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25 février 2014 2 25 /02 /février /2014 10:39

(Oui, désolée pour les majuscules dans le titre, mais mon blog veut pas faire autrement)

 

Messieurs,

J’ai, par hasard, et grâce à l’accessibilité universelle que nous offre Internet, pris connaissance de l’article qui vous a été adressé, le 19 février, par une blogueuse que je ne connais pas, et qui a peut-être, indépendamment de ça, écrit un tas de choses très intelligentes et intéressantes, bref, une blogueuse dont je ne peux pas juger la personne au regard d’un seul article. J’ignore quelle a été votre réaction à cette lecture, mais la mienne est de vous adresser un autre message. Même si j’approuve certains détails de l’article, je suis en désaccord avec son contenu général, avec ce qui me semble être l’état d’esprit qui a dicté cet article, et la philosophie générale qui me semble s’en dégager. C’est pourquoi, messieurs, je vous offre ma propre réponse à la question « que doit faire un homme quand il veut aider la cause féministe ?».

Petite précision sur les termes : pour moi, le féminisme, c’est militer pour l’égalité des sexes. Ca implique qu’on rejette toute discrimination envers les femmes COMME toute discrimination envers les hommes. La blague « combien d’hommes faut-il pour changer une ampoule ? » vaut autant que la blague « combien de femmes faut-il pour changer une ampoule ? » du point de vue du sexisme. On tolère les deux, on n’en tolère aucune, ou on juge en fonction du contexte dans laquelle elles ont été dites, mais on ne tolère pas envers un sexe des comportements qu’on refuserait envers l’autre.

Ceci étant posé, voici ma position quant à votre féminisme, messieurs.

A partir du moment où vous vous posez la question de ce que vous pouvez faire pour aider la cause féministe, vous êtes déjà féministe. En fait, vous l’étiez même avant. Vous l’étiez à partir du moment où vous avez eu le réflexe de défendre les compétences de votre collègue femme devant le supérieur qui les remettait en question juste parce que c’était une femme. En le faisant, vous ne vous êtes pas dit que vous étiez féministe, vous ne l’avez pas défendue parce que c’est une femme, vous avez juste assisté à une injustice et vous avez eu le réflexe de protester. Vous l’auriez fait aussi si elle avait été noire, ou si elle avait été un tatou à pois bleus. Vous ne l’avez même pas défendue en pensant qu’elle ne saurait pas le faire toute seule, vous ne vous êtes même pas posé la question de si elle saurait le faire toute seule. Vous avez vu l’injustice, vous ne l’avez pas supporté, vous avez pris la parole. Le féminisme, c’est juste ça.

Vous étiez même féministe encore avant, à partir du moment où vous avez rencontré cette collègue et où vous l’avez jugée à ce qu’elle faisait, pas au fait qu’elle était une femme. Vous n’avez pas besoin de vous poser la question de la cause du féminisme pour être féministe, vous avez seulement besoin de donner la même considération à tous les individus qui vous entourent. Point final. En principe, à moins d’être un peu hypocrites avec vous-même, quand vous en arrivez au stade où vous vous posez la question de comment vous pourriez aider la cause féministe, vous avez déjà, spontanément, suffisamment des attitudes qu’on peut attendre d’un homme qui a du respect pour les femmes autant que pour les hommes. Vous n’avez pas besoin qu’on vous en fasse la liste.

Evidemment, ça, c’est un féminisme plutôt passif, un féminisme d’habitude, un état d’esprit qui devrait être entré dans les mœurs, et que j’ai le plaisir d’observer chez la plupart des hommes que je connais (après, on m’objectera que c’est parce que je choisis bien mes amis, que la majorité des hommes ne sont pas aussi bien éduqués mais je répondrai qu’en tout cas, il en existe assez pour que j’en trouve et m’en fasse des amis). Si vous vous posez la question, c’est que vous avez conscience qu’il faut en faire davantage, qu’il y a encore des progrès à faire, des choses à obtenir, des acquis à consolider, et vous voulez faire plus que respecter les femmes au même titre que les hommes. C’est une intention très louable. Et vous savez déjà quoi faire. Militez pour ces progrès à faire, ces acquis à consolider, ces choses à obtenir, qui sont votre motivation pour militer. A moins d’être un peu hypocrites avec vous-même, vous ne vous êtes pas réveillés un matin en disant « tiens, si je devenais féministe, ce serait cool ». Il y a bien quelque chose que vous avez observé, des injustices qui vous ont décidé à prendre parti pour cette cause. Luttez contre ces injustices. Être féministe, c’est juste ça.

Ma collègue blogueuse vous demande de ne pas le faire. Ma collègue blogueuse vous demande de laisser la lutte contre les inégalités aux concernées et de consacrer vos efforts à développer l’attitude passive que je vous ai décrit plus haut et qu’en principe, vous avez déjà. Moi, je vous demande, pardon à elle, de ne pas accéder à sa demande. D’abord parce que plus il y aura de gens pour défendre une cause, plus elle sera entendue. Ensuite parce que plus cette cause sera défendue par des personnes non concernées, moins il sera contestable que c’est une cause objectivement bonne. Je suis une femme hétérosexuelle et caucasienne, est-ce que ça m’interdit de me scandaliser d’une maltraitance subie par un homme homosexuel et noir ? Est-ce que ça m’interdit de signer des pétitions ou de descendre dans la rue pour lui ? Non. Alors je ne vais pas vous interdire à vous de descendre dans la rue pour que je ne sois pas discriminée à l’embauche parce que je suis une femme, ou pour que je puisse me balader sans risque dans le métro après dix heures du soir. Ensuite parce que vous êtes concernés autant que les femmes. D’une part, l’injustice concerne tout le monde, et ce n’est pas parce qu’on est le privilégié que ça ne doit pas nous poser problème qu’il y ait une injustice, ne serait-ce que parce qu’à partir du moment où on tolère d’appartenir à une société injuste, on n’a plus la garantie de ne jamais faire partie des opprimés un jour. D’autre part, les inégalités entre hommes et femmes, vous en êtes autant victimes que nous. On vous fout la pression dès votre plus jeune âge, vous interdisant la sensibilité, vous interdisant les erreurs, vous imposant d’être les héros protecteurs de la société. Ce n’est pas plus viable pour vous que pour nous. Alors, vous avez peut-être un meilleur salaire, mais vous n’êtes pas heureux. Vous êtes concernés. Donc, oui, militez pour que la rue soit à tous, et pour l’égalité salariale. Ce sont des vraies injustices existantes. Ce sont des vraies causes qui ont besoin de défenseurs.

Voilà, c’est mon propos principal. Je ne vais pas reprendre point par point l’autre article pour expliquer quand je désapprouve et quand je ne désapprouve pas. Ce serait inintéressant, et je ne ferais probablement que répéter les mêmes choses, puisque mes contre-arguments ont tous les mêmes fondements, et que ces fondements, je les ai déjà exposés. Il y a tout de même deux détails sur lesquels j’aimerais revenir.

Ma collègue blogueuse vous écrit : « Quand on te sort les stats sur les agressions sexuelles, au lieu de minimiser, demande-toi si tu n'as pas été l'un d'entre eux. »

Soyons sérieux, si vous avez violé, agressé, harcelé sexuellement une fille et que vous ne le savez pas, c’est que vous avez un problème beaucoup plus grave que le sexisme. Au nom du ciel, laissez tomber le militantisme et allez consulter ! Normalement, si vous vous êtes rendu coupable d’agression, vous le savez, vous n’avez pas à vous le demander. Ne violez pas, n’agressez pas, et vous n’aurez pas à vous demander si vous avez violé et agressé, c’est tout aussi simple.

Bon, vous avez peut-être, à votre insu, eu un comportement qui a mal été interprété par votre entourage. Mais si votre entourage ne vous en informe pas, vous pourrez difficilement vous en rendre compte tout seul, c’est à la personne concernée de vous adresser ses plaintes pour que vous ayez la possibilité de dissiper le malentendu et vous excuser de votre maladresse. Ce n’est qu’à ce moment-là, d’ailleurs, que vous pourrez vous demander à quoi a été due cette maladresse, et si le sexe de votre interlocuteur y a joué un rôle. Quoiqu’il en soit, les malentendus, c’est un problème qui n’a rien à voir avec le sexisme ou le féminisme : blesser des gens sans le vouloir, et avoir à m’excuser, et même avoir le regret de constater que ni mes excuses ni ma bonne foi ne sont crues par ma victime, ça m’arrive tout le temps, toute femme que je sois.

Ma collègue blogueuse vous écrit : « Il convient de ne pas perdre de vue, jamais, quand on est un homme féministe, qu'on exerce aussi l'oppression qu'on le veuille ou non. » Je ne suis pas d’accord.

Je ne me sens pas oppressée par vous.

Tant que vous ne me draguez pas dans la rue en vous disant que, moche comme je suis, je suis suffisamment en manque pour céder à un inconnu, tant que vous ne me demandez pas si j’ai mes règles quand je m’offense de quelque chose, tant que vous appréciez ce que je fais pour ce que je fais et pas pour mon décolleté, je ne me sens pas oppressée par vous.

Vous pouvez être grand, musclé, le torse poilu, rouler des mécaniques, aimer les grosses bagnoles et le foot, tant que vous me traiterez en égale, je ne me sentirai pas oppressée par vous.

Si vous touchez un salaire plus élevé que moi, à partir du moment où vous chercherez à obtenir de qui de droit que je touche le même salaire que vous, où même à partir du moment où, l’apprenant, vous vous ferez spontanément la réflexion que c’est injuste, je ne me sentirai pas oppressée par vous.

Si, dans un projet commun, on tient à discuter avec vous parce que vous êtes l’homme, je me sentirai oppressée par l’interlocuteur, pas par vous, pas tant que vous n’aurez pas manifesté de quelque manière que ce soit que vous estimez normal de monopoliser la parole.

Tant que vous ne dites rien, tant que vous ne faites rien, je vous fais confiance.

Vous êtes nés dans les années 90, on vous a élevé dans une ambiance relativement mixte, et dans une société où les mamans travaillent, où les papas poussent la poussette. Je n’ai pas peur de vous.

J’attendrai que vous m’offensiez pour me sentir offensée. J’attendrai que vous vous conduisiez en machos pour vous accuser de machisme.

En fait, je n’ai qu’un seul conseil à vous donner : ne tombez pas dans ce piège dans lequel tombent trop de féministes, et, entre autres, les hommes zélés qui veulent compenser la culpabilité d’appartenir au sexe honni par un enthousiasme excessif. N’inventez pas de tort à ceux qui n’en ont pas. Ne voyez pas de crime là où il n’y en a pas.

Parce que ce genre d’attitude fait que, le jour où quelqu’un veut dénoncer un tort qui existe vraiment, un crime qui a réellement eu lieu, personne ne l’écoute, parce qu’on a retenu les dénonciations comme étant de la mythomanie et qu’on ne fait plus l’effort d’en écouter aucune, à force.

Parce que des gens de bonne volonté, qui étaient pour l’égalité et ne se posaient pas davantage de questions, se sont fait traiter de salauds pour avoir dit ou fait quelque chose qui a été surinterprété à tort comme étant sexiste, ou même pour avoir aimé quelque chose qui a été surinterprété  comme étant sexiste, et que ces gens-là vont désormais prendre fait et cause pour les autres victimes de ce genre d’accusations, sans forcément se demander dans quel cas l’accusation est fondée, et dans quel cas elle ne l’est pas. Et qu’à force, on se retrouve avec un retour en force des inégalités, de l’injustice réclamée et assumée, et des manifestations POUR la discrimination.

Bien sûr, ce message peut-être recyclé pour toutes les autres causes.

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commentaires

T
Je ne suis pas d’accord avec ton idée sur les agressions sexuelles. Je pense, au contraire, que la plupart des agressions sexuelles sont faites « innocemments ». Je pense que la plupart du temps, quand une fille estime avoir été agressée, le garçon estime avoir juste un peu insisté. Je connais personnellement plusieurs cas d’agressions sexuelle qui n’ont jamais été considérée comme tels même par les victimes. On m’a déjà expliqué, plusieurs fois « il m’a forcé, et je pleurais, mais il avait une bonne excuse, il était énervé ». Dans ces situations, le fait que les femmes trouvent relativement normal d’être violée ne modifie pas la définition de l’acte sexuel : c’était bien un viol. Mais personne n’en prend conscience, et c’est bien là que c’est dangereux : rien n’empêche que ça recommence dans un sens, ou dans l’autre. En fait, je partage totalement les féministe qui pensent que nous sommes dans une culture de viol : une culture ou violer une femme est plutôt normal, car le sexe est une chose que les hommes prennent aux femmes, et qui a été fait pour eux. Je n’irais pas dire que tout le monde est comme ça, mais je pense qu’il est important que chaque homme, et surtout les féministes, commencent par se demander pour eux même : <br /> - Est-ce qu’il ne m’est pas arrivé d’insister vraiment trop ? est-ce qu’objectivement toutes mes partenaires ont toujours voulu faire l’amour avec moi ?<br /> - Et se poser la même question pour tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à une agression sexuelle, incluant un baiser.<br /> <br /> Est-ce que tu peux m’affirmer, sans aucune hésitation, qu’aucun homme capable de défendre l’égalité salariale, ne pourrait trouver romantique d’embrasser une femme sans qu’elle soit d’accord ? Moi je suis sûre du contraire. Je pense que se débarrasser des réflexes sexistes est long est compliqué, et certainement encore plus pour les hommes que pour les femmes. La bonne volonté c’est bien, mais ça ne suffit pas toujours. J’ai moi aussi des réflexes sexistes, et je ne crois pas qu’on puisse m’accuser d’avoir un intérêt dans la domination patriarcal. Ce n’est pas parce qu’un homme est pour l’égalité, qu’il a déjà fini de réfléchir à tout ça, oser lui demander franchement de réfléchir si il n’y pas déjà agressé, c’est lui faire confiance pour être capable de se remettre en question sans nous, pas le traiter d’agresseur potentiel.
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T
Il y a une nuance entre dire malgré soi un truc qui trahit qu'on trouve l'autre différent de soi et entre lui faire des avances, des attouchements, des pénétrations dans qu'il/elle le désire et NE PAS SE SOUVENIR DE L'AVOIR FAIT. Dans les cas extrêmes où tu ne prends pas conscience du non consentement de l'autre, tu n'as pas de raison d'en avoir conscience à posteriori. Et en général, si tu n'en prends pas conscience alors que l'autre le manifeste, c'est que tu n'en a pas grand chose à foutre, donc tu ne milite pas pour ses droits. Dans les cas un peu moins extrême ou tu ne t'en rends pas compte parce que l'autre ne le dit pas, c'est plutôt de sa responsabilité à l'autre que de la tienne, et là encore, il n'y a aucune chance que tu t'en aperçoive à posteriori, même en réfléchissant bien. Donc, j'ai peut-être effectivement, déjà dit malgré moi des trucs pouvant s'apparenter à du racisme ou de l'homophobie (et je pense quand même avoir été capable de m'en rendre compte immédiatement et de nuancer), mais oui, j'affirme sans hésiter que je n'ai jamais dragué, touché, ni pénétré aucun noir, arabe ou homosexuel non consentant.
T
Imagine la même chose dans un autre contexte. Si un noir te demandais &quot;tu es sûre de n'avoir jamais été raciste ? Réfléchis bien, je sais que des fois, on dis ou on fait des trucs qui nous semblent bien ou normal sur le moment, mais qui avec le recul, sont racistes&quot;. Ce ne serait pas une insulte visant à nous rappeler qu'on est blanc, et c'est justement parce qu'on est sincèrement antiraciste qu'il nous demande de faire l'effort de nous souvenir, et de chercher à quel moment on a bien pu se tromper. Moi j'ai déjà fais cet effort pour les noirs, et je n'ai pas toujours aimé ce que j'ai découvert, mais je suis contente de savoir maintenant où était mes erreurs. Je ne trouve pas qu'il soit insultant de demander aux hommes la même chose que ce que les noirs m'ont demandé. Je ne pense pas que la plupart des hommes féministes se diront soudain &quot;merde, j'ai violé au moins 10 fois, dont une la semaine dernière&quot;, mais la réflexion apporte vraiment quelque chose.
T
Et oui, j'affirme, sans aucune hésitation, qu'un homme capable de défendre l'égalité salariale ne trouverais jamais romantique de forcer une fille. Parce que j'affirme, sans hésitation, que oui, en effet, quelqu'un qui se soucie de l'autre ne trouvera jamais romantique ou plaisant de forcer quelqu'un à quelque chose.
T
Tu sais, les hommes ne sont pas des extraterrestres, ils n'ont pas une façon de raisonner illogique spécifique, ce sont des gens tout à fait ordinaires. S'ils n'ont pas été foutus de se rendre compte sur le moment qu'une partenaire était non consentante, ce n'est pas rétrospectivement qu'ils s'en rendront compte. D'ailleurs, s'ils ne se sont pas rendu compte sur le moment, c'est qu'ils n'en avait pas grand chose à foutre de la question. Forcer quelqu'un, c'est incompatible avec ma définition de &quot;se soucier de l'autre&quot;, définition que je crois pas si rare que ça. Et dans ce cas là, à moins de s'imaginer que c'est sympa pour draguer, ils ne s'intéresseront pas au féminisme. (A mon avis, les hommes qui font semblant d'être féministe pour draguer, on les voit arriver à des kilomètre, à cause de leur attitude, justement) Mon message ne s'adresse donc pas à ceux-là. Demander à des hommes sincèrement féministes de se demander s'ils ont violé une femme à leur insu, ça n'a pas d'autre but que de leur rappeler qu'ils appartiennent à la catégorie d'humains honnie, et qu'ils auront beau faire tous les efforts du monde, ils n'obtiendront jamais que notre mépris. Et ça, c'est juste du sexisme.