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25 novembre 2013 1 25 /11 /novembre /2013 17:26

... Et pourtant, je suis féministe.

Je tiens à l’affirmer avant de commencer cet article : j’ai eu une éducation féministe, pacifiste, égalitaire, écologique et démocratique dont je suis très fière. Quand ma vie adulte a commencé, j’ai été confrontée à des milieux où ces valeurs ne sont pas unanimement répandues, d’observer le mal que leur manque faisait, et je n’ai été que plus convaincue de leur essentialité. Bref, je ne suis pas antiféministe, raciste, et monarchiste.

Mais j’aime les Disney. Et je n’en ressens aucune culpabilité. En aucune façon.

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il n’y a aucun racisme ou sexisme dans les Disney. J’affirme juste, même si je dois pour ça être clouée au pilori par des gens qui sont censés être du même bord politique que moi, que Disney n’est pas le mal incarné, pas plus que Grimm, Andersen, ou tout le reste. Disney, Grimm, Andersen, sont juste des gens qui racontent des histoires. Il peut y avoir mille et une raisons de faire se produire un événement dans une histoire, et il arrive que l’auteur ne songe même pas à la portée politique de ce qu’il écrit. Ce n’est pas forcément excusable, mais c’est souvent inévitable, et c’est humain. Bref, je le répète, je n’irai pas jusqu’à dire que le racisme et le sexisme sont absents des Disney. La seule chose que je dis est que lorsqu’il y en a, ça ne signifie pas, comme on le prétend en certains endroits du net, que les scénaristes de Disney ont clamé un jour, terrorisés : « Oh, là, là, les noirs et les femmes commencent à avoir beaucoup trop de droits dans notre société, vite, préservons-nous de cela en nettoyant la tête des générations futures. » Non, ils n’ont juste pas réfléchi à la signification de ce qu’ils écrivaient, ils ne sont pas les premiers, ni les derniers, et côté conneries qu’on écrit sans y prêter attention, Man of Steel fait mille fois pire que tous les Disney réunis. Pourtant, Man of Steel n’est, curieusement, pas du tout évoqué sur Internet comme un parangon du fascisme, alors qu’il y aurait, selon moi, beaucoup plus d’encre à faire couler sur le fait que Jor-El sacrifie sa race entière et que la narration fait en sorte de nous expliquer qu’il a bien raison, qu’au sujet du symbole patriarcal que constitue Jasmine d’Aladdin.

J’aimerais prendre la parole pour défendre ces Disney qui ont bercé mon enfance, mais je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi dire, parce que les attaques qui sont dirigées contre eux me paraissent tellement absurdes que je ne vois même pas comment y répondre intelligemment. Je me contente d’affirmer : je suis féministe et j’aime les Disney. Et je ne me sens pas coupable.

Pour moi, être féministe signifie remarquer le scandale qui se produit devant moi, et me révolter contre, pas chercher à tout prix à le voir, en sur-interprétant, et rembarrer les machos qui ne font pas de machisme, et les dragueurs qui ne me draguent pas, comme le font souvent les personnages féminins dans les dessins animés pour enfant. Je refuse d’être un cliché. Être féministe ne m’a jamais empêché de regarder une œuvre avec un regard neutre, sans à priori. Et c’est sans doute pour ça que je suis la seule à relever le génocide orchestré par Jor-El sur sa propre race, ou le fait que dans Man on Wire, Phillippe Petit témoigne sans le moindre regret s’être très mal conduit envers les amis qui l’ont soutenu envers et contre tout. Personne n’a relevé ça. Par contre tout le monde hurle contre le fait que Jasmine, malgré sa résistance à l’autorité paternelle, n’ai pas de but plus élevé dans la vie que de se marier par amour (ce qui, selon moi, est un bon but, non, de trouver un être qui vaille la peine d’être aimé pendant une vie entière et être capable de l’aimer ? En tout cas, c’est le but de Bastien dans l’Histoire sans fin, et aucun masculiniste ne hurle contre le personnage de Bastien)

J’ai envie de prendre la parole pour défendre tous ces films qui ont charmé mon enfance et mon adolescence, pour dire que si leur but n’est pas de défendre l’égalité des sexes et des races, ou de prôner la supériorité de la démocratie sur le totalitarisme, ça ne veut pas dire que leur but est de défendre l’inégalité et le totalitarisme, mais signifie seulement que leur but est de raconter des histoires, des histoires à la portée des enfants. Pour les enfants, la société se réduit encore à la famille et à l’école. Ils ne sont pas encore prêts à des réflexions sur la meilleure manière de gouverner une société parce que pour eux, il n’y a pas de société. Ils n’y a qu’eux, et ils sont déjà suffisamment occupés comme cela à essayer de résoudre les problèmes psychologiques qui s’opposent à leur développement. Les petites filles étouffées par l’affection d’une mère trop possessive ont besoin qu’on leur dise qu’elles n’ont pas à se sentir coupables si elles ont envie d’échapper à cette influence qui les empêche de grandir, alors on leur raconte Raiponce. Ceux qui sont maltraités par leurs camarades de classe ont besoin de penser qu’ils ont de la valeur, au fond, sans le savoir, alors on leur raconte Hercule. Les turbulents ont besoin qu’on leur dise que leur turbulence ne fait pas d’eux des mauvaises personnes, mais peuvent leur attirer des ennuis s’ils n’y résistent pas, alors on leur raconte Alice.

D’ailleurs, pourquoi en serait-il autrement, puisque Disney n’invente rien ? Il ne fait qu’adapter des œuvres déjà existantes, dont les problématiques sont déjà des problématiques psychologiques et non de société. S’il adapte une œuvre pour adulte, comme Notre dame de Paris, là, pour le coup, on se met à aborder des questions comme le racisme et la tolérance, mais comme il faut s’adresser à des enfants, l’enjeu principal reste, pour le héros, d’échapper à un père abusif et possessif.

On ne peut que difficilement, et je ne sais même pas si c’est possible, faire à la fois une histoire sur un problème psychologique qui se pose à un individu en cours de développement, et un problème de société qui se pose à une civilisation en train de se construire. Disney vise les enfants. Les enfants ont des problèmes psychologiques, pas des problèmes de société. Alors Disney parle de problèmes psychologiques, pas de problèmes de société.

Et j’aime les contes, j’aime les histoires pour enfant, j’aime les Disney. J’affirme que ça ne m’empêche pas d’être féministe.

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commentaires

M
Au Canada français on dit hamburger et non hambourgeois, en tout cas au Québec ;)
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T
Ah ? Autant pour moi, alors. C'est un ami qui revenait du Canada qui m'a parlé des Hambourgeois.
L
Est-ce qu'on peut te répondre : Je suis féministe, j'aime les contes et les Disney et ça ne m'empêche pas de voir ce qui cloche dedans au niveau éthique ?
Répondre
T
Bien sûr, qu'on peut. Mais ça ne change rien à ma position.