde réel, qu’on a admis qu’ils sont des personnes toutes banales, qui fréquentent les mêmes cinémas, les mêmes librairies, les mêmes Starbucks, les mêmes Mcdo, bref, des gens ordinaires. Nous sommes à une époque ou voir deux hommes s’embrasser dans la rue devrait donner à penser « Comme c’est mignon, ces amoureux qui s’embrassent ! » (ou alors "qu'il font chier, ces couples heureux, à étaler leur bonheur sous les yeux des célibataires", ça marche aussi), et où du coup, lire la romantique histoire d’amour entre deux personnes du même sexe devrait faire le même effet, ni plus ni moins. Nous sommes à une époque où on ne devrait pas faire une histoire sur un couple homosexuel pour être révolutionnaire et osé mais pour montrer une histoire mignonne et romantique entre deux personnes.

Oui, je sais, nous ne sommes pas réellement à l’époque que je viens de décrire. En tout cas, pas en France, c’est sûr. Mais nous devrions l’être. Avec notre passé, notre culture, notre mémoire, nous devrions être à cette époque-là. Et pour avoir une chance de rendre réelle cette époque-là, nous devrions nous conduire comme si nous étions à cette époque là.

Un jour, un de mes amis revient du cinéma avec un grand sourire jusqu’aux oreilles et me dit « Tu devrais voir « I love You Phillip Morris » c’est super beau, c’est une histoire d’amour. » Le gars en question n’étant pas spécialement porté sur le romantisme d’habitude, je flaire qu’il y a quelque chose de particulier avec cette histoire d’amour-là, et ce quelque chose, je le découvre en voyant les affiches, il s’agit d’une histoire d’amour entre deux hommes. Contente à l’idée de voir un film qui présente un couple d’homosexuel en le traitant comme un couple classique de fiction, je regarde le film, et suis TRES déçue.

1)Non, ce n’est pas une histoire d’amour. C’est l’histoire d’un brave gars (enfin, il n’est sauvé d’être un cliché que par le fait d’être un homme, sinon, il a tout de la demoiselle en détresse creuse et sans personnalité qu’on aimerait ne plus voir apparaître dans la fiction) qui rencontre le mec qu’il ne faut pas et gâche sa vie en se mettant en couple avec ce sale type.

2)C’est une comédie. Pas drôle. Il faut dire que la moitié des gags est censée venir du fait que le héros est un escroc dépourvu de moralité, ce qui ne me fait pas rire, l’autre moitié est censée venir du fait qu’il s’agit d’un couple homosexuel, ce dont en toute sincérité, je ne vois pas pourquoi c’est censé me faire rire.

Attention, mon cas n’est pas une généralité. Il existe un public aux histoires d’homosexuels dont le seul but est d’être des histoires d’homosexuels, sinon, le genre Yaoï n’aurait pas tant de succès. Si j’en crois une analyse trouvée sur Youtube récemment, l’intérêt de ces histoires pour le public est que comme chacun des protagonistes est du même sexe, le lecteur peut choisir auquel des deux il s’identifie de manière plus libre que s’il s’agissait d’un couple hétérosexuel. On m’a également argué que ça permettait aux lectrices complexées d’oser assumer leur désir en s’identifiant à un garçon. Je ne ressens aucun de ces besoins. Je n’ai aucun mal à m’identifier au personnage masculin d’un couple hétérosexuel s’il me ressemble plus que le personnage féminin, et je n’ai aucun complexe vis-à-vis du désir que j’éprouve pour les hommes, donc, je ne suis pas consommatrice de Yaoï.

Je n’ai pas envie qu’on me parle d’homosexualité comme si c’était un truc bizarre et anormal. J’ai envie qu’on me raconte des histoires d’amour. Si l’histoire d’amour est bien faite, peu m’importera qu’elle se passe entre gens de sexe opposé ou de même sexe. Et si elle est mal faite, peu m’importera aussi, ça me scandalisera tout autant. J’aime les histoires d’amour, et je déteste qu’on les bâcle, quels que soient leurs protagoniste.

Bref, si j’avais lu Batwoman, j’aurais peut-être détesté l’histoire de son mariage, tout homosexuel qu’il soit, parce que je ne lui aurais pas pardonné d’être ratée, et que si ce mariage n’a été décidé que parce que les personnages sont deux femmes, ca avait de fortes chances d’être mal fait. Ceci dit, les auteurs préparaient ce mariage depuis un an, on peut penser qu’ils ont eu le temps de le construire correctement, et de manière intéressante, en un an. Et dans l’absolu, interdire à la dernière minute un élément scénaristique qui avait été annoncé il y a un an, c’est abusé, de la part de l’éditeur, donc, quoi qu’il en soit, la colère des auteurs et leur démission sont tout à fait légitimes.

En fait, la question du mariage de Batwoman, c’est un peu la même que celle de la création du personnage de Tauriel dans « Le Hobbit : La désolation de Smaug ». Qui est Tauriel ? C’est la jolie rousse que vous voyez aux côté d’Orlando Bloom sur les affiches du film, un peu partout dans Paris. Ce personnage n’existe pas, dans le livre (Legolas n’y est pas non plus, remarquez, et si j’en crois les rumeurs, son apparition dans le film devrait être suffisement épisodique pour que ce soit un peu abusé de faire une affiche dessus, mais ce n’est pas le propos). Il a été créé pour ajouter un personnage féminin à une histoire qui en manque furieusement. Ayant été une petite fille qui regarde des séries pour garçon et ressent le manque de ne pas avoir de personnage féminin auquel s’identifier, j’ai du mal à blâmer cette démarche, mais c’est exactement la même que celle de faire se marier Batwoman parce qu’elle est homosexuelle. Dans les deux cas, c’est une idée louable, mais casse pipe d’un point de vue scénaristique, parce qu’ils ‘agit d’introduire de force un élément de scénario qui n’avait pas forcément d’intérêt à être introduit dans l’intrigue. Mais dans les deux cas, le fait que ce soit casse-pipe ne veut pas forcément dire que c’est impossible à réussir. Dans le cas de Batwoman, on ne saura jamais. Dans le cas de Tauriel, affaire à suivre.

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commentaires

B
N'y a-t-il vraiment que moi sur cette terre qui aime le Yaoi simplement parce qu'il n'y a que des hommes et pas de femmes?<br /> En tout cas, j'espère que les temps ont changé pour le mieux depuis 2013. Quelques fictions récentes me donnent cette impression, mais je suis mal placée pour juger de leur nombre et de leur qualité.
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B
Personellement l'histoire d'amour homosexuelle que j'ai trouvée la plus belle et la plus naturelle, c'est dans Top Fuzz où malgré qu'il n'y ait jamais d'explicitation et quasiment pas de gag sur cette attirance, ça devient une telle évidence qu'on y adhère forcément sans plus penser au fait que ce soit deux hommes, d'autant que les deux personnages au départ semblent assez incompatibles.
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B
Non Hot. Simple erreur de frappe. Après c'est un film et une histoire trop affirmée aurait été hors sujet. Pour moi les réactions sont celle d'un véritable romance. Si maintenant on a besoin de scènes explicites ou de personnages homosexuels dès le départ ça devient triste.
T
Top Fuzz, ou Hot Fuzz ? Je ne connais pas le premier, et dans le deuxième, à vrai dire, j'ai plus vu une bromance qu'une véritable histoire d'amour.