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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 18:33

Des fois, le soir, dans mon demi sommeil me vient un poème, une image, un air, une série de phrase, n'importe quoi, mais en tout cas, quelque chose de vraiment très beau, qui mériterai que je l'écrive, l'enregistre, le dessine, que je le mette ailleurs que dans ma tête. Mais je suis à moitié endormie. Je n'ai pas la force de me lever, redescendre de la mezzanine, rallumer l'ordinateur et noter l'idée. Je n'ai même que vaguement conscience que je suis allongée, je suis quasiment en train de dormir, et je pense, très, très, très fort.
"Demain, quand je serai levée, il faut à tout prix que je me souvienne de ça, et que je le réalise". Et le lendemain, évidemment, j'ai oublié.
D'ailleurs, je ne suis même pas sûre que, en m'arrachant au sommeil, en descendant l'échelle quatre à quatre, et en me ruant sur mon ordinateur, mon dictaphone, mon carnet à dessin, mon carnet d'écriture, je ne constaterais pas que l'idée a tout de même disparu, même si je me suis arrachée au sommeil. Je l'ai oubliée en me réveillant, je n'étais pas capable de la concevoir autrement que dans un état de demi sommeil.

Ces idées sont toujours très nettes, et parfaites.
Si c'est une musique, j'en entends distinctement chaque instruments. Si c'est une image, je vois exactement ce que je ne vois jamais : où doivent être mises les ombres, comment doit être mise la couleur, quoi mettre comme détail pour que l'arrière plan soit très précis. Si c'est un poème, les rimes en sont magnifique, inventives, merveilleuse. Si c'est une histoire, elle est bouleversante.
Est-ce que je suis plus créative quand je m'endors, ou est-ce simplement que mon sens critique se tait et que ce qui me paraît de magnifiques idées sont en réalité aussi plates et maladroite que ce que je crée quand je suis éveillée ? Je ne sais pas.
Des fois, je retiens des bribes. La dernière fois, j'ai réussi à garder trois notes d'une musiques. J'ai réécouté ces trois notes bien des fois dans l'espoir de me rappeler du reste, mais en vain. Et non, ces trois notes ne sont pas époustouflantes par leur harmonie. C'est... Ben... Trois notes, quoi. Il y avait des paroles avec, qui contenaient les mots lune et travail. C'est... Ben... Des mots, quoi.

Ce qui me navre le plus, c'est de perdre les images. Ecrire des poèmes, composer des airs, je le fais déjà. Ce que je fais n'est pas immortel, mais ça me procure de la satisfaction. Le dessin, c'est un truc que je ne sais pas faire. Sauf quand je suis à moitié endormie. Là, je vois tout. Je sais exactement comment mettre le relief, comment créer une profondeur, comment agencer les couleurs. Et puis je me réveille, et je ne sais plus rien, j'essaye de retenir des règles, des constances, mais je n'arrive jamais à faire quoi que ce soit d'acceptable, ou alors par pur hasard.
C'est comme si je passait d'un état de totale clairvoyance à un état de cécité partielle. Je me rappelle de l'idée d'idée, mais je n'arrive plus à me la représenter.

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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 18:38

Par lecture, comprenez la réception de toute œuvre de l'esprit, pas uniquement les livres, par celui qui la découvre.



L'un des cadeaux que m'a fait internet, c'est la possibilité d'appartenir à une communauté de fans. Des personnes de tout âge, et de toute origine, qui, appréciant une œuvre particulière et éprouvant le désir de parler de cette appréciation, se sont rassemblés pour en discuter et ont découvert que leur amour pour cette œuvre n'était pas leur seul trait de caractère commun. D'où la naissance de relations amicales et amoureuses, profondes, fortes, passionnées, et du coup parfois un peu explosives, mais on a rien sans rien.

C'est tout là l'intérêt de partager ses lectures, et c'est pourquoi, si, l'expérience solitaire du lecteur qui reçoit une œuvre enfermé chez lui peut être une porte vers le monde pour lui, et pas seulement le monde de la fiction ou des idées. Sa lecture l'habitant, il en apportera forcément quelque chose autour de lui, et le bon livre, le bon film, la bonne BD, le bon jeu vidéo, contribuera à long terme à quelque chose de concret, de réel dans le monde. Ça ne se limite pas aux relations créées par les discussions autour d'une œuvre, d'ailleurs, ça peut s'étendre aussi au comportement inspiré par cette œuvre dans la vie de tout les jours. Il est donc important de partager sa lecture.



Encore faut-il avoir lu la même œuvre.
Je découvrais récemment en reparlant du bon vieux temps avec mes amis que mon interprétation de l’œuvre qui nous a rassemblée est bien moins partagée que je l'imaginais.
Lorsque j'ai découvert Code Lyoko, j'avais 24 ans. Pour ceux à qui je n'en ai pas encore parlé, c'est une série sur un groupe de pré-ados combattant un système multi-agent qui veut détruire le monde en piratant les réseaux informatiques des structures vitales de notre société. Le moyen le plus simple de détruire cette entité maléfique serait d'éteindre l'ordinateur qui la contient, mais celui-ci contient également ce qu'on pense être une intelligence artificielle mais qui réagit et raisonne comme un humain, qui est gentille, et qui serait détruite aussi si on éteignait l'ordi. Alors les héros préfèrent combattre le système multi agent en pénétrant dans l'ordinateur sous forme virtuelle, et en mettant fin à ses piratages un par un. Vous me suivez ?
Bref, j'avais 24 ans quand j'ai découvert ça. Suite à des problèmes personnels, et des réactions en chaîne provoquées par lesdits problèmes personnels, je venais d'être amenée à rompre avec ce qui avait été l'essence de ma vie pendant dix-sept ans, le théâtre, pour me résigner à une vie ordinaire, loin de l'art et de l'idéal. C'était un choix dur à assumer. J'ai regardé la série avec le regard d'un adulte que le monde des adultes a obligé a renoncer à ses valeurs, et j'y ai vu l'histoire d'enfants que le destin essaye d'obliger à faire un choix moralement douteux pour la survie du plus grand nombre et refuser de le faire. Mais je n'ai pas eu conscience du degré d'interprétation qu'il y avait dans cette vision, et j'ai réellement cru, pendant longtemps, que la plupart des spectateurs de cette série voyait la même chose que moi.

En réalité, je crois que je suis la seule à l'avoir spontanément lue comme ça, alors que les éléments qui m'ont poussée à lui donner le sens que je lui donne me paraissaient particulièrement mis en avant par les auteurs. Je ne l'ai pas réalisé, parce qu'il ne m'est jamais venu à l'idée de demander « avez-vous vu la même chose que moi ? » L'idée qu'il existe une autre interprétation possible m'est à ce point étrangère que bien qu'on ait essayé de me l'expliquer, je n'arrive pas à comprendre quelle lecture ont eue mes amis.

Ce n'est pas de l'étroitesse d'esprit, puisque sur d'autres points de la série, j'ai déjà constaté les différences d'interprétation, débattu et admis les deux lectures comme possibles. Dans ce cas précis, je n'y arrive juste pas. Je ne vois qu'une lecture possible. Je ne refuse même pas l'autre, je ne la vois tout simplement pas.



Combien de fois ai-je entendu quelqu'un me parler de ce que contenait une œuvre que j'avais moi-même appréciée et me suis-je dit en moi-même "mais, ça n'y est pas du tout, ça, c'est même le contraire qui y est exprimé ! Avons-nous vraiment lu la même œuvre ?"

En lisant Tvtropes, j'ai vu qu'aux Etats-unis, un des épisodes les plus détestés de la série Avatar, le dernier maître de l'air, est un des épisodes qui me paraît le plus génial, intelligent, malin, original, et profond.
L'épisode raconte une situation de base assez classique. Une rancune persiste depuis des générations entre deux peuplades. L'incident de base qui a déclenché cette inimitié date d'un siècle, et chaque peuple a sa version de l'incident, qui donne tous les torts à l'autre peuple, évidemment.
Dans une série classique, un danger menacerait les deux peuples, et le héros les convaincrait de renoncer à leur rancune pour les repousser. Et effectivement, les deux peuples doivent affronter ensemble un danger, mais leur rancune est trop forte, ils n'arrivent pas à s'unir. Pour l'avoir vécu, je témoigne que c'est effectivement comme ça que ça se passe dans la vraie vie. Le héros essaye de les raisonner avec des paroles sages, comme ça se fait habituellement dans une série classique, mais personne ne veut l'écouter. Pour l'avoir vécu également, je témoigne que c'est également comme ça que ça se passe dans la vraie vie. Alors le héros fait quelque chose de génial, qu'aucun autre héros n'a fait avant lui, dans cette situation. Il est impossible de connaître la vérité concernant l'incident qui a déclenché les hostilités, alors il prétend la connaître, et il invente une troisième version de l'histoire, dans laquelle aucune raison de rancune ne subsiste. Comme c'est l'avatar, les deux peuples le croient et se présentent des excuses respectives.
Certes, la situation est résolue par un pieux mensonge, mais puisque la vérité est de toute façon perdue, et que la version officielle réconcilie tout le monde, je trouve la chute de l'épisode très bonne. Et... Je suis une des seules. Mais les hordes de contestations que rencontre cet épisode ne portent pas sur le fait que le héros fasse une petite entorse à la morale. Ou alors, j'ai mal compris. En fait, les reproches sont plutôt que cette histoire est gamine et simpliste. En faisant abstraction du fait que c'est tout de même une série pour enfant, je trouve l'histoire d'un jeune homme mettant fin à une guerre par une petite entorse à la morale bien moins gamin et simpliste que celle, par exemple, des enfants du seigneur du feu qui vont faire du beach volley pour montrer qu'ils sont classes, même en maillot de bain (autre épisode de la même série, curieusement beaucoup moins détesté). Pourtant, ceux qui détestent l'épisode que j'ai aimé et aiment l'épisode que j'ai détesté ne sont pas plus bêtes que moi, et ils n'ont pas plus mauvais goût que moi en matière d'histoires. Je crois juste qu'ils n'ont pas lu la même, et que celle qu'ils ont lu est effectivement gamine et simpliste.



Et s'il y a une chose que je ne prétendrai pas, c'est que cette autre histoire, que je n'ai pas lue et qu'ils ont lu, n'existe pas. S'il n'y n'avait qu'une seule bonne façon de comprendre une œuvre, rien ne prouverait que c'est bien moi, et pas eux, qui la détiens.


Une œuvre n'est pas un élément figé. L'auteur ne fait que la moitié du travail. Le lecteur aborde l’œuvre avec sa sensibilité propre et l'interprète. Vous vous souvenez de cette prof de français, en troisième, qui vous soutenait, dur comme fer, qu'en mettant une virgule à cet endroit là de la phrase, l'auteur avait symbolisé admirablement la suspension du temps à l'instant fatal. Vous rigoliez derrière votre livre d'un raisonnement aussi tiré par les cheveux. Vous aviez tort. Il y avait bien une virgule à cet endroit là. Et elle faisait bien cet effet-là à votre prof. Tout était réel. Tout était réellement dans l’œuvre. Ce qu'il y a, c'est que votre prof aussi était dans l’œuvre. C'est un peu elle que vous étudiez, aussi, à ce moment-là.

Vous vous souvenez d'Antigone d'Anouilh ? Allez, tout le monde a étudié au moins une fois Antigone dans sa scolarité, et si ça ne vous est pas tombé dessus, c'est tombé sur votre petit frère, l'année suivante, et vous n'avez qu'à lui demander. Demandez-lui, si, au bout de quelques séances, la classe n'était pas déjà divisée entre la team Créon, et la team Antigone. Les deux personnages contiennent ce qu'il faut pour qu'on les comprenne et pour qu'on les déteste. Chaque lecteur choisit ce qui lui ressemble le plus entre la haine et l'amour du personnage. Et la question de savoir qui a raison ou tort entre Créon et Antigone déclenchait des discussions passionnées, et il ne pouvait en être autrement, on avait choisi son camp avec ce qu'il y avait au plus profond de son cœur, et en remettant en question ce choix, l'autre vous remettait en question, vous, personnellement.

Et à la récréation, avec la même passion, vous débattiez de qui avait raison ou tort entre Ozymandias et Rorschach. Avec autant de fureur que si vous étiez concernés. Car vous l'étiez. Intimement. Et vous ne pouviez ni convaincre, ni être convaincu, c'était juste impossible.

On ne peut pas, on ne doit pas changer de lecture, du moins pas parce que quelqu'un vous y a amené. Ce serait comme accepter de ne plus être soi-même. Au risque de répéter des lieux communs éculés depuis bien longtemps, les expériences qui nous construisent depuis le début de l'enfance nous amènent à tirer des conclusions sur le monde et la façon dont il marche, sur les idéaux qu'il faut viser, sur les situations qu'il faut éviter. Comme personne n'a la même vie, personne n'a la même perception du monde, et par conséquent aucun lecteur ne peut jamais avoir la même lecture.
Normalement, comme l'autre moitié du travail est quand même celui de l'auteur, ça laisse tout de même suffisamment d'expérience commune pour qu'une discussion autour de l'œuvre soit possible, mais parfois, il y a des divergences que rien ne peut résoudre, parce qu'elles viennent d'une divergence dans les conceptions de base. Ce n'est pas quelque chose qu'il faut regretter, même si ça donne le sentiment d'être seul et unique. Nous sommes tous seul et unique, c'est ce qui fait la richesse des rencontres.

Ce qu'il faut plutôt regretter, c'est que cette divergence ne se voit pas forcément du premier coup. Un débat passionné et enflammé, parfois, c'est désagréable, mais au final, ça reste authentique, et on peut continuer la discussion sur la base de cette authenticité. Mais croire qu'on est d'accord, croire qu'on désire la même chose, qu'on va vers le même objectif, alors qu'il y a une divergence de fond entre soi et l'autre, ça peut entraîner des malentendus plus perturbants et dommageables qu'une dispute pour savoir si c'est cohérent avec la personnalité de Marty, d'acheter un Almanach du futur pour jouer aux jeux.

Il y a une quinzaine d'années, Yasmina Reza se rendait célèbre en écrivant Art, une pièce triste et drôle (portée par des acteurs magnifiques, soit dit en passant) racontant l'histoire d'amis qui remettent leur amitié en question à cause d'une œuvre d'art achetée par l'un d'eux à un prix exorbitant alors qu'elle est jugée nulle par les deux autres. Se séparer pour un tableau, ça semble absurde, et pourtant, pas un spectateur ne niera combien la situation, en effet, mérite de remettre en question la relation des trois amis. Ils s'étaient rassemblés en croyant avoir les mêmes goûts, la perception, mais de petites divergences fondamentales et subtiles existaient entre eux et le temps les a accentuées. Ce n'est pas une dispute futile. C'est au contraire une question fondamentale.



La lecture reste malgré tout une expérience intime, que personne ne vit avec soi. Lorsqu'on décide d'échanger autour de cette expérience, il ne faut pas se laisser piéger par l'illusion trop attirante que d'autres ont vécu la même expérience. Personne n'a vécu la même. Il faudait sans doute aborder le débat en demandant "et toi, quelle œuvre as-tu lue ?".

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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 12:04

      J'ai cru remarquer qu'on ne demande jamais aux dessinateurs pourquoi ils dessinent, ou aux danseurs pourquoi ils dansent. Par contre "Pourquoi écrivez-vous ?" est une question courante. Je ne sais pas pourquoi on le demande. Je n'ai jamais eu l'idée de le demander, sauf dans certaines circonstances ou quelqu'un avait perdu la flamme et que je cherchais avec lui si ça valait la peine d'essayer de la retrouver ou pas. Je ne sais pas à quel questionnement renvoie cette question quand on la pose comme ça, hors contexte, juste pour faire la conversation. Je ne sais jamais vraiment quoi répondre à ça.

     Je n'ai jamais voulu écrire, j'ai toujours écris, tout simplement. Enfin, façon de parler. Petite, j'avais des problèmes moteurs, je sais pas exactement lesquels, qui rendaient l'écriture particulièrement ardu pour moi. Par contre, j'ai toujours inventé des histoires, et j'ai fini par surmonter le déplaisir que m'inspirait l'activité d'écriture pour les coucher sur papier. Je n'ai jamais eu à me demander pourquoi, c'était simplement quelque chose que je faisait, parce que je suis moi, comme un autre dessine parce qu'il est lui, et un autre danse parce qu'il est lui.
     Je suppose que la vraie question est "Pourquoi essayez-vous d'être lue ?". Pendant des années, la réponse était "Je veux écrire des histoires qui guérissent, qui font du bien, qui donnent de l'espoir". Mais aujourd'hui, je suis blessée au point qu'il n'y a plus d'histoire qui guérissent, qui font du bien ou donnent de l'espoir, en moi. Alors je fais autre chose. Je raconte des histoires pour être comprise, pour faire appréhender ma réalité à ceux qui n'arrivent pas à la percevoir. Je veux parler du chômage et de la solitude, de la culpabilité et du désespoir, de pourquoi parfois, si on ne peut pas répondre aux attentes des autres, ce n'est pas de la mauvaise volonté. Je pourrais me contenter d'en parler à mon entourage, mais la question n'est pas juste le fait que j'ai besoin d'être comprise. Je sais que ma situation n'a rien d'exceptionnel. Je sais que des centaines de personnes sont dans des situations semblables et que je ne peux pas les aider, que ceux qui pourraient les aider ne comprennent pas comment les aider parce qu'ils n'arrivent pas à percevoir quel est le problème. Alors je raconte, métaphoriquement, ou de manière explicite, quel est le problème, dans l'espoir que ceux dont les choses dépendent commencent à prendre des décisions plus favorables à ceux qui souffrent.
      Les prochaines histoires que j'écrirai seront sombre, mais ce n'est pas pour faire souffrir gratuitement mes lecteurs. C'est pour faire percevoir à ceux qui ne la connaissent pas la réalité de certaines douleurs, et appeler à l'aide, pas juste pour moi, mais pour tous ceux qui traversent les mêmes épreuves que moi. Pour enseigner.
      On ne m'a jamais non plus demandé pourquoi je faisais du théâtre, pourtant la réponse était la même. Je voulais me servir de ce biais pour enseigner. Toutes mes actions depuis que j'ai l'âge de faire des choses par moi-même n'ont jamais eu que ce but-là. Je voulais enseigner. Enseigner l'espoir, enseigner la compassion, enseigner l'empathie.
      Si la question était "Pourquoi avoir choisi l'écriture, le théâtre, comme moyen d'enseigner ?", la réponse serait toute simple. C'est parce que c'est ça que je sais faire, tout bêtement. J'aurais pu être danseuse ou dessinatrice. Je suis conteuse. Je me sert de ce que je suis pour remplir mon objectif, voilà tout.
     Il faudrait demander "pourquoi êtes-vous qui vous êtes ?". Là, peut-être que la réponse deviendrait intéressante. Mais là, pour le coup, je n'en sais rien du tout. Je sais juste que je suis qui je suis. Que ce soit bien ou mal, je ne peux pas être autre chose, il va falloir faire avec.

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 08:14

On écrit toujours pour quelqu'un. Qu'on en ai conscience ou non, on ne peut décider de ce qu'on va transcrire et de quelle manière qu'une fois qu'on a décidé qui lira. Même celui qui tient un journal choisi ce qu'il va retranscrire des événements de la journée, et comment les retranscrire en fonction de ce dont il a besoin de se rappeler et comment. Il écrit pour celui qu'il sera dans le futur. Il choisit ses sujets et ses tournures en fonction de ce qu'il anticipe qu'il fera.

Aucun récit n'est exhaustif. Si je choisit de raconter la chute d'une feuille sur le sol, je dois choisir si je parle du mouvement qu'elle décrit dans les airs, de la couleur qu'elle a dans la lumière pendant qu'elle tombe, du bruit qu'elle fait en tombant, et si détaillé que soit mon récit, il y aura toujours des choses que je n'ai pas raconté. La réalité est complexe, et si elle est percevable, c'est uniquement part des point de vue multiple, à partir du moment où je choisit de l'écrire, je la réduit. Mais comme je veux en transmettre une image aussi parfaite que possible, malgré l'imperfection de mon moyen de transmission, je dois faire des choix narratifs et stylistique. Je dois me poser la question du lecteur et de quel mot, quel détail lui parlera plus, et l'amènera à reconstituer le plus parfaitement l'événement que je veux raconter. Donc, je suis obligée de me demander s'il a envie, à la base, de connaître cet événement. S'il n'a aucune raison de le vouloir, je peux choisir de lui en imposer le récit quand même, mais les chances qu'il n'arrive pas à reconstituer dans son esprit l'évenement tel qu'il s'est passé doublent.
C'est pourquoi je n'écrirai pas de suite à Tranche de vie. C'est pourquoi je n'écrirai jamais un récit d'enfance. C'est pourquoi certains synopsis de romans ne quitteront jamais le stade du synopsis. Je ne crois pas que ces histoires intéressent qui que ce soit. Si elles m'intéressent un jour assez pour que j'ai envie de les lire, je les écrirai peut-être pour moi.
C'est pourquoi je n'ai jamais réussi à tenir de journal, mais que par contre, j'ai le réflexe d'écrire en détail les événement de ma vie que je ne veux pas oublier. Ca arrive rarement qu'il se produise un événement dans ma vie suffisement universellement présent pour que j'ai envie de le raconter, mais ça arrive.

C'est pourquoi l'écriture n'est pas une thérapie, pour moi. L'écriture est un geste social, un geste de communication, qui implique un interlocuteur, ce n'est pas un geste intime. On ne peut pas écrire n'importe quoi à n'importe qui. On ne peut pas écrire pour écrire. Pas plus qu'on ne peut parler pour parler.
Imaginez vous, marcher dans la rue, tranquillement, quand un parfait inconnu vous aborde pour vous dire "arrêtez-vous, je vais vous parler de mon enfance". Vous ne vous arrêtez pas. Vous lui donnez à la rigueur l'adresse du thérapeute le plus proche, qui l'écoutera parce qu'il est payé pour. Si le même vous arrête pour vous dire "Je vais vous parler de combien votre vie pourrait être meilleure en racontant mon enfance à titre d'exemple". Là, il y a plus de chance que vous vous arrêtiez. Ecrire n'est pas un acte égoiste. Il s'adresse à quelqu'un, obligatoirement. Son objectif est d'apporter quelque chose au lecteur. Obligatoirement. Sinon, il n'y a pas lecture, et l'écriture reste dépourvu de sens.
Aucun poète n'est enfermé dans une tour d'ivoire. L'écrivain se heurte à l'incompréhension, souvent, mais s'il écrit, c'est parce qu'il ne va pas se réfugier tout seul sur son rocher en maudissant l'humanité. S'il fait le choix d'écrire, c'est qu'il espère être compris, qu'il tend la main à son lecteur.
Je ne croirai jamais personne qui me dira qu'il n'écrit pas pour être compris. Je le croirai plutôt s'il me dit qu'il n'écrit que pour lui-même. Et encore. Cette personne sera quelqu'un qui me parle de ce qu'il écrit, aura sans doute essayé de me le faire lire. A partir du moment où il aura fait le geste de me donner accès à ses écrit, c'est à moi qu'il essayera de s'adresser, consciemment où inconsciemment.
Certains ecrits sont expérimentaux, volontairement dissonants, volontairement obscurs, mais même dans ce cas, le sujet de l'expérience est le lecteur et la manière dont il reçoit le récit.
Certains écrits sont personnels, racontent des détails très intimes de l'auteurs, mais à partir du moment où un tiers le lit, la question n'est plus de savoir ce que transcrire ces détails a fait à l'auteur, mais ce que lire ces détails fait au lecteur.
On écrit pas juste comme ça, on écrit parce qu'on a des choses à dire à quelqu'un. Beaucoup d'écrivains préfèrent ne pas s'interroger plus que nécessaire sur qui va être le quelqu'un en question, et se laissent la surprise, mais consciemment ou pas, ils s'interrogent tout de même, au moment où ils choisissent leurs mots, et les détails qu'ils vont transcrire.
Ecrire est un geste de communication, un acte social.

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 11:07

     Je commence à avoir des retours de mes béta-lecteurs. Je veux parler de retours concernant le roman en général, pas uniquement des corrections sur telle ou telle tournure incorrecte dans le chapitre (je remercie tout de même mes béta-lecteurs de prendre la peine de faire ces dernières, mine de rien, ça aide pas mal). Je m'étais préparée à entendre des retours qui me surprennent, et effectivement, ça arrive. Ca arrive toujours. Il faut toujours l'avoir en tête quand on donne ses histoires à lire : on a écrit avec sa sensibilité et les lecteurs lisent avec la leur. Quoi qu'on fasse, ils ne liront pas l'histoire qu'on a pensée, mais celles qu'ils ont reçue. La différence entre les deux a parfois une ampleur qui surprend, et cette surprise est parfois douloureuse. Ca fait partie du boulot, c'est comme ça, et on peut toujours tirer une leçon de ces malentendus. Parmi les commentaires déstabilisants qu'on m'a fait cette fois, il y en un sur lequel j'aimerais m'attarder, car il me paraît particulièrement significatif.

     J'écris une histoire d'Héroic fantasy.

     La plupart des oeuvres du genre sont ambitieuses, et propices à de grandes réflexions sur des sujets philosophiques : le genre s'y prête, en transposant l'homme dans un univers fantaisiste, on décontextualise sa condition et c'est l'occasion de s'interroger sur les valeurs profondes qui fondent sa vie. En effet, l'univers étant entièrement inventé, il ne s'agit plus de s'interroger sur ce qui, à telle ou telle époque à conduit tel ou tel peuple à se conduire de telle ou telle manière. Il s'agit bien de se demander, d'une manière générale, quel contexte peut entrainer quelles conséquences, l'homme étant ce qu'il est. Bref, le lecteur qui ouvre un livre d'Héroic fantasy s'attend non seulement à s'évader dans un univers qui alimente des fantasme, mais également, plus ou moins, à tirer une leçon profitable de cette évasion.

Je crois, en tout cas, que certains de mes lecteurs-test ont eu cette attente, car je ne m'attendais pas du tout à ce qu'on me dise que j'avais un point de vue trop manichéen.

Je m'explique : je suis moi-même assez rebutée par les histoires qui me semblent trop manichéenne, c'est à dire, selon ma définition, les histoires dont le propos est de démontrer qu'il y a d'un côté toute une catégorie de choses appartenant au domaine du bien, de l'autre une catégorie de choses appartenant au domaine du mal, et qu'il faut aduler les uns et rejeter les autres sans réflexion ni questionnement. Les malheurs de sophie (du moins des deux trois chapitres que j'ai lu, puisque je n'ai pas lu entier) est ce que j'appelle un livre manichéen. La version de Peyrault du Petit chaperon rouge et de Cendrillon sont ce que j'appelle des conte manichéens. Mansfield Park de Jane Austen est ce que j'appelle un roman manichéen. (et c'est pourquoi c'est le seul livre de Jane Austen que j'ai détesté).
En revanche, Le Seigneur des anneaux n'est pas ce que j'appelle un livre manichéen. La version de Grimm du Petit Chaperon rouge, et de Cendrillon n'est pas ce que j'appelle des contes manichéens. Pourtant, la question du bien et du mal y est présente aussi, et il y a toujours d'un côté des méchant très méchants, et de l'autre des gentils très gentils. Alors, quelle est la différence ?
Dans le premier cas, la question du bien et du mal est le sujet de l'histoire. Le message que l'histoire véhicule porte sur cette question et sur cette question seule. Dans le deuxième cas, le sujet est, soit comment un roi récupère son trône, soit comment une jeune femme réussi à échapper à son horrible belle-même en assurant son propre avenir, soit comment une petite fille apprends pourquoi les conseils des adultes doivent être écoutés (ce qui,non, n'est pas la même chose que la question du bien et du mal). Le méchant très méchant n'est, dans tous ces cas, qu'un ressort scénaristique, un élément de l'intrigue qui va provoquer l'histoire et ammener le héros la où il doit aller.

Dans Code Lyoko, on n'aurait jamais l'idée de dire que l'histoire est manichéenne, que son sujet est la lutte du bien contre le mal. Un programme multi-agent devient fou et provoque des catastrophe ? Eh bien, on ne va pas appeler ça le mal, sans blague. C'est juste une catastrophe, au même titre qu'une éruption volcanique, ou un tremblement de taire. Personne ne dirait que l'histoire de héros qui luttent pour survivre à un tremblement de terre est manichéenne.

Je reviens à mon roman. C'est une chose de s'entendre dire "Je n'aime pas ce choix que tu as fais, ça ne me parle pas, ça ne me correspond pas". C'en est une autre de s'entendre dire "ce que tu as fais est le contraire de ce que tu avais l'intention de faire".

Si mon histoire est manichéenne, c'est un véritable échec de ma part, parce que je n'ai pas une vision manichéenne des choses. Je ne crois pas que la frontière entre bien et mal est un mur en béton armé avec un côté tout blanc et un côté tout noir, je ne crois même pas au bien et au mal tout court, je crois seulement qu'il faut veiller à ce que les conséquences de nos actes ne soient pas nocives à autrui, et que ce souci implique une réflexion constante, et une vigilance telle qu'il est évidemment plus facile de s'en foutre. Bref, je ne me pose pas la question du Bien et du Mal. Jamais. Je me pose la question de ce qui est bien pour qui et ce qui est mal pour quoi. Vous ne trouverez pas les mots "Bien" et "Mal" dans mon roman. S'il y a un reproche que je ne m'attendait pas à entendre, c'est celui-là.
Alors certes, dans mon roman, il y a des gentils, et il y a des méchants. Certe, cet état de fait posé, il n'est plus discuté. On ne s'interrogera pas plus sur la nature du bien et du mal. Parce que la lutte du bien contre le mal n'est pas le sujet du roman.
Elle est présente pour permettre à l'histoire de se produire. Elle est son point de départ, son prétexte. Son sujet, non.
Pourtant, plusieurs de mes lecteurs ont cru que c'était le sujet et m'ont reproché de le traiter avec trop de simplicité. Hors, je ne le traite pas avec simplicité, je ne le traite juste pas du tout. J'ai des choses à dire sur le bien et le mal. Si je décide un jour de les dire, je raconterai une toute autre histoire. Celle-ci implique qu'il y ait un conflit de base, implique qu'il y ait des ennemis, implique qu'on ne s'attarde pas sur la question du bien et du mal et qu'on l'évacue dans les première minute en se disant "là, c'est les gentils, là, c'est les méchants, maintenant, passons aux vraies questions". Ce qu'on fait, d'ailleurs quand on regarde Star Wars, ou la vraie question est la force intérieur et la résistance à une influence puissante, ou dans Charmed, ou la vraie question est la puissance que donne la fraternité.

Pourtant, certains de mes lecteurs sont resté sur cette question. Certains de mes lecteurs ont cru que j'avais considéré ce sujet comme plus important que tous les autres que j'aborde dans mon histoire. J'ai donc échoué.
Et je pense savoir où.
J'écris, comme je l'ai dit, une histoire d'Héroic fantasy, qui n'a pas d'autre ambition que d'être une histoire d'héroic fantasy. C'est un exercices de style, "Tchoucky s'essaye à la fantasy, se réclame de la fantasy, explore tous les shéma habituels, utilise les recettes habituelle, et voit ce que ça donne une fois tourné à sa sauce". Rien de plus. J'ai des elfes, des nains, des géants, des dragons. Et au même titre, j'ai appelé les divinités ennemie des démons, les divinités alliée des anges, juste pour utiliser un vocabulaire familier à mon lecteur, un vocabulaire riche en fantasme et qui pousse à la rêverie.
Est-ce ce choix de terme qui cause le malentendu ? Je l'ignore. Les prochaines béta lectures m'éclaireront sans doute à ce sujet. Mais si c'est le cas, j'ai trois options. Soit je banni tout le vocabulaire judéo-chrétien de mon roman, pour le remplacer par du vocabulaire inventé, ce qui m'attriste quand même, parce qu'un mot est toujours porteur de quelque chose, et qu'en changeant les mots, je vais tout de même un peu changer l'ambiance de mon roman. Soit je rédige une préface pour expliquer avec quel état d'esprit aborder mon livre, ce qui m'attriste aussi, parce que j'aime savoir mon lecteur libre d'aborder mon livre avec un esprit libre. Soit je laisse les choses en l'état, et le malentendu se produire, en acceptant que mon livre ne sera pas aimé à cause d'un malentendu, parce que c'est comme ça, que c'est inévitable et que c'est malgré tout comme ça que j'ai voulu et pensé mon livre, même si du coup il est mal compris.
Et sincèrement, je ne sais pas laquelle de ces trois options est la meilleure. Je veux bien l'avis d'Internet.

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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 10:09

Dans l'ancien temps, avant Internet, vous savez, à l'époque où j'allais à l'école en dinosaure, tout était différent. Non, pas à cause des dinosaures. Avant, déjà, je choisissais mes amis non pas en fonction des goûts ou modes de pensées que j'avais en commun avec eux, mais en fonction de leur proximité géographique. Autant dire que ma vie sociale se résumais à me taire prudemment quand on me faisait la remarque que je devrais écouter autre chose qu'Anne Sylvestre comme musique, et regarder Hélène et les Garçons, parce que c'est vachement bien, c'est l'histoire de gens qui sortent ensemble, et puis ils s'aiment, et puis des fois ils se disputent et à la fin ils se réconcilient...

Mais surtout, avant Internet, si je voulais dire à Anne Sylvestre, justement, combien, malgré le mépris que son écoute me valait auprès de mes pairs, ses chansons me touchaient au plus profond de l'âme, il fallait que je lui adresse un courrier, dont je n'étais pas sûre qu'il lui parvienne, qu'elle ait le temps de le lire, et auquelle elle ne répondait jamais, impossible de répondre à tous. Oui, certes, je l'ai fait, et la lettre a été très belle et très bien écrite, faite et refaite vingt fois avant d'être envoyée. Fin de l'histoire.
Aujourd'hui, grace à twitter, facebook, les blog, les forums, les réseaux sociaux, on a d'avantage de chance que Maître Eolas réponde à un twitt, que Linkara vous remercie pour vos encouragements, que le Joueur du Grenier réponde à vos questions, et surtout, surtout, tout ce beau monde PRENDS EN COMPTE les remarques et critiques que vous, simple internaute, avez à formuler sur son oeuvre. Certes, vos twitts, commentaires, autres, sont plus spontannés, courts, et mal écrit, que les lettres des chevaucheurs de dinosaures comme moi à leurs idoles. Certes, en lisant ceux des autres, vous voyez que ce que vous avez à dire a déjà été formulé plusieurs fois. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que la personnalité qui communique avec vous par cet intermédiare prends le temps de le faire, et que les messages que vous et les millions d'autres followers faites ne sont pas criés dans le vide.

Les conséquences de cette communication plus égalitaire entre l'auteur et son public se remarquent. A l'époque des dinosaure, si une chanson d'Anne Sylvestre ne me plaisait pas, je devais accélérer la cassette audio (oui, l'époque des dinosaures, j'ai dit), jusqu'à la chanson suivante, et si un disque qu'elle n'aimait pas n'était pas réédité, je n'avais que mes yeux pour pleurer le jour où je me faisait voler mon exemplaire, parce que je ne pourrais plus écouter les chansons disparues (Anne, pourquoi avoir supprimé "Madame ma voisine" de votre répertoire ?). Aujourd'hui, je peux exiger à corps et à cris que MrTrololo refasse un live (l'homme en question est décédé à l'heure ou j'écris ces lignes, mais le live a bien eu lieu). En un mot comme en cent, moi, public, j'ai voie au chapitre.
Ces derniers mois, deux événements ont fait grand débat dans ma communauté d'amis.
Premièrement, Code Lyoko, une série animé que moi et mes amis suivions avec passion il y a quelques années, et qui s'était arrêtée sur une fin bien conclusive va se voir faire une suite en live action. Le public internaute l'a demandé pendant cinq ans, et le public internaute l'a obtenu. Bien des indices laissent transparaître que ce projet n'est pas aussi aisé qu'il y paraît pour la production, mais en tout cas, tous les communiqués de presses sont unanimes sur un point, si le projet existe, c'est parce que l'on a cédé aux réclamations du public.
Plusieurs éléments font que cette future suite est contreversée. J'ai déjà parlé du fait de faire une suite après une fin fermée dans un autre article. J'y ajoute le fait de passer du dessin animé à la série live, et la méconnaissance de la série d'origine par les réalisateurs qui transparaît dans les communiqués de presse. Mais le public a exigé cette suite et l'a obtenue, en dépit de la décision des auteurs de ne pas en faire.
Deuxième cas, plus connu encore, Mass Effect, ce jeux vidéo très apprécié  dont le troisième volet, sorti cette année, concluait l'histoire d'une manière frustrante, pessimiste, et contestable d'un point de vue logique. Le public internaute a crié au scandale si fort que la compagnie de production du jeu a annoncé un DLC pour expliquer d'avantage le sens de la fin. Le public a continué à crier, et au final, le DLC n'est pas une explication de sens, mais bien une correction des éléments dérangeants de cette fin. La correction en question ne portant que sur l'aspect pessimiste et frustrant, et ne corrigeant pas les défauts de logique, elle ne satisfait pas tous ceux qui ont contestés, mais les faits sont là, le public a réclamé qu'on change la fin, et on l'a changée. Mieux encore, on l'a changée après avoir annoncé qu'on ne la changerait pas mais qu'on l'expliquerait pour la rendre plus acceptable.
Bon, je reconnais, le phénomène existaient déjà à l'époque des dinosaures. La preuve, Conan Doyle a bien du ressuciter Sherlock Holmes. Mais je garde quand même le sentiment qu'il se produit d'avantage aujourd'hui, et que les auteurs qui modifient leur oeuvres devant la réaction du public le font plus rapidement. Je ne suis pas la seule à soupçonner J.K. Rowling d'avoir modifié ses projets de base pour Harry Potter, en particulier en ce qui concerne les intrigues sentimentales, en observant les réactions des fans. Si c'est le cas, on parle d'un auteur qui modifie son texte avant même que celui-ci soit publié.
Donc, la question qui se pose est : l'auteur n'est-il pas le seul en droit de décider de ce que doit être son oeuvre ? Faire une fin frustrante, pessimiste et illogique n'est-il pas son droit d'auteur ? Arrêter sa série à partir d'un point ne l'est-il pas non plus ? Mais en même temps, le public n'a-t-il pas le droit de manifester son mécontentement ?
Je ne parle pas ici de la qualité de l'oeuvre et ce ce qu'il convient de faire pour l'améliorer. On ne peut pas dire objectivement qu'une oeuvre est de qualité ou non. On peut dire qu'elle est inadaptée pour tel public, que sa fin est douloureuse, qu'il y a un manque de logique dans l'intrigue, que peu d'efforts semblent avoir été fait sur tel ou tel aspect, ou que tel élément est en contradiction avec ce qui semblait découler de l'oeuvre avant mais décider objectivement qu'une oeuvre est bonne ou mauvaise n'est pas possible, c'est à l'appréciation de chacun. La question est bien : quelle est la limite de ce que le public a le droit de faire, quelle est la limite de ce que l'auteur a le droit de faire?
Si le public devient souverain et peut faire modifier l'oeuvre au gré de sa volonté, l'absence de liberté laissé à l'auteur aura pour conséquence qu'il n'y aura plus d'oeuvre originale, d'oeuvre personnelle, d'échange d'âme à âme entre l'auteur et son public. Mais si l'auteur s'enferme dans son bureau et reste seul face à sa feuille de papier, qui le poussera à aller aussi loin qu'il peut, à se dépasser et à faire de son oeuvre ce qu'il pouvait donner de meilleur ?
Ceux qui ont une opinion sur cette question sont conscients du prix que coûte leur position. Ils estiment qu'il vaut mieux des oeuvres de qualité plutôt que des oeuvres personnelles, ou l'inverse, mais ils ont fait leur choix en connaissance de cause, et par conséquent, les deux positions se respectent. Aucun extrême n'est bon à prendre, mais on ne peut reprocher à quiquonque de pencher plutôt d'un côté que de l'autre. Je pense que la suite de Code Lyoko sera très dommageable à l'oeuvre originale, que la correction de la fin de Mass effect 3 était une bonne chose, que Sherlock Holmes n'aurait pas du être réssucité et que J.K. Rowling aurait du s'en tenir à son plan de départ, mais que peut-être il m'aurait moins plu que le résultat final. Je ne crois pas qu'il y ait de bonne ou mauvaise attitude générale à avoir, et que chaque cas nécessite d'être jugé de manière indépendante. Mais il y a une chose sur laquelle mon opinion est arrêtée. Je pense que le fait que l'auteur et le public puisse communiquer est une bonne chose. Certes, ça exige de l'auteur beaucoup de recul et de sagesse pour juger de combien d'exigences il peut prendre en compte sans se trahir lui-même, et ça ne lui facilite aucunement la tâche. Mais le fait est que l'oeuvre, une fois créée n'appartient pas qu'à son auteur, et se doit de n'être abandonnée au public et n'entrer dans le patrimoine mondial qu'après être devenue la meilleure version possible d'elle-même.
En ce qui me concerne, si j'écrivais pour moi, je me contenterai de tenir un journal. J'écris parce que je veux provoquer chez autrui des sensations porteuses de sens et profitables. Ce choix d'auteur implique que je tienne compte des informations qu'autrui me donne sur la façon dont il fonctionne, et également que je tienne compte de qui je suis, ce qui, en moi, doit être partagé, de ce que je veux atteindre comme objectif. C'est pourquoi je veux que mon lecteur soit un interlocuteur, et non pas un réceptacle pour ce que j'ai écrit. C'est également pourquoi que je lui dit parfois : "Non, ça, je vais le laisser tel que je l'avais écrit, c'est tel que je voulais, même si ça te déplait. La façon dont ça te déplait ne contredit pas mon choix d'auteur et n'entrave pas mon objectif". Parce que ce que j'écris, c'est ce que j'ai à donner.


 


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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 07:42

Une de mes lectrice-test me suggérait l'autre jour qu'une relation entre deux de mes personnages n'évoluait pas aussi vite vers l'intrigue amoureuse qu'elle s'y attendait. Je me suis surprise à répondre : "Mais si leur amour commençait maintenant, il serait basé sur trop peu de choses solides, et il serait sans lendemain. Ces deux là méritent mieux que ça !"
Oui, je parle de mes personnages comme s'ils étaient vivants, et alors ? Osez me regarder dans les yeux et me dire que vous ne le faites pas, vous, qui écrivez aussi !
Faut pas croire, mais ce n'est pas pour autant que je suis une divinité aimable envers eux. Je leur donne une authentique vie de merde. Enfin, non, une vie juste assez dure pour les pousser à se dépasser, à se construire, et à découvrir leur force de caractère, mais il y a une chose que je refuse, c'est de gaspiller leur potentiel amoureux. S'ils vivent des amours malheureuses, elles sont tragiques et superbe. Sinon, ce sont des amours viables, durables, et que je ne remettrais pas en question si je décidait d'écrire une suite à mes histoires (ce que je ne ferai pas, j'ai dit mon opinion sur les suite).
Je constate souvent, dans la fiction, qu'elle soit littéraire, cinématographique, télévisuelle ou autre, que les intrigues amoureuses se résument principalement à faire se tourner autour le héros et l'héroine, et les faire rompre rapidement une fois qu'ils sont ensemble pour les faire se diriger vers quelqu'un d'autre.
Il y a comme une terreur générale, chez les raconteurs d'histoire, de parler de l'aventure qu'est le couple après la déclaration, le combat contre l'ennui, l'usure, les désaccords, les différents... On ne conçois le couple qu'au futur ou a passé, jamais au présent.
Pourtant, au final, quand on pense à ses meilleurs souvenirs amoureux, ils ne datent jamais d'avant la déclaration ou après la rupture. Ce n'est jamais ça qu'on a envie de raconter. 

Est-ce qu'on a peur de lasser le lecteur en lui parlant du quotidien d'un couple heureux, même s'il sauve le monde, en même temps qu'il vit sa vie de couple ? Je ne sais pas, mais je peux au moins garantir que ce n'est pas le genre de choses qui me lasserait, moi. J'
attends des conteurs qu'ils racontent des histoires qui rassurent. Qui fassent revivre la réalité des tourments qu'on vit au quotidien, mais en y apportant une issue heureuse, cette fois. En général, quelle que soit la qualité d'une histoire, j'aurais du mal à y adhérer si elle contient une intrigue amoureuse baclée. Que ce soit parce qu'elle n'est pas crédible ou qu'elle se finit inutilement mal. Je n'attends pourtant pas grand chose de l'intrigue amoureuse en question, faut pas croire. Mes attentes sont, sommes toute, assez banale.

Il faudrait qu'on me décrive un amour tel que je puisse y croire. Soit le véritable amour, celui qui fait du bien, fondé non pas sur le fait que l'héroïne et le héros sont très sexy, mais aussi sur le fait que leur personnalité se correspondent, leur permet d'affronter l'adversité de manière efficace, de collaborer de manière constructive. Soit, à la rigueur, l'amour qui fait souffrir, mais mis en place d'une manière qui me permette d'avoir de la compassion pour celui qui l'éprouve, pas d'avoir envie d'entrer dans le livre pour le secouer et lui dire "Mais, ducon, tu vois pas que cette fille est pas faite pour toi ?". Pour m'empêcher d'avoir ces crises de rages, il faut que le sentiment éprouvé par le héros ne s'explique pas, et ne se choisisse pas. Qu'il soit subit. Le protagoniste aura beau savoir que ce sentiment ne lui fait pas du bien, il n'y pourra rien. En fait, je n'aurai pas l'idée de lui en vouloir, s'il se montre conscient de la nocivité de ce qu'il ressent, mais impuissant face à lui au point de ne plus rien avoir d'autre à faire que se laisser aller au dit sentiment, boire le calice jusqu'à la lie, dans l'espoir de finir par en être dégoutté et délivré, ou d'en mourir et de ne plus souffrir. Pour que je puisse m'identifier au héros, il vaut mieux que je n'ai jamais à remettre son intelligence que question. Que je sois d'accord avec ses choix amoureux, et que, si je ne le suis pas, il ne le soit pas non plus.
Soit dit en passant, ce n'est pas moi qui serait déçue d'une histoire, parce qu'il n'y a pas eu d'intrigue amoureuse dedans. Je serait toujours moins déçue d'une histoire sans intrigue amoureuse mais plein d'autre choses que d'une histoire avec une intrigue amoureuse à laquelle je ne crois pas, et dont je ne comprends pas poruquoi elle a été inséré dans l'histoire tant je la trouve hors de propos.

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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 12:01

 On m'a demandé d'expliquer le terme, il y a peu de temps, et je suis tellement habituée à l'utiliser que j'ai été surprise.

Une bêta-lecture, c'est comme un bêta-test de jeux vidéo, mais pour les livres. Ça consiste à lire un manuscrit attentivement et à relever tout ce qui semble améliorable pour en informer l'auteur. Il y a quelques années, quand je fréquentais pas mal de gens qui écrivaient, j'en faisais pas mal.
Au début, mes bêta-lectures consistaient à reprendre le fichier word du manuscrit et à ajouter des annotations en caractères gras chaque fois que j'estimais avoir à faire un commentaire sur tel choix de mot, tel tournure de phrase, tel événement dans l'intrigue, etc...
Cette façon de faire a été appréciée par plusieurs, mais je l'ai abandonnée quand j'ai découvert que ça inhibait certains auteurs plus que ça ne les aidait. Maintenant, je me contente de formuler un avis général sur l'esprit de l’œuvre, en expliquant ce qui me parle, ne me parle pas, et pourquoi.
Le paradoxe du bêta-lecteur, c'est qu'on lui demande son avis, mais qu'il doit faire preuve d'humilité en le formulant. Le bêta-lecteur est en général auteur lui-même. Il a des à priori sur la bonne façon de tourner une œuvre, qui ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux de l'auteur qu'il bêta-teste, par conséquent, les premiers conseils qu'il pourrait donner ne sont pas nécessairement aussi pertinents qu'il croit. Il faut beaucoup d'humilité, de recul et de discernement pour réaliser que non, les normes qu'on a en tête ne sont pas universelles, et qu'il y a plusieurs façon de faire, mais qu'il faut tout de même avertir l'auteur qu'on n'a pas vu où il venait en venir, et prit son choix d'auteur pour une erreur.
Le paradoxe de l'auteur, c'est qu'il sait où il veut en venir, mais pas comment le faire comprendre à son lecteur. Lorsqu'on lui demande une modification qui va à l'encontre de tout son objectif littéraire, il doit se demander pourquoi l'objectif littéraire en question n'a pas été perçu, s'il est pertinent, et s'il a été assez loin dans son expression.
J'occupe à l'heure actuelle les deux positions. J'estime que lorsque je dois expliquer à un de mes bêta-lecteurs que telle tournure a été mise là exprès, s'inscrit dans telle ou telle culture littéraire, ou est dûe à telle ou telle subtilité de la psychologie des personnages, je suis en échec en tant qu'auteur, parce que je ne devrais pas avoir à donner des explications hors lecture. Le texte doit se suffire à lui-même.

Mais quand je suggère une petite modification à un auteur et que celui-ci gâche entièrement son texte en le réadaptant pour ne pas avoir à modifier ce que je lui demande, je suis en échec en temps que bêta-lectrice. Je n'ai pas su relever le vrai problème, je n'ai pas su dire « j'ai mal compris » ou même « je comprends mais je n'aime pas, enfin c'est ton choix, des goûts et des couleurs ». Quand un auteur sort découragé d'une de mes bêta-lecture, et envisage d'abandonner son texte, plutôt que de le retravailler, j'ai tout raté. C'est une position délicate de juger l’œuvre d'un autre quand on est soit-même auteur, et qu'on sait ce qu'on aurait fait soi-même dans telle situation. C'est toujours difficile de réaliser que ce qu'on prend pour une erreur est peut-être une autre façon d'envisager l'écriture, mais pas assez aboutie pour toucher un lecteur non averti.
Quoi qu'il en soit, je remercie ceux qui ont accepté d'être mes bêta-lecteurs. J'ai des moments de découragement, parfois, en découvrant que certains passages dont j'étais très fière n'ont pas été compris, mais je sais au moins qu'à l'issue de cette expérience, mon œuvre pourra être lue par le plus grand nombre, et pas juste par moi.
Écrire n'est pas un geste égoïste. Ca ne peut donc pas se faire tout seul.

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22 mars 2012 4 22 /03 /mars /2012 15:52

Lire des livres en version numérique est contre-intuitif, même pour ceux qui sont bien disposés vis à vis de l'idée, déjà habitué à la lecture sur écran par la fréquentation de blogs, ou de sites comme Fanfiction.net.

 

Le livre est un objet qui, instinctivement, se convoite, se soupèse, se feuillette, se repose et se reprend, puis qu'on achète en se disant que ce n'est pas raisonnable, qu'on a déjà bien du retard de lecture, mais qui nous a tellement tenté pendant le temps qu'on s'est attardé devant le rayon où il était exposé. On aura beau être un grand liseur, un internaute invétéré, un amoureux passionné des nouvelles technologies,et on aura beau manquer sérieusement de place dans sa bibliothèque, ce livre, on le lira en version papier, c'est comme ça, c'est le premier réflexe qui viendra, quoi qu'on fasse.

 

Bref, un événement s'est produit, n'importe quoi, e-book offert part une maison d'édition, ouvrage rare disponible uniquement en version e-book, et vous vous retrouvez à lire un livre numérique. Sur l'écran de votre ordinateur, vous n'êtes franchement pas convaincu par le support. Lire sur votre ordinateur, quand il y a tant d'autres chose à y faire, comptabilité à terminer, courriers à rédiger, Facebook à consulter ? Vous lisez quelques lignes de temps en temps, et puis vous repartez sur vos autres activités, et, en désespoir de cause, vous finissez par imprimer pour lire une fois l'ordinateur éteint. A moins d'avoir le prétexte de ne pouvoir consulter le livre qu'en ligne, l'ordinateur est incompatible avec la lecture.

Pour vous faire économiser du papier, on vous offre une liseuse. Oui, on vous l'offre, parce que ces petites merveilles sont encore loin d'être à la portée de n'importe quel lecteur. Sachant que l'idée de vous en acheter une ne vous viendrait déjà pas à l'esprit toute seule, le prix est loin de vous convaincre d'avantage. On vous en offre une, donc, et quelques e-book bien choisis avec. Vous l'allumez, dubitatif, vous commencez à faire défiler le texte... Trop tard pour vous, le virus vous a mordu : vous n'en décrochez plus. Pensez-vous ! Une bibliothèque entière dans votre poche !

Vous l'emportez partout, dans le métro, au parc, en vacance, et vous lisez, sans retenue, sans contrainte, sans épuisement du stock de livres. Jamais vous n'avez autant lu : il vous suffit d'un clic pour passer d'un ouvrage à l'autre. La liseuse retient en mémoire la page où vous vous étiez arrêté, le dernier livre consulté, vous la rangez et la ressortez facilement dans les correspondances du métro. Vous pouvez grossir le texte, si vous y voyez mal... Le livre s'adapte à vous. Vous lisez au kilomètre, enchaînant les lectures comme jamais vous ne l'avez pas. Vous vous accordez une boulimie de lecture, en remplissant toujours plus votre petit engin miracle. Vous n'auriez jamais cru que vous étiez capable de lire autant, ça devient si facile.
Puis arrive le soir, vous rentrez chez vous, vous vous installez dans votre fauteuil, tranquille, pour vous accorder ce petit moment de confort dans la lecture que vous vous accordez tous les soirs, et soudain, votre outil miracle ne vous satisfait plus.

Vous n'avez pas envie de recommencer votre boulimie de lecture. Vous avez envie de retrouver un texte précis. Vous voulez tourner des pages. Vous voulez aller directement à votre passage préféré, puis revenir en arrière, pour lire cette autre, que vous connaissez quasiment par cœur, mais que vous avez tant envie de revoir une énième fois. Vous remettez la liseuse dans votre sac, sortez un volume de votre bibliothèque, et vous faites la réflexion que parmi les livres numérique que vous avez dévoré pendant la journée, il y en a bien un ou deux que vous rachèterez en papier, pour le plaisir de relire.

 

Je connais assez peu de gens ayant essayé la lecture numérique, et pourtant, je ne connais personne de vraiment récalcitrants à cette nouvelle forme de lecture. Je m'en rends bien compte, je n'ai pas vraiment de raison d'insister pour qu'ils essayent, ce qu'ils y trouveront n'aura rien à voir avec le plaisir de la lecture qu'ils connaissent, et le fait que ce que ça m'apporte me satisfait ne garantit pas que ça les satisfasse eux.

Le livre numérique crée deux rythmes de lecture. La lecture numérique est une lecture découverte, rapide, réceptive, qui vous permet d'élargir vos horizons de lecture aussi loin que vous êtes prêt à aller. La lecture papier est une lecture de retrouvailles, de familiarité, de confort et de repos. Aucune ne peut remplacer l'autre. Cette différence ne peut être comprise que lorsqu'on a testé les deux lectures.

 

 

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 21:09

 La fin d'une histoire nous déçoit souvent. Et si elle ne nous déçoit pas, elle est annulée par une suite.

 

Mes amis et moi parlions hier, autour d'une tasse de thé, d'un jeu vidéo dont je ne donnerai pas le nom, histoire de ne pas faire de spoiler à ses consommateurs, mais ceux qui l'on terminé le reconnaîtront peut-être. Quels que soient les choix faits par le joueur durant les longues, très longues heures de jeu, durant lesquelles il aura pu profiter d'une intrigue passionnante, de dialogues excellents, d'une ambiance prenante, le jeu se termine par la destruction de l'univers et de la civilisation. Tout ce qu'a accompli le personnage principal pendant l'histoire est inutile, alors qu'elle a été construite de manière à donner l'impression que ses actes peuvent avoir de grandes conséquences, tant un seul homme peut changer l'état d'esprit d'une foule. En bref, la fin fait mentir le reste de l'histoire. Par conséquent, quelle leçon en tirer ?


Quand j'essaye d'imaginer ce qui peut pousser quelqu'un à faire une fin comme ça, je trouve des réponses. Envie de faire une fin à laquelle personne ne s'attende. Envie de faire une fin pessimiste parce que c'est le message qu'on a à donner. Peur qu'une fin positive fasse irréaliste après toutes les difficultés par lesquelles on a fait passer son héros. Certitude de ne pas pouvoir faire une fin qui satisfasse tout le monde. Désir de ne pas réfléchir à la fin avant d'y arriver ce qui aura conduit à ce point de non retour où la fin excessivement négative semblait la seule possible.

 

Quelles qu'en aient été les raisons, cette fin fait mal. Pas seulement parce-qu'elle est excessivement noire, mais également parce-qu'elle est en contradiction avec tout ce qui lui a précédé et rend inexistant tout ce qui faisait la valeur de l’œuvre. Impossible de se dire « la fin est décevante, mais le reste est bien » car la fin nous apprend qu'on nous a menti sur la marchandise, que ce qui en faisait la valeur était en fait un faux semblant destiné à nous dissimuler le vrai sens de l'histoire.

 

J'ai eu la même expérience au cinéma, récemment. Encore une fois, je ne dis pas le titre du film, ceux qui l'ont vu le reconnaîtront. Ce film raconte l'histoire d'une fille, aux Etats-Unis, qui s'échappe de la secte dans laquelle elle vit depuis deux ans et tente de reprendre le contrôle de sa vie en se réfugiant chez sa sœur. La situation est intéressante, on observe combien il ne suffit pas de s'échapper physiquement d'une situation pour s'en échapper effectivement, et combien, psychologiquement, le jeune fille est encore prisonnière de la secte, et doit continuer à lutter pour terminer sa libération. Son état me paraissait très bien décrit, et j'ai été ravie du film jusqu'à la fin. Sans entrer dans les détails, non, la jeune fille ne parvient pas à retrouver une vie normale, et la morale est plutôt que si elle était restée dans sa secte, au moins, elle aurait été la seule à souffrir et n'aurait pas entraîné sa sœur dans ce cauchemar.
Alors j'ai détesté le film, et ça n'a tenu qu'à ça. Ce minuscule détail qu'est la fin. Une phrase d'espoir en conclusion, un plan d'elle en pleine lumière, n'importe quoi pour me dire que si, dans la vie, on peut guérir, et j'aurais trouvé ce film génial. Mais telle quelle, la fin n'est pas seulement noire, elle rend le film complètement inutile.

 

De la même manière, en me poussant à voir Matrix II et III, on m'a obligée à constater que ce qui semble être le message véhiculé par le premier est un faux semblant. Ce n'est pas une histoire sur le caractère trompeur des sens et l'incertitude qu'on peut avoir de la réalité du monde qui nous entoure. C'est une histoire de messie, ce qui pourrait être intéressant si, d'une part, ça n'était pas traité de manière relativement banale, et si, d'autre part, on ne le comparait pas à ce qu'on a cru qu'était le message en regardant le premier film.

 

Dans le cas de Matrix, il y a ceci de terrible que le premier film avait une fin, relativement bonne, et suffisante à elle-même. On aurait pu se passer de suite, et rien n'aurait remis en question la valeur qu'on avait accordé à l'histoire.

 

C'est pourquoi il me paraît généralement une mauvaise idée de faire une suite à une histoire dont la fin est une fin fermée.

Avatar, le dernier maître de l'air, la série animée, est l'exemple que je cite, en général, d'histoire ayant une fin qui ne me déçoit pas. Elle n'est certes pas surprenante, mais elle livre un message positif, ne laisse que peu de questions irrésolues, et ne dévalorise en rien ce qui s'est passé avant.

 

Une bande dessinée à été faite à la suite de cette série. Non seulement cette bande dessinée n'apporte aucune résolution aux rares points laissés en suspens par la fin originale, mais elle contredit le message laissé par cette fin, et donne la leçon contraire. On peut arguer que l'on aimait pas cette morale, mais c'est toute même celle que les auteurs avaient choisi de donner à l'issue de cette série. Pourquoi se contredire soi-même ?

 

Autre exemple, la série animée Code Lyoko, qui se termine au bout de quatre saison non seulement par une fin fermée, mais également par un petit effet théâtral : après la conclusion de la série, une petite séance musicale nous montre les personnages en train de saluer la caméra, à la manière d'acteur saluant au théâtre. On ne peut pas annoncer plus clairement « Attention, c'est la fin, il n'y aura PAS de suite ! ».
Certains fans, bien sûr, voulaient interpréter le fait que le personnage du méchant vienne saluer avec les autres comme la preuve qu'il n'avait pas été réellement tué et allait revenir pour une saison 5. Réaction qui a inspiré à un de mes amis un commentaire tellement génial que je vous le rapporte textuellement :

«  C'est comme dire qu'un méchant qu'on a vu se noyer juste avant le générique de fin s'est sauvé en s'accrochant aux lettres qui montent ! »

Mais voilà, le harcèlement paye, et, devant l'insistance du public, la production a décidé de faire une saison 5. Entendons-nous bien, cette suite sera peut-être très bien faite, contiendra peut-être bien des choses objectivement intéressantes si on fait abstraction du contexte, mais le fait qu'elle existe remet en question tous les efforts qui ont été faits dans la saison 4 pour résoudre l'intrigue et amener à une conclusion. Accessoirement, ça rend inutile et ridicule ce geste de salut fait par les personnages à la caméra, ce qui est fort dommage.

 

Malgré cela, ceux qui décident de ne pas voir cette saison 5, de ne pas lire la BD Avatar le dernier maître de l'air, de ne pas regarder Matrix II et III pour ne pas se gâcher le premier, rencontrent une incompréhension difficile à faire cesser, pour ne pas dire impossible. Il font d'ailleurs régulièrement l'objet du harcèlement que j'ai subi pour Matrix. « Il faut que tu voies. Tu verras que tu changeras d'avis, quand tu verras que c'est bien fait. » On aura beau répondre « Je ne refuse pas de voir cette suite à cause de ce que je suppose qu'elle est, je la refuse à cause de ce que je sais qu'est l’œuvre précédente. », la personne n'en démordra pas. « Tu changeras d'avis quand tu verras que c'est bien fait. »

 

Ceci donne à penser que le concept de fin destinée à accomplir l'histoire, lui donner toute sa valeur, la justifier, est assez peu répandue, au final, et difficile à faire concevoir à ceux qui ne le partagent pas spontanément.

 

Un de mes amis, étudiant en cinéma, nous rapportait hier les paroles d'une scénariste de séries expliquant que le scénario doit être construit en prévision de la fin qu'on prévoit de lui donner. Cependant, cette personne, sachant qu'une série doit pouvoir se prolonger aussi longtemps qu'elle est rentable, suggérait d'enchaîner indéfiniment les différents arcs, et toujours passer immédiatement à une nouvelle histoire quand on en finit une.

 

Mais là, le débat se met à porter sur ce que doit être une série. Doit-elle être une histoire, ou seulement un univers dans lequel s'enchaîne une succession d'histoires n'ayant rien à voir ensemble ?
Si l'on suit le dernier point de vue, on nie la valeur d'une série comme œuvre en tant que telle, qu'un spectateur pourrait avoir envie de voir et revoir en entier, sans simplement attendre un nouvel épisode tous les jours.

Et pourtant, objectivement, qu'est-ce qui, dans le fait de faire se passer différentes histoires dans le même univers leur retire sa valeur ?

Là, nous allons parler de Star Wars. Des livres ont été écrits racontant la suite du Retour du Jedi. Pour exister, ces livres sont obligés de remettre en question l'idée que ce qui se passe dans la trilogie Star Wars est l'événement le plus important de l'univers, celui qui a été annoncé par une prophétie des siècles auparavant...

 

A titre personnel, j'émettrais bien l'idée que si une série n'existe qu'en tant qu'univers, les auteurs de fanfiction doivent être reconnus comme auteurs de la série au même titre que les scénaristes officiels, après tout, que font-ils de moins que ces derniers ?

 

Quoiqu'il en soit, le spectateur/lecteur/joueur/écouteur de l'histoire ne peut rien faire pour empêcher qu'il existe une suite dont il ne veut pas à une histoire qu'il estime complète et accomplie. Le voilà donc dans une position difficile : doit-il décider de renier cette nouvelle partie de l’œuvre qu'il admire pour n'en garder que ce qu'il aime ? A-t-il le droit de faire ça, après tout, n'est-ce pas renier l’œuvre entière, en réalité ? Et surtout, a-t-il la possibilité de faire ça ? Il suffit de savoir ce que racontent Matrix II et III pour ne plus croire au premier.

 

Lorsque j'écris une histoire, en général, je l'écris pour la fin. C'est la fin qui me fait décider si elle vaut la peine d'être écrite ou si elle doit rester dans ma tête. Lorsque j'ai dirigé un groupe d'écriture dans des histoires collectives, nous avons travaillé à l'improvisation, mais la fin finissait toujours par s'imposer à nous au bout d'un moment.

 

Une fin peut me gâcher une œuvre que j'ai aimé. Une fin peut aussi sauver une œuvre que j'ai crue insupportable en la voyant. Bien que je constate que rares sont ceux qui y attachent autant d'importance que moi, je continuerai à y apporter un soin extrême, et à la considérer comme la partie de l’œuvre qui mérite le moins d'être négligée.

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