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2 septembre 2014 2 02 /09 /septembre /2014 17:07

Il m’est impossible de parler de Budori, l’étrange voyage, sans parler de ce qui, pour moi, est explicite depuis le début du film, mais qui, pour pas mal d’autres spectateurs, apparemment, est un twist final très surprenant. Je dois en parler, et explicitement, pas à mots couverts, parce que cette clairvoyance vis-à-vis de la situation a orienté toute ma perception du film. Donc, si vous n’avez pas encore vu lefilm, avez l’intention de le voir, et ne voulez pas prendre le risque d’être spoilé sur un élément qui, contrairement à ce que je croyais, n’est pas explicite dès le départ, je vous engage à ne pas continuer à lire cet article, du moins pas pour l’instant.

Allez-y, je ne serai pas vexée.

C’est bon, vous êtes partis ?

Très bien, j’y vais.

Budori, donc, est un adorable petit chat bleu anthropomorphisé, qui vit dans une montagne idyllique, avec son adorable père, son adorable mère, son adorable sœur, et son adorable maîtresse qui lui lit d’adorables poésies…
Ils sont troooooop morts…

Bref, la famine arrive, et bientôt, il n’y a plus rien à manger dans la petite isba familiale. Les parents décident de faire l’inverse de ce que font les parents d’Hansel et Gretel, et ceux du petit Poucet. Voyant qu’il ne reste plus de quoi nourrir quatre personnes, ils vont SE perdre eux-mêmes, dans la forêt glacée d’hiver, pour que leurs enfants puissent survivre avec les provisions qui restent.

Malheureusement, ce qui reste ne suffit quand même pas. La petite sœur s’affaiblit de plus en plus. Et un jour, alors qu’elle n’a même plus la force de se tenir assise, un grand chat noir en cape violette apparaît dans la cabane, entouré d’une volute de fumée, et dit, d’une voix d’outre-tombe : « Petite fille, si tu reste ici, tu n’auras pas à manger. Viens avec moi, je t’emmène quelque part où tu n’auras plus jamais faim ». Et il arrache l’enfant aux bras de son frère, qui désespéré, essaye de les poursuivre, mais l’individu disparaît dans la forêt et les volutes de fumée aussi soudainement qu’il est apparu.

Voilà, ça, c’est la scène que j’ai trouvée très claire. Et qu’apparemment, je suis la seule à avoir trouvée très claire, si j’en crois les commentaires de mes amis en sortant du cinéma, et ceux sur senscritique. Je croyais que le cliché du gars en grand manteau qui dit au mourant « viens avec moi, je t’emmène là où tu ne souffriras plus », c’était aussi connu que l’histoire de la lumière au bout du tunnel, ou de l’homme squelette avec sa faux. Apparemment pas.

Bref, moi, à ce stade-là du film, je me suis seulement dit « Ah oui, mettre ça en scène sous forme de métaphore, c’est quand même moins glauque que de la montrer en train de mourir de faim, comme dans Le Tombeau des Lucioles ». Et j’ai pu passer le reste du film sans me demander pourquoi Budori ne cherchait pas à sauver sa petite sœur, ne cherchait à la retrouver que dans ses rêves, ne signalait pas son enlèvement par un individu louche aux autorités. J’ai pu pleinement profiter de l’histoire d’un gamin qui essaye de se reconstruire après avoir vu disparaître ses parents et mourir sa sœur. Et je crois, du coup, que j’ai pu apprécier son parcours mieux que ne l’ont fait ceux qui n’ont pas compris la métaphore et cru que la petite sœur s’était réellement faite enlever.

Oh, bien sûr, je ne dis pas que le récit qui s’ensuit est exempt d’éléments contestables. Déjà, les passages racontant les rêves de Budori sont à mon avis un peu trop long. Et surtout, ces rêves, on ne le voit pas se servir des réflexions qu’ils génèrent, dans sa vie éveillée. Un rêve lui fait comprendre que l’industrialisation à outrance est malsaine, ce qui, on le sait, est vrai. Mais ça ne sert à rien, parce qu’il ne fera rien pour la dénoncer une fois réveillé. Un autre lui montre le monde des morts, où il entraperçoit ses parents, et poursuit l’individu en cape violette, pour lui demander où est sa sœur. Ce rêve prend fin au moment où Budori découvre une affiche montrant que sa sœur est devenue une célèbre artiste dans ce monde des morts, donc qu’elle lui appartient complètement. Il cesse de courir et reste immobile devant cette affiche, résigné et malheureux. C’est un moment que j’ai trouvé très beau. Mais on ne voit pas de différence dans son comportement d’avant ce rêve et son comportement d’après. Le fait qu’il se soit enfin résigné à ne plus revoir sa sœur ne change pas son caractère. C’est juste beau. Comme le rêve sur l’industrie, d’ailleurs.

Les autres détails de l’histoire, je vous les laisse découvrir, si vous ne les connaissez pas déjà et que vous avez lu cet article parce que les spoilers ne vous dérangent pas (à vous de juger, alors, si c’en était un).

Disons simplement que Budori a la chance de tomber sur des gens qui ont besoin de lui, même si c’est pour l’exploiter, et lui donnent l’occasion d’étudier et de trouver un travail qui lui plait, ce qui apaise la douleur d’avoir perdu les siens. Et puis arrive un jour où il a l’occasion de résoudre les problèmes climatiques qui ont décimé sa famille, mais à un prix très élevé… Tout le but du film est d’arriver à ce moment, et ce choix. Pour le coup, la mise en scène autour m’a parue un peu trop rapide, et m’a laissée un peu sur ma faim, mais bon, j’ai pu apprécier quand même. Oh, bien sûr, je tique un peu sur la solution utilisée pour résoudre les problèmes climatiques, mais rappelons-nous que l’histoire a été écrite en 1930, et je ne pense pas que le réchauffement climatique dus aux gaz à effet de serre y était aussi médiatisé qu’aujourd’hui.

Sur le plan visuel, il y a plusieurs niveaux. Les personnages sont dessinés de manière relativement simpliste, les décors sont hyper travaillés, et il y a des incrustations de CGI et même d’images filmées pendant les séquences de rêves. A une époque, les mélanges de ce genre ne me gênaient pas, mais cette fois, ça a été un obstacle à mon immersion. Je dois être plus difficile qu’avant.

Bref, j’ai vraiment beaucoup aimé Budori, mais je l’ai vraiment beaucoup aimé parce que j’ai compris dès le début ce qui aurait apparemment du être le twist final. Donc, je ne sais pas si j’ai aimé pour les bonnes raisons. A vous de juger.

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1 septembre 2014 1 01 /09 /septembre /2014 17:21
La soupe au choux
La soupe au choux

Il n’est jamais trop tard pour découvrir un classique. Récemment, Al s’est aperçu que je n’avais jamais vu « La soupe aux choux ». Il s’est donc empressé de pallier ce manque, d’autant qu’il a constaté au passage qu’il y avait fort peu de critiques de ce film sur Sens Critique, et que la plupart étaient fort négatives. A charge, donc, pour moi, de le défendre, si tant est que je trouve qu’il le mérite. J’ai trouvé qu’il le méritait, donc, me voici prête à m’atteler à ma mission.

Première remarque à faire : Ce n’est pas un Louis de Funès. Il y a Louis de Funès dedans, mais il ne joue pas le rôle de Louis de Funès. Si vous cherchez une bonne comédie franchouillarde avec un Louis de Funès hystérique qui fait plein de grimaces et des gags tarte à la crème, passez votre chemin, il n’y en aura pas ici. A la place, vous aurez un conte philosophique, poétique et contemplatif… Et des gags à base de pets. Accessoirement. L’ingrédient principal du film, c’est surtout ses dialogues. Des dialogues drôles et sincères, attendrissants, amusants, et entièrement écrits en vieux françois. Enfin, un vieux françois de fiction. On y mélange toutes sortes de patois, toutes sortes d’expressions vieillottes. Ce langage campagnard renforce le côté attachant des personnages, mais le fond du dialogue est excellent. Qu’il s’agisse de philosophie de comptoir, de poésie épicurienne ou de joute d’esprit, ils sont toujours au top de ce qu’ils peuvent être, et ils ont à vous offrir tout ce qu’un film avec de bons dialogues peut vous offrir.

On me l’avait résumé comme suit : C’est un vieux paysan qui voit un extraterrestre atterrir dans son jardin. Il lui fait goûter sa soupe aux choux, l’extraterrestre en ramène dans sa planète, et la soupe aux choux y connaît un grand succès.

Je me demandais bien quelles pouvaient être les circonstances qui pouvaient amener un vieux paysan faisant la toute première rencontre de l’Histoire avec une créature pensante d’une autre planète à lui faire goûter de la soupe aux choux. Il n’y en a pas. C’est tout bêtement son premier réflexe. Il faut dire que notre héros, Louis de Funès, donc, est un homme simple, qui aime la vie, la bonne chère et le bon vin, la chaleur humaine, la danse et la nature. Une soucoupe volante dans son champ ? Bah, après tout, pourquoi pas, on voit tant de choses dans le monde. A quoi bon convoquer la presse ou appeler le président de la république. Notre Glaude, c’est son nom, réagit comme il réagirait face à n’importe quel visiteur impromptu : il offre à boire et à manger. Si sa soupe au choux rencontre un vrai succès interplanétaire, c’est pas tant parce qu’elle est bonne (quoiqu’effectivement, la soupe au choux, c’est délicieux, surtout celle qu’on fait dans ma région, on y ajoute du magret de canard et tous les légumes de la saison, on fait mijoter la journée entière, et on y verse un verre de vin du pays, c’est juste divin. Quoique je me souviens d’un refuge, en montagne, où le patron avait malencontreusement fait tomber toute la poivrière dans la soupière, ça restait bon, mais qu’est-ce que c’était fort ! Hein ? Vous n’en avez rien à foutre de mes souvenirs de montagne et vous voulez que je vous parle du film ? Désolée, je me suis égarée) ce n’est pas tant qu’elle est bonne, donc, c’est surtout qu’elle est faite avec le cœur. Oui, c’est tout aussi simple.
En fait, tous les thèmes du film sont très simples. L’amitié, la nature, les vieilles traditions menacées par l’expansion économique, l’amour de la vie, la peur de la mort, la meilleure manière de gérer les deux… Mais joliment et humblement traité, et en se prenant suffisamment peu au sérieux pour oser de grands bons moments de délire. (Moi, quand le maire menace Louis de Funès et son pote de se retrouver enfermés dans une cage avec des gens qui leur jettent des cacahuètes, je pensais qu’il disait ça métaphoriquement, moi, si, si !)

Je n’ai qu’un seul reproche à faire au film. La Francine. Oh, bien sûr, elle donne une mauvaise image des femmes, mais ce n’est pas le principal problème. Non, ce n’est juste pas esthétique. Louis de Funès manifeste pendant la moitié du film à quel point il a été heureux de son histoire avec elle, montrant par là que ça fait partie des plaisirs qu’il faut s’accorder dans cette vie si courte, vivre avec quelqu’un, l’aimer. C’est cohérent avec le propos général du film qui est de rappeler à tout va pourquoi la vie vaut la peine d’être vécue. Et puis la Francine revient, et elle est totalement odieuse. Cela va-t-il amener Louis de Funès à changer d’avis sur le bien-être que procure le mariage ? Non. Va-t-elle être punie d’être si odieuse, et prouver par là que les méchants sont punis et les bons récompensés ? Non. Elle passe, juste, elle détruit la bonne image que Louis de Funès gardait de leur mariage, puis s’en va pour vivre une vie très heureuse ailleurs en récompense d’avoir été aussi odieuse. En toute logique, ce genre d’événement devrait servir à faire douter Louis de Funès de sa philosophie de vie, et du bien fondé de son attitude positive. Mais non. Parce que Louis de Funès a accepté le malheur comme étant le prix du bonheur bien longtemps avant le début du film. En gros, toute cette sous-intrigue avec la Francine ne sert à rien. A part à donner une fort mauvaise image des femmes, mais même ça, il n’est pas explicitement souligné que c’était le but. Heureusement, ce passage inutile ne gâche pas l’expérience du reste du film.

Bref, un film qui mérite un peu plus d’amour. C’est sûr que ce n’est pas un Louis de Funès, mais c’est quand même quelque chose qui vaut la peine qu’on en profite.

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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 11:58

Après dix ans d’exil, Jimmy revient dans sa campagne irlandaise. Il est accueilli avec chaleur et larmes, sauf par le curé de la paroisse, qui, à peine arrivé, essaye de l’éloigner à Londres. Reprendre sa vie passée n’est pas chose facile. Son frère mort en son absence, sa petite amie qui s’est mariée avec un autre, ses amis qui lui sont devenus étrangers… Mais il a bien l’intention d’avoir une vie paisible et heureuse, et d’aider sa mère à vieillir en paix dans sa ferme. Peine perdue. A peine est-il arrivé que tous les jeunes du village lui fondent dessus comme un seul homme pour le supplier à deux genoux de rouvrir le dancing qu’il avait construit sur le terrain de ses parents, avec les économies mises de côté par lui et ses amis. Les sous-titres traduisent Hall par Dancing, mais le fait est que ce lieu qu’on lui supplie de rouvrir est plus qu’un simple dancing, c’est davantage un centre culturel. Des bénévoles y donnent des cours de chant, de cuisine, de boxe. Le contexte, à savoir que le public pouvant profiter de ces cours a souvent du quitter l’école prématurément afin de trouver du travail, n’est pas explicite. Des flash-back rapides nous font comprendre, succinctement, et assez vaguement, que le dancing a également servi à des rassemblements militants et au siège d’un tribunal. Que ce Jimmy a été un militant communiste très actif, qu’il a failli être arrêté pour cela et a du partir en exil précipitamment. Fin des flash-back. Il a déjà pris sa décision. Il rouvre le dancing. Et on coupe sur le prêtre, qui se confie à son jeune subalterne et nous dit enfin ses craintes : l’initiative d’éduquer les gens du village prise par un communiste ne va pas manquer d’attirer la sympathie de ces gens pour le communisme, et le communisme, le prêtre le sait, c’est une doctrine dangereuse, qui a abouti à des persécutions en Russie. Si on sait un peu d’Histoire, on sait que ce prêtre n’est pas complètement paranoïaque, et que le régime russe de l’époque n’était pas idéal. Mais dans le Dancing, les gens apprennent les chants traditionnels irlandais, étudient la poésie romantique, boxent, bref, ne font rien de politique, ne font rien d’idéologique. Pas dans le cadre, du moins. Pas pendant la première moitié du film, en tout cas.

Tout est fait pour qu’on ne haïsse personne. Même pas le propriétaire terrien qui bat sa fille pour la punir d’être allée au Dancing. Il a beau être le seul personnage foncièrement antipathique de cette histoire, la caméra le montre peu, il reste effacé derrière le prêtre. Le prêtre, pas spécialement fanatique, pas spécialement déraisonnable, convaincu seulement du danger du communisme et de la nécessité d’asseoir son autorité sur ses ouailles en les traitant comme un professeur traite sa classe de jeunes enfants. Pour de vrai. Lire devant tout le monde les noms des gens qui ont désobéi, c’est un truc qu’on apprend à l’IUFM. C’est pourquoi il refuse toute forme de compromis. On lui propose d’assister au conseil d’administration du dancing, histoire d’être rassuré, de constater qu’il ne s’y passe rien de politique, mais il refuse le compromis, il veut le contrôle ou rien, il croit sincèrement qu’il ne peut protéger ses paroissiens qu’en ayant le contrôle, ou rien. Mais le tout en reconnaissant la valeur de l’effort qu’on fait en lui proposant ce compromis, la bonne foi de ses adversaires, leur sincérité quand ils pensent faire du bien autour d’eux.

Ca en devient limite difficile à croire, surtout quand on est habituée aux débats sur internet, où 90% du temps, la stratégie de chaque débattant et d’accuser l’autre de mauvaise foi et d’hypocrisie, puis d’éviter de répondre à ses arguments en digressant sur un problème qui n’a rien à voir, jusqu’à ce que l’enjeu du débat soit complètement oublié et que seul le dernier à avoir parlé compte. Je comprends pourquoi les débats internautes échouent. Je ne comprends pas pourquoi l’opposition entre Jimmy Gralton et le curé de sa paroisse n’aboutit à aucun compromis. Alors que chacun des deux comprend et respecte la position de l’autre. Alors que le prêtre a le mérite de douter de lui quand ses partisans en viennent à tirer des coups de feu sur les danseurs. Le mérite de se demander si Jimmy a raison quand il l’accuse d’avoir plus de haine que d’amour en lui. Le mérite d’écouter les disques de Jazz donnés par Jimmy. Le mérite d’admettre que la musique est bonne. Mais pas celui de revenir sur sa position. Remarque, Jimmy ne revient pas non plus sur la sienne quand le prêtre plus jeune lui propose d’essayer d’apaiser les tensions s’il ferme le dancing. Il dit même qu’il lui préfère son vieux collègue, qui lui, au moins, se bat pour ses convictions. Que deux personnes regardent leur adversaire de manière aussi exceptionnellement raisonnable, s’écoutent avec une attention aussi exceptionnelle, et ne parviennent pas à un compromis a quelque chose de surréaliste quand on est habituée à voir des débats échouer parce que cette raison, cette écoute, fait défaut aux débattants. Mais au fond, tant pis. Cette opposition en devient belle. Tragique. Deux hommes s’affrontent alors qu’ils se portent une haute estime, mais aucun des deux ne cèdera. D’ailleurs, seul un des deux espère que l’autre cède.

Raconter une histoire à partir de faits réel, c’est toujours délicat. Forcément, les événements n’ont pas été prévus pour être esthétiques, ils ne le seront forcément pas. Ken Loach a su faire de l’esthétique malgré tout, en ne se focalisant pas sur les événements, mais sur le drame humain. Du coup, il y a peut-être beaucoup trop d’implicite. Du coup, on a du mal à saisir exactement pourquoi c’est le dancing qui est dangereux, pas les militants communistes qui viennent y rencontrer Jimmy pour lui demander d’intervenir dans une manifestation contre l’expropriation d’un paysan et sa famille. Du coup, on ne voit pas forcément le rapport de cause à effet entre l’initiative d’ouvrir un Dancing, et la popularité que ça engendre, popularité qui amènera le public à adhérer aux opinions qu’on a, même si on ne les prêche pas outre mesure. Mais du coup, le film est poignant, terrible et efficace.

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22 juillet 2014 2 22 /07 /juillet /2014 08:30
We're Back

Tiens, je viens de me rappeler de ce dessin animé, et il se trouve qu'il est pas très commenté sur sens critique, alors allez, article.

Alors, c’est l’histoire d’un inventeur, avec la voix de Henri Labussière, et il invente une machine qui fait des bulles à détecter les rêves d’enfants. Et ça se passe dans un monde parallèle où tout ce dont rêvent les enfants, c’est de rencontrer des dinosaures. Et l’inventeur, il a un assistant extra-terrestre qui voyage dans le temps pour faire de la vente au porte à porte particulièrement agressive de céréales qui rendent intelligent auprès de dinosaures puis les ramener au 20ème siècle, et pendant ce temps dans le futur, un petit oiseau veut s’enfuir de chez lui pour aller s’engager dans un cirque parce que sa mère le traite comme le petit dernier fragile de la couvée, et puis le méchant qui est le frère de l’inventeur de la machine à bulle et des céréales qui rendent intelligent, il a une vis à la place de l’œil, et ça le rend tellement véner qu’il en a conclu que la peur, ça se vendait bien sur le marché du spectacle, ce qui est pas faux, à vrai dire, et du coup, son but dans la vie, c’est de faire le spectacle le plus effrayant du monde, alors il invente lui aussi une machine à bulle, mais celle-là elle détecte les peurs des gens. Et dans ce monde parallèle, la peur des gens, c’est de rencontrer des monstres. Et les dinosaures, quand c’est pas intelligent, c’est des monstres, alors le méchant, il veut retirer leur intelligence aux dinosaures pour les faire jouer dans son spectacle. Et puis la patronne du muséum d’histoire naturelle, qui est la copine de l’inventeur de la machine qui fait des bulles à détecter les rêves et des céréales qui rendent intelligents, bref, la patronne du muséum d’histoire naturelle, elle, elle organise la conférence des dinosaures nourris aux céréales qui rendent intelligent et viennent du Crétacé pour rencontrer les enfants qui ont toujours rêvé de voir des dinosaures, et alors elle met des affiches dans toute la ville en attendant les dinosaures mais comme les dinosaures ils sont pas pressés d’aller au musée, vu qu’ils ont rencontré deux enfants qui veulent s’enfuir de chez eux pour aller s’engager dans un cirque et même que c’est pour ça qu’on raconte l’histoire au petit oiseau dans le futur, et qu’ils ont décidé de les accompagner pour qu’ils aient pas trop de problèmes, et que la patronne du musée, elle est complètement bigleuse, elle les croise plusieurs fois, mais elle les voit jamais. Et comme c’est Thanksgiving, y a une parade, et le Tyrannosaure avec la voix de Benoit Allemane, il chante une chanson. Et puis la petite fille qui voulait un chapeau de Thanksgiving, elle a un chapeau de Thanksgiving.

Ça devait être un pari, en fait. On a été dans une classe de CE1, et on a demandé à chaque élève d’écrire un mot, n’importe lequel, sur un bout de papier. Ensuite, on a mélangé les bouts de papiers dans un chapeau, on les a tirés un par un et on a essayé de faire un film à partir de ça. Et pas seulement de le faire. De le réussir.

Soyons sérieux deux minutes. « Les Quatre dinosaures et le cirque magique », c’est, comme son nom français aurait pu le faire deviner, incroyablement con. Et c’est ça qui est génial. Non, ce n’est pas So bad it’s good, c’est juste du What the fuck décomplexé, assumé, sans scrupule, et le pire dans tout ça, c’est que toute cette histoire tient la route. Oui, vous avez bien lu. Il y a un dinosaure doublé par Benoit Allemane, un extra-terrestre qui vend des céréales, une machine qui fait des bulles, un gars avec une vis à la place de l’œil, un petit oiseau qui veut s’enfuir de chez lui pour rejoindre un cirque et OUI, l’histoire tient la route. Faut le faire, quand même. Faut oser, ça, faire un truc qui soit juste un pur délire, juste distrayant, juste drôle, et même aller jusqu’à se passer de la grande leçon qui sert en général de prétexte à faire un long métrage animé. Et réussir son coup.

Bon, faut pas croire, le côté délirant n’est pas la seule qualité de ce film. L’histoire d’amitié entre les dinosaures et les enfants est bien mise en scène, le fantôme d’intrigue amoureuse entre les deux enfants en question est mignonne, mais on s’appesantit certainement pas dessus plus qu’il ne le faut. C’est là et c’est bien fait parce que c’est le minimum syndical, il faut que ce soit là et bien fait. Et le méchant est vraiment d’une classitude à couper le souffle. Son thème musical est terrifiant, le parti pris esthétique consistant à montrer ce qu’il voit en le faisant se refléter dans la vis qu’il a à la place de l’œil alors que c’est justement l’œil qui ne voit pas est mystifiant, et sa peur des corbeaux nous renvoie carrément à Edgar Poe.

Oui, c’est incroyablement con, mais c’est con de manière vraiment intelligente. Le rire, la peur et les larmes sont là, et exactement dosé comme il faut. Pari réussi.

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12 juillet 2014 6 12 /07 /juillet /2014 09:13

Princesse Kaguya est une expérience indicible. Comme, je suppose, la plupart des expériences purement esthétiques. L’extrême beauté de l’animation, du dessin, de la musique, n’est pas un outil mis au service d’un objectif, elle est l’objectif. De fait, l’objectif est atteint. C’est beau. C’est extrêmement beau. Mais que dire de plus ?

Ce n’est pourtant pas une beauté figée et exempte d’émotions. Les émotions sont là, sublimées, fortes parce que simples. La joie, la tristesse, l’amour sous toutes ses formes, amour jaloux, possessif et orgueilleux du père pour sa fille, amour simple et gratuit de la fille pour les gens simples qu’elle côtoie, amour de la vie, amour de la nature, amour des gestes simples du quotidien, amour du présent, amour du vrai, de l’authentique, ennui, étouffements, douleur de se voir mutilée pour correspondre aux critères d’une société qui ne vous comprend pas, culpabilité, responsabilité, incommunicabilité. Oui, les émotions sont là, mais les dessins à l’aquarelle, avec leurs détails à peine esquissés créent une distanciation brechtienne qui permet de se rappeler, constamment, qu’on est dans un conte, qu’on ne nous raconte pas l’histoire d’une vie, mais de LA vie en général, ce qui, paradoxalement, rend tout ce qui arrive plus vrai, plus poignant, plus bouleversant que si on regardait un dessin animé ordinaire et immersif.

Le théâtre No, le Kabuki, le Bunraku doivent être comme ça, une succession de situations fortes en tragédie et en euphorie, prétextes à faire de superbes tableaux. D’ailleurs, la peinture asiatique est toujours frappante par sa vie et son dynamisme, mais sans qu’il y ait un sens à y chercher : cette vie, ce dynamisme est l’outil, et la beauté du tableau le but.

De fait, les contes japonais que j’ai eu l’occasion de lire, à l’exception des contes Zen qui ont pour objectif de faire réfléchir, sont tous extrêmement tragiques, sans qu’il y ait de leçon à tirer de ces tragédies. L’émotion n’est pas là pour nourrir le sens. L’émotion est là pour que ce soit beau.

Princesse Kaguya, c’est tout ça. Il y a une histoire, il y a des personnages, il y a peut-être même un message, mais c’est accessoire. Le principal but du film, c’est d’être beau. Et l’objectif est atteint. C’est beau. Une expérience esthétique presque aussi intense qu’Alois Nebel. Rien de plus à en dire. C’est juste beau.

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6 juin 2014 5 06 /06 /juin /2014 11:01

Ca faisait longtemps que je n’avais pas autant apprécié un film d’animation japonais. Je suis sortie plutôt mitigée de mes dernières expériences. J’étais en train de me convaincre que, maintenant habituée à l’impeccable esthétique graphique de ces films, elle ne me surprenait plus assez pour me faire oublier la distance qu’il y a entre moi et le japon, que les normes, les stéréotypes, les code en vigueurs dans ces films ne me correspondait pas, même si je l’avais cru un temps, charmée par le visuel. Mais je sais à présent que j’avais tort, puisque j’ai pu de nouveau sortir charmée de l’Île de Giovanni.

Il faut dire qu’il ne cherche rien à me démontrer ou à m’imposer, ce film. Je ne suis pas à me demander ce que le film cherche à me dire, comme pour Le Vent se lève. J’ai assisté aux souvenirs d’enfance de deux petits garçons joyeux et rêveurs pendant un temps de guerre, j’ai vu leur rêve, leur résilience, leur neutralité face aux bouleversementq de leur vie, et je ne me suis pas posée plus de question qu’eux.

C’est un film devant lequel j’ai adoré pleurer. C’est sûr, les recettes utilisée pour toucher sont classique, et si je vous dit qu’il y a une scène superbe avec une falaise et une lanterne, ça ne vous dira pas pourquoi je pleure, c’est une scène classique, une situation classiques, et ça marche. Tous les moments qui touchent dans ce film sont des moments classiques de films d’amour, de guerre et d’enfance, mais ils sont si vrais si crédible, qu’il marchent, et c’est pas leur rendre hommage que de les décrire.

Je vais tout de même dire que je n’allais le voir que pour l’affiche et que je n’ai pas été déçue. Pourtant, l’affiche ment. Ce n’est pas un film sur la découverte de l’amour. Il y a, très accessoirement, une intrigue amoureuse, mais ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est l’enfance, c’est la guerre, c’est la lutte de l’enfance contre la guerre, la lutte de la guerre contre l’enfance, l’impuissance de la guerre face à l’enfance, l’impuissance de l’enfance face à la guerre.

Ca raconte une anecdote de l’histoire du japon, mais ça pourrait se passer dans n’importe quel pays à n’importe quelle époque. C’est une histoire simple, de gens simple, qui vivent une situation comme bien d’autre l’ont vécus.

Ces enfants là sont des rêveurs, qui passent leur temps à jouer et rejouer dans leur tête leur histoire préférée. L’histoire en question ne nous est pas vraiment racontée. Elle doit être vraiment connue au japon, et ne pas nécessiter de présentation. Mais on n’a pas pour autant vraiment besoin qu’elle nous soit présentée. L’important est qu’on sache que ces enfants ont un univers à eux, un univers qu’ils sont prêt à partager avec les enfants de l’Ennemi, parce que pour eux il n’y a pas d’Ennemi, et que cet univers, aucune guerre ne le leur enlèvera jamais.

Sans doute qu’une partie des codes visuels et des références m’échappent du fait que je n’ai pas lu ce texte, mais ce qui reste me suffit. J’ai pleuré devant ce film, et j’ai adoré pleurer devant. C’est aussi simple que ça.

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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 12:46

Récemment, à l’occasion d’une séance de repassage, j’ai revu Green Lantern, que j’avais beaucoup aimé quand il est sorti, et dont j’ai acquis le DVD aussitôt qu’il est sorti, pour manifester mon soutien à une œuvre mal aimée du public.

Quand ce film est sorti, il a été conspué de partout. Tout le monde l’a détesté au point qu’il a été effacé de la continuité officielle des films DC. A l’époque, je n’avais franchement pas compris pourquoi. Maintenant que j’ai revu le film, je ne comprends toujours pas.

Histoire d’y voir plus clair, j’ai été relire quelques critiques, et je ne suis pas plus avancée. Incohérences ? Où ça ? Les seules que j’ai relevées sont celles qui sont déjà dans l’univers original (le film a même un peu cherché à les atténuer, mais il avait trop de respect pour son modèle pour les faire disparaître). Mauvais effet spéciaux ? Admettons. C’est un style, c’est pas forcément agréable à regarder. On peut ne pas aimer, mais de là à crier au foutage de gueule, faudrait pas charrier. Ça a cette allure-là parce que ça veut avoir cette allure là, des efforts ont été fait pour arriver à ce style visuel, ça n’a pas été torché en vingt minutes.

Personnages ? Ben, c’est exactement ceux du comic. État d’esprit ? Idem. Histoire ? C’est une synthèse de plusieurs comics, mais la synthèse tient la route. Univers ? Celui du comic. Niveau de sérieux ? Celui du comic.

A force, j’en arrive à cette théorie : ceux qui ont détesté Green Lantern le film ne savaient pas ce qu’ils allaient voir, quand ils y sont allés. Ils n’ont pas lu les comics, et ne savaient pas à quoi on est censé s’attendre quand on regarde un film Green Lanten.

Parce que Green Lantern, c’est un super héros qui se bat en créant des battes de base-ball en lumière verte géantes. Je répète pour être sûre que vous ayez bien entendu. Green Lantern, c’est un héros qui crée des battes de base-ball en lumière verte géantes. Non, ce n’est pas un héros classe. Non, ce n’est pas un héros épique. C’est un héros qui crée des battes de base-ball géantes pour lutter contre un insecte en lumière jaune géant capable de posséder les esprits. Parmi les collègues de boulot de ce joyeux batteur, il y a un écureuil, une boule disco, une pieuvre, une PLANETE QUI PENSE…

Quand au monsieur lui-même, c’est un vague mix entre Flash et Batman, sauf qu’il a aussi le défaut d’être un tombeur et une tête brulée, et d’avoir un sérieux problème avec l’autorité (ce qui tombe assez bien puisqu’il bosse pour les plus gros et incompétents fascistes de l’univers).

Sincèrement, la seule chose qu’on peut reprocher à ce film Green Lantern, c’est d’être un film Green Lantern. Si vous vouliez du sérieux, du noble, de l’épique, du contemplatif, du philosophique, il fallait aller voir n’importe quoi sauf un film Green Lantern.

Le film respecte l’état d’esprit des comics. Vivant avec un fan invétéré de Green Lantern, je sais de quoi je parle quand je l’affirme. Indépendamment de ça, il est drôle, l’histoire est bien construite, j’ai tout au plus repéré, au deuxième visionnage, quelques passages qui auraient pu être plus courts. Les personnages sont bien campés. Je regrette de vous contredire tous, mais Ryan Reynolds est bon, dans ce rôle. Bon, il a peut-être un peu plus de caractère que n’en a le Hal Jordan des comics, mais POURQUOI est-ce qu’il faudrait que je m’en plaigne ? Il joue à merveille le grand gosse qui cherche les emmerdes mais fuis les responsabilités parce qu’il a un peu trop conscience des réalités pour aimer être raisonnable. Un personnage attachant parce qu’imparfait, introduit, représenté, campé exactement de la manière appropiée. Donc je regrette, oui, Ryan Reynolds est bon dans ce rôle. (non, en fait, je ne regrette pas, il est bon) Et les détournements des clichés classiques des comics sont jouissifs. (« Je t’ai vu grandir, je t’ai vu à poil, et tu crois que je ne vais pas te reconnaître sous prétexte que tu me cache tes pommettes ? »)

Ce film est aussi bon que peut l’être un film Green Lantern. On a le droit de ne pas aimer Green Lantern, c’est un concept difficile à avaler. C’est un univers cartoonesque, invraissemblable, avec des règles complètement dénuées de sens. C’est à cause de ces caractéristiques que ceux qui aiment le comic l’aiment, et que ceux qui le détestent le détestent. C’est une antipathie légitime, mais qu’on admette enfin les choses comme elles sont. Le film n’est coupable de rien, que d’avoir été fidèle à l’œuvre originale.

Maintenant, il faudra m’expliquer pourquoi la série animée, Green Lantern, avec le même univers, les mêmes personnages, le même caractère déjanté, le même état d’esprit, une esthétique infiniment plus moche et une narration beaucoup plus maladroite, rencontre autant de succès et d’éloges alors que ce film continue à être unanimement décrié.

Quelque chose m’échappe définitivement.

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3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 14:03

Bon, parlons de « Le vent se lève ».

Dur. Je ne sais pas du tout comment expliquer mon ressenti. En fait, ça se résume à « je ne comprends pas ».

Je ne comprends pas quelle histoire on a voulu nous raconter. J’ai une série d’hypothèses, et pour chacune, quelque chose dans la façon dont le film est fait ne colle pas.

Première hypothèse. C’est l’histoire d’un homme qui consacre sa vie à la construction d’un avion. C’est si important pour lui que, lorsqu’il rencontre une femme tuberculeuse et qu’il l’épouse, il ne peut pas migrer avec elle vers des climats plus sains où elle a une chance de guérir. Pour qu’il n’ait pas à renoncer à la construction de son avion, elle reste toute seule pendant des journées entières, sans assistance médicale, mal soignée, ne voit son mari que très brièvement avant de s’endormir, et n’exige même pas qu’il consacre ce bref temps à lui tenir compagnie, acceptant qu’il continue à travailler pendant qu’elle n’a rien d’autre à faire que s’endormir, pour se réveiller le lendemain seule et passer seule les dernières journées qui lui restent à vivre, sans espoir de profiter de sa vie avant que la tuberculose l’emporte. Lorsque l’avion est enfin prêt et que le mari pourrait enfin consacrer du temps à sa femme, c’est trop tard, elle sent qu’elle va mourir, alors elle s’enfuit, sans rien dire, pour qu’il ne la voie pas mourante. Et l’avion pour lequel elle a renoncé à ses seules chances de bonheur sur Terre, c’est l’avion des kamikazes, un outil de mort. Bref, c’est une tragédie.

Sauf que… Si c’est cette histoire-là qu’on a voulu nous raconter, pourquoi est-ce que la construction de l’avion, mort de la fille, mort des pilotes, est malgré tout présentée comme quelque chose de positif ? Pourquoi est-ce que la conclusion est que le garçon a bien fait de laisser mourir sa femme pour construire cet avion, plutôt que de partir avec elle à la montagne, où elle avait une chance de guérir ? Pourquoi est-ce que le mari lui-même est présenté par tout le monde comme « un gars bien » ? Pourquoi le choix de laisser sa femme mourir plutôt que d’arrêter son avion, et ce, contre l’avis de sa sœur médecin et CONTRE L’AVIS DE SON PATRON, celui-là même qui lui a demandé de construire l’avion à la base, est présenté comme le bon choix ? D’autant que l’avion en question ne sera pas un outil de progrès, mais un outil de mort.

Deuxième hypothèse : c’est l’histoire d’une femme qui, avant de mourir, inspire à son mari la création d’un avion, et, de fait, aura accompli quelque chose dans sa vie malgré la maladie.

Sauf que… Si c’est cette histoire qu’on a voulu raconter, pourquoi ne met-on absolument pas en scène le fait que la présence et l’amour de sa femme aide le mari à concevoir son avion ? L’idée de l’avion, le garçon l’avait déjà bien avant de rencontrer la fille. D’accord, ceux qu’il a conçus avant de rencontrer la fille se sont tous écrasés. D’accord, il y a cette scène de l’avion en papier, qui est dans la bande annonce et qui m’avait donné la fausse impression que c’était cette histoire-là qu’on avait l’intention de nous raconter. Le garçon essaye d’envoyer à la fille un message sous forme d’avion en papier, les premiers qu’il conçoit s’écroulent, alors il les refait, refait, re-refait encore jusqu’à ce que l’avion en papier vole. Mais ce n’est qu’une scène. On croit que, de cette conception d’avion en papier, le jeune homme va trouver la solution pour que ses vrais avions restent en l’air, mais si c’est le cas, ce n’est pas montré. Le reste du film, rien n’est mis pour qu’on ait l’impression qu’il fait l’avion pour la fille, qu’elle l’inspire, qu’elle est sa motivation. Il suffirait d’une réplique de temps en temps. Il suffirait de le montrer sur le point de renoncer à l’avion et elle « non, ne renonce pas, pour moi, ne renonce pas ». Il suffirait qu’il lui parle de son travail, et qu’elle fasse des commentaires, même des commentaires de néophyte, mais que le fait d’en discuter avec elle lui clarifie les idées et l’amènent à trouver des solutions pour améliorer son prototype. Ca aurait suffi. Mais ça n’y est pas. Le gars construit l’avion. La fille meurt à côté. Aucun lien de cause à effet n’est jamais établi entre les deux événements.

Et surtout, si cet avion doit être la seule chose que la fille aura accompli pendant le bref temps où elle est en vie, le fait que cet avion devienne l’avion des kamikazes signifie qu’il aurait mieux valu que la fille crève et que le mec, de désespoir, ne termine jamais cet engin de mort. C’est cynique. Et je ne pense pas que Miyazaki soit cynique.

Troisième hypothèse : c’est l’histoire d’un gars qui construit un avion. Il y met son cœur et son âme, et à la fin, ces salauds d’hommes transforment son œuvre en machine de mort.

Sauf que… Pendant une part conséquente du film, on arrête de parler de cette histoire d’avion pour parler d’une fille tuberculeuse dont on se demande bien ce qu’elle vient faire dans l’histoire d’avion. Et ce qu’elle vient faire ne nous est pas expliqué, parce que, comme je l’ai dit, le rôle de la fille dans la création de l’avion n’est pas mis en scène. Le mec dit, une fois l’avion créé « je n’y serais jamais arrivé sans toi » mais on n’y croit pas. On l’a vu bosser sur son avion avant de la rencontrer, on l’a vu bosser sur son avion après, et on n’a noté aucune différence dans sa façon de bosser avant et après. Si, il y serait parfaitement arrivé sans elle.

Au passage, pendant la première moitié du film, s’il rêve quelques fois de l’avion qu’il va concevoir, on ne le voit pas faire preuve d’un quelconque talent pour l’ingénierie. On voit son meilleur ami faire preuve de compétence. On voit son patron faire preuve de compétence. On voir ses rivaux allemands faire preuve de compétence. Lui, non, et pourtant son meilleur ami dit qu’il porte l’avenir de l’aviation japonaise sur le dos. Ca ne vous énerve pas, vous, dans un film, quand les personnages disent « tel personnage est vraiment formidable » mais qu’on ne nous montre en rien en quoi il est formidable ?

Quatrième hypothèse : C’est l’histoire d’un garçon qui rencontre une fille, et ils sont faits l’un pour l’autre, mais une horrible maladie les sépare.

Sauf que plus de la moitié du film est consacré à une histoire d’avion sans rapport avec l’histoire d’amour, et on se demande bien ce que cet avion vient foutre dans cette histoire d’amour, parce que, comme je l’ai dit deux fois, le rapport entre les deux n’est pas mis en scène. Plus encore, l’amour que le garçon éprouve n’est vraiment montré que dans cette scène où, apprenant qu’elle a craché du sang, il quitte le refuge où il se cachait de la police militaire pour aller la rejoindre, continue à travailler dans le train mais pleure sur ses notes. Ensuite, il l’épouse, la range dans son pavillon, et va la voir une heure par soir, sans cesser de bosser un petit quart d’heure pour lui consacrer du temps, faudrait pas charrier les bégonias, quand même.

D’accord, c’est le Japon des années 30. D’accord, l’idée qu’une femme, c’est une personne, et que ça mérite de l’affection, ça devait être totalement étranger à l’état d’esprit de cet époque. Mais là, on est censé mettre en scène le fait que cet homme est amoureux. Et à partir du moment où il l’épouse, on ne le montre plus. Comme s’il s’était immédiatement lassé d’elle maintenant qu’elle lui appartient, comme un trophée qu’on range sur une étagère.

Sur Twitter, j’ai lu qu’on remarquait que certains de ses collègues mariés, eux, ne rentraient même pas pour rejoindre leur femme, le soir. Je ne me rappelle pas avoir vu ça, (en fait, je ne me rappelle pas avoir vu un seul de ses collègues évoquer le fait qu’il est marié, à part le patron qui héberge les deux tourtereaux et rentre voir sa femme, lui, et plus tôt que le héros de l’histoire, sa sœur médecin le lui reprochent, d’ailleurs) mais admettons que je l’ai loupé.

Bref, je ne comprends pas ce film. Les images sont magnifiques, la musique classique très bien, entendre des japonais citer Paul Valery est assez jouissif, mais vraiment, je n’ai pas saisi où le film voulait en venir. Et venant d’un cinéaste de talent comme Miyazaki, j’ai du mal à m’y faire.

Sinon, pour ceux que le reste du poème de Paul Valery intéresseraient…

http://www.feelingsurfer.net/garp/poesie/Valery.CimetiereMarin.html

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8 janvier 2014 3 08 /01 /janvier /2014 13:23

Je l’attendais au tournant, la jolie Tauriel, avec sa chevelure rousse plus marvelienne qu’elfique, son look plus asgardien que Tolkienien, son omniprésence sur les affiches malgré son absence de l’œuvre d’origine, et le fait évident qu’elle n’a été créée que pour rajouter des personnages féminins dans une œuvre de fiction. Elle ne m’a pas déçue. Dans tous les sens du terme.

Mais resituons le contexte. Je n’aime pas Tolkien. J’ai détesté « Le Seigneur des Anneaux », avec sa lourdeur narrative, ses interludes mal versifiés, ses personnages creux et inintéressants, et le manque d’esthétique qui caractérise la mise en place des événements et empêche d’y être investi émotionnellement. J’ai baillé devant « Bilbo le Hobbit » qui racontait avec froideur les aventures d’une bande de guignols partis à la recherche d’un trésor. J’ai lu avec intérêt « Le Silmarillion », mais avouons-le, l’histoire n’a d’intérêt que d’être l’univers étendu des deux autres, et la narration confirme ce que je soupçonnais déjà. Ca n’intéresse pas Tolkien de raconter des histoires, ça l’intéresse d’inventer un contexte à la création d’un dialecte, voilà tout.

Les films, j’en ai surtout apprécié deux, « Les Deux tours », qui contenait toute la passion, l’émotion, et la mise en scène qui m’avait manquée dans le roman, et « Le Hobbit, un voyage inattendu » dont je peux dire exactement la même chose. Tous deux étaient relativement fidèles aux œuvres qu’ils adaptaient, ils avaient juste agencés les événements d’une manière plus intéressante qu’elle n’est agencée dans l’œuvre d’origine, et m’ont permis de les apprécier.

En ce qui concerne « Un voyage inattendu » beaucoup de remplissage avait été fait pour pouvoir transformer en film d’une heure trente les cents premières pages du bouquin, mais ce remplissage restait malgré tout dans l’esprit du livre, et, à part l’introduction d’une monnaie, chose qui n’existe dans aucun des livres de Tolkien, on n’avait à déplorer aucune trahison vis-à-vis de l’œuvre. Des détails, cohérents avec ce qui constituait l’œuvre de base avait simplement été ajoutés pour mon plus grand bonheur.

Vous aurez compris que j’attache beaucoup d’importance à la manière dont les situations sont mises en place dans la fiction, et que je ne peux pas m’investir dans une histoire si je l’estime mal amenée. Par conséquent, je ne veut voir introduits que des éléments qui rendent l’histoire meilleure, et si on ajoute quelque chose dans le but d’être politiquement correct, j’attends qu’on le fasse d’une manière qui rende l’histoire intéressante, ou qu’on ne le fasse pas du tout. Qu’on ajoute un personnage féminin juste pour le personnage féminin éveillait ma méfiance. D’un autre côté, j’ai été une petite fille qui regarde des films, lit des livres, suis des séries, prévus à la base pour des garçons, et dans lesquels je ne trouvais pas de personnage féminin pour m’identifier. J’apprécie qu’on ait conscience du manque que j’ai pu éprouver à ce moment là et qu’on décide de le combler.

Bref, Tauriel, je l’attendais au tournant. Elle risquait fort d’être ce genre de personnage féminin introduit de manière forcée, pour servir à une intrigue amoureuse ajoutée dans une histoire où on n’avait pas la place d’en introduire une, trop puissant, trop génial, trop important, prouvant sa supériorité féminine en rembarrant les machos malgré le fait qu’ils ne fassent pas de machisme, et les dragueurs malgré le fait qu’ils ne la draguent pas.

Eh bien, elle est exactement tout ça. Et j’ai adoré. J’en ai presque honte.

L’arc ajouté de Tauriel n’est pas une mauvaise histoire, et Tauriel n’est pas un mauvais personnage. L’intrigue amoureuse qui se construit autour d’elle, qui est pourtant un triangle amoureux –normalement, je déteste les triangles amoureux – est superbement mené. Les dialogues de séduction sont très bien écrits. L’efficacité, la beauté et les compétences du personnage sont mises en place d’une manière juste assez mesurée pour être crédible, et pour ne pas devenir une caricature. Il y a juste un problème. Ca n’a strictement rien à foutre dans l’univers de Tolkien. Pour introduire ce personnage, il a effectivement fallu modifier le décor autour d’elle, de manière à laisser une place dans laquelle elle puisse se mettre. Son amour, son esprit, sa personnalité ne correspondent pas à ce que Tolkien aurait écrit.

Elle n’est pas la seule entorse du film à l’univers de Tolkien, mais elle est représentative de toutes. Tous les ajouts faits par le film sont exactement ceux que Tolkien aurait refusés. Et exactement ce que je reproche à Tolkien de ne pas avoir voulu mettre dans ses livres. Du drame, des histoires personnelles, du pathos, des enjeux sociopolitiques, des histoires de complots et de conspirations, de taxation des routes commerciales. Et du spectacle, de la mise en scène, de l’incitation à l’empathie, des personnages captivants et attrayants, qui ne se contentent pas d’être des figures types. Tout ce que j’attends d’une œuvre de fiction. Je ne peux pas ne pas aimer, et pourtant, je vois le caractère illégitime de cet amour.

C’est objectivement un bon film. Et c’est objectivement une odieuse trahison. Une trahison d’autant plus douloureuse pour les fans qu’elle arrive après quatre films à peu près fidèles à l’œuvre d’origine. Je suis la première à reconnaître que ce n’était pas à faire. Je demande donc humblement pardon aux fans de Tolkien, parce que j’ai aimé. En même temps, ce film a été fait pour moi, pour me venger des heures de lecture douloureuse que je me suis infligées pour répondre à l’assertion « ce n’est pas possible que tu n’aimes pas Tolkien, lis entièrement et tu verras que tu aimeras. »

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27 décembre 2013 5 27 /12 /décembre /2013 11:30

Attention, ça va être un peu long…

Sur le moment, je n’étais pas sortie de la salle de cinéma furieuse. Légèrement exaspérée, tout au plus, mais pas trop. De beaux effets visuels avec la glace, de belles chansons, et, au final, ce n’est vraiment qu’en français que ce film pique son titre à un conte d’Andersen qui n’a rien à voir ni de près, ni de loin, avec son contenu.

Seulement, j’y ai repensé, puis repensé encore, et plus j’y ai repensé, plus l’exaspération a monté et est devenue colère.

Je me suis faite complètement avoir par ce film. J’allais le voir parce qu’il m’avait été vendu comme racontant l’histoire d’une amitié entre deux sœurs. C’est cette histoire-là que j’ai payé pour voir, mais cette histoire-là n’est qu’une vague intrigue secondaire très filiforme, et bâclée en vitesse par les scénaristes, plus intéressés par le sujet principal : un triangle amoureux.

Ah, que je hais les triangles amoureux. Que je peux avoir horreur de cette mode du triangle amoureux inesthétique et foireux, dont le seul but est de démontrer que les promesses d’amour véritable ne sont que des mensonges, que l’amour le plus fort et le plus sincère est ce qu’il y a de plus faible et de plus faux, qu’on ne peut pas se fier à son cœur, ni à la personne à qui on l’a donné, que la rencontre de l’autre ne donne pas un sens à la vie, puisque l’un comme l’autre, on est somme toute complètement remplaçable…

Comprenez-moi bien. Il n’y a, de mon point de vue, que trois raisons valables de se lever le matin, et d’accepter d’endurer toutes les souffrances, les frustrations, les humiliations, les angoisses, les violences que vont constituer la lutte pour assurer sa survie jusqu’au soir. Ces trois raisons valables sont l’amour, l’amitié, et l’espoir que l’humanité réussisse à se construire un jour une société où il soit possible d’être heureux. Et la réalité se charge avec beaucoup d’enthousiasme de me convaincre que l’amour est un mensonge, l’amitié une illusion, et l’espoir une stupidité. Je n’ai pas BESOIN de me tourner vers la fiction quand j’ai envie d’avoir le cœur brisé. D’ailleurs, cette envie ne me prend jamais, et je me demande bien qui sont ces gens qui se disent « tiens, ma vie est trop belle, en ce moment, j’ai envie de désespérer un peu, voyons quelle histoire me convaincra que la vie est moche ? ». Moi, j’attends de la fiction qu’elle m’apporte des repères auxquels m’accrocher quand la réalité me les retire, pas qu’elle me les retire quand je peine déjà bien assez à les garder.

Selon mes propres repères, le véritable amour, c’est quand on rencontre une personne dont le caractère, les goûts, la façon de fonctionner corresponde si bien à mon caractère, mes goûts, ma façon de fonctionner qu’il est vraiment envisageable de vivre côte à côte pendant des années, et collaborer pour survivre ensemble, voire même arriver à être heureux.

J’ai expérimenté plusieurs types d’amour et celui-là me paraît le plus sain. Je ne vois sincèrement pas ce qu’il a de faux et de foireux.

Anna, l’héroïne du film, petite sœur de cette vague figurante qu’est l’éponyme reine des neiges (en VF), Elsa, partage ma vision de l’amour. Le souci est qu’on l’a enfermée dans son château dans son plus jeune âge sans lui dire pourquoi, parce que… Parce que… Il y a sûrement une raison pour laquelle on ne lui a rien expliqué, mais les scénaristes n’ont pas cru bon de nous la dire. Autant dire que pour trouver quelqu’un qui comble le vide qu’il y a dans sa vie, elle n’aura qu’un journée, et une seule, le jour du couronnement de sa sœur, où les portes de son château seront exceptionnellement ouvertes. Et elle est bien décidée à ne pas laisser passer cette seule et unique chance. Mais elle n’est pas déraisonnable pour autant. Elle ne s’enflamme pas au premier regard, comme le ferait une Pocahontas (pour n’en citer qu’une), elle ne se contente pas de danser avec le prince sans même songer à lui demander son nom, comme le ferait une Cendrillon (pour n’en citer qu’une). Elle prend le temps de lui faire la conversation et de constater qu’il a les mêmes goûts, le même caractère, la même façon de fonctionner qu’elle, exactement ce qu’on doit attendre de quelqu’un en amour. Si on était dans la vraie vie, on pourrait se dire qu’elle se trompe, mais on est dans une comédie musicale, et il y a un moyen infaillible de vérifier si deux personnages sont parfaitement sur la même longueur d’onde. Il suffit de regarder s’ils chantent en parfaite symbiose. Ce qu’ils font. Une chanson, dans une comédie musicale, ça vaut grosso modo deux mois de relation. La valeur de ce couple ne fait donc plus aucun doute. Emportée par l’enthousiasme, Anna court demander à sa sœur la permission de se marier, et au lieu de lui accorder du temps supplémentaire pour flirter et être sûre de son choix, Elsa pète un câble, perd son sang froid (lol), ainsi que le contrôle du pouvoir sur la glace qu’elle dissimule et tente d’étouffer depuis sa plus tendre enfance (oui, c’est pour ça que les portes du château ont été refermées. Et non, il n’y avait vraiment aucune raison valable de ne pas dire à Anna que c’était pour ça), gèle accidentellement tout son pays, et quitte le château, la ville, la vallée, et le film pour un bon moment. (Bon, elle chante une chanson avant de disparaître, profitez-en bien parce qu’après vous ne la revoyez plus avant longtemps).

Anna, qui contrairement à ce que le film essaye de nous faire croire, est une jeune fille intelligente et raisonnable, ne perd pas le nord, prend la peine de nommer un gouvernement provisoire, constitué de son prince, qui, étant de sang royal, sait comment s’y prendre, avant de partir à la recherche de sa sœur, considérant assez justement que puisque c’est leur dispute qui a provoqué le sortilège, seule leur réconciliation peut le lever. Elle y va par amour pour son royaume, par amour pour sa sœur, et trouvez-moi un seul autre personnage de Disney qui ait pris la peine de nommer quelqu’un pour assurer ses responsabilité avant de partir à l’aventure ! On verra par la suite quelques scènes du prince organisant la survie du royaume congelé, et se débrouiller très bien, ce qui tendrait à prouver que, même si elle n’a eu qu’une journée pour évaluer son prince, elle ne s’est pas trompée.

C’est dans ces circonstances qu’arrive le deuxième garçon. Il a tout pour plaire. Il n’en a rien à foutre de qui que ce soit à part son renne, il faut l’acheter avec un sac de carottes et un traineau pour qu’il guide la princesse dans la montagne, il est schizophrène (il croit que son renne lui parle… Il fait les questions et les réponses… Chelou) et il a été élevé par des Trolls qui ont une notion assez étrange du respect d’autrui, puisqu’à peine elle entre avec lui dans leur clairière qu’ils essayent de la marier de force avec lui. Le schizophrène et les Trolls vont harceler la pauvre Anna pour lui expliquer que son amour, qu’on a jusqu’à présent toutes les raisons d’apprécier et de prendre au sérieux, qui est basé sur une grande affinité, et une symbiose intellectuelle qu’une chanson a validé, n’est pas le véritable amour. Pour mettre cet amour à l’épreuve, le schizophrène (bon, il s’appelle Kristoff, mais schizophrène lui va mieux) teste Anna en lui posant des questions sur son amoureux, destinée à prouver qu’elle ne le connaît pas assez. Anna répond à toutes les questions, parce que oui, elle a pris le temps qu’elle avait pour faire connaissance avec son prince, elle ne s’est pas jetée dans les bras du premier venu sans réfléchir. Le tout étant entrecoupé de scènes avec le prince soupirant et attendant le retour de sa princesse, inquiet pour elle. On dit à Anna « Ca ne ressemble pas au véritable amour ! ». Pourtant, si, si, ça y ressemble, ça y ressemble vraiment, si ça ça n’y ressemble pas, je me demande bien ce qui y ressemble. Les Trolls décident qu’il serait plus raisonnable qu’elle épouse leur schizophrène, qu’elle connaît encore moins, et avec qui elle n’a pas beaucoup de sujets de conversation. C’est ça le véritable amour ? Quand des Troll veulent vous marier de force à un inconnu ? Sincèrement, je continue à préférer ma définition.

Bref, c’est compliqué tout ça. Non, ça l’est pas, en fait, mais les scénaristes on décidé qu’Anna devait finir avec le Schizophrène et pas avec le type génial qu’ils lui ont fait rencontrer en premier et dont ils ont un peu trop bien réussi les prémisses amoureux à leur goût. Comment se débarrasser de ce brave gars trop parfait ? Ressortons la reine des neiges de son placard. Au court d’une brève réapparition consistant principalement en un dialogue de sourdes entre les deux sœurs (où leur manque de communication et de symbiose intellectuelle se voit parce qu’elles chantent en même temps et pas la même chanson) Elsa gèle accidentellement sa sœur. Les trolls diagnostiquent que seul un geste d’amour peut sauver Anna.

Le schizophrène ramène donc Anna à son prince, et là, brusquement, le prince prétend qu’il n’a jamais aimé Anna, qu’il briguait seulement le royaume, ce qui est incohérent avec la totalité des scènes précédentes, où on l’a vu soupirer d’amour alors qu’il était seul et n’avait aucunement besoin de jouer un rôle. Bref, le geste d’amour, c’est pas lui qui le fera. Anna décide donc d’aller retrouver le schizophrène, qui parait-il est amoureux d’elle, bien qu’à ce stade de l’histoire, il ne sache en tout pour tout que deux choses d’elle : qu’elle aime sa sœur et qu’elle lui doit un traineau.

Or, alors qu’elle peine à marcher vers son amoureux numéro 2, elle aperçoit son amoureux numéro 1, qui s’apprête à tuer d’un coup d’épée sa sœur, qui, se rappelant qu’elle est censée être dans le film elle aussi, a eu l’obligeance de se laisser capturer par lui, histoire de se trouver au bon endroit au moment où sa sœur doit accomplir un haut fait. Anna, donc, se jette entre l’épée et sa sœur. Ce qui est un geste d’amour. Ce qui permet donc de briser le sortilège dont elle est victime, et l’épée par la même occasion. (C’est beaucoup mieux fait dans la scène, mais je suis trop mécontente pour le raconter de manière épique).

Rassurée par l’amour que lui porte sa sœur, Elsa parvient enfin à maîtriser ses pouvoirs et à lever le sortilège qu’elle a involontairement jeté sur son royaume, ce qui porte le total de ses moments d’utilité à l’intrigue au nombre incroyable de trois. Pour une raison obscure, son peuple, qui à la scène précédente avait décidé de la brûler, lui refait immédiatement confiance, et trouve même ça cool d’avoir une sorcière du froid comme reine. Ah, et un petit bonhomme très laid, qui n’a pas fait grand-chose à part une vague tentative ratée de meurtre sur Elsa alors qu’elle était en mode sorcière des neiges se retrouve puni, comme si c’était censé être lui le méchant de l’histoire. Je crois qu’il y a un arc de l’histoire qui s’est perdu en route. Et Anna offre un traineau à son schizophrène, qui l’embrasse en remerciement, et ils vont tous faire du patin à glace.

Entendons nous bien. J’ai une vision de l’amour véritable que tout le monde ne partage sans doute pas, qui me paraît défendable, et dont je ne vois pas ce qu’il y a à dénigrer, mais je peux envisager, même si je ne comprends pas pourquoi, qu’elle paraisse malsaine à d’autres. L’ennui, c’est que ce film ne m’explique pas pourquoi il dénigre ma définition de l’amour. Ce film ne m’explique rien, en fait. Ce film se tire dans le pied chaque fois qu’il a à expliquer quelque chose. On est censé comprendre qu’une journée ne suffit pas à faire suffisamment connaissance pour tomber amoureux, or le héros de l’histoire tombe amoureux en encore moins de temps et en faisant encore moins d’efforts pour faire connaissance. On est censé comprendre qu’une forte affinité n’est pas l’amour. Ok, je ne suis pas d’accord, mais ok, l’amour c’est quoi, si ce n’est pas ça ? Un bonhomme de neige nous donne la définition du film. « L’amour, c’est quand on fait passer le bien être de l’autre avant le sien ». Ok, je trouve ça encore moins sain que l’idée que l’amour c’est une affinité forte, mais ok, il y a au moins une définition. Sauf que … Le film lui-même MONTRE combien cette vision du véritable amour comme sacrifice à l’autre est malsaine.

Faire passer le bien de l’autre avant le sien propre, c’est exactement ce que fait Elsa depuis qu’elle est petite, en essayant d’étouffer son pouvoir et en acceptant l’enfermement dans son palais pour ne blesser personne. Et TOUS les problèmes du film découlent de ce sacrifice inapproprié. Parce qu’elle tente d’étouffer ses pouvoir, elle peine de plus en plus à les contrôler, et n’apprend pas à les utiliser, ce qui la rend plus dangereuse encore. Parce que les portes de son château son fermées, sa sœur n’a qu’une journée pour se trouver un prince, et choisit le mauvais, même si ce n’est pas mis en scène correctement, et que le fait que ce soit finalement le mauvais arrive comme un cheveu sur la soupe. Elsa a fait passer le bien de sa sœur avant le sien, en essayant de s’amputer d’une partie d’elle-même, et ce faisant, elle a fait bien plus de mal à sa sœur et à son royaume que si elle avait simplement essayé d’apprendre à se servir de ses pouvoirs, bref, si elle avait considéré que son propre bien est AUSSI important que celui des autres.

Et ce qu’il y a de plus injuste dans le fait qu’Elsa soit réduite à l’état de figurante dans le film qui porte son propre nom, c’est que les thèmes les plus intéressants du film étaient dans son court et fantomatique arc.

Voilà une jeune fille née avec de grands pouvoirs. Pour lui apprendre à bien s’en servir, le grand sage Troll lui donne rien moins que le mode d’emploi de ses super pouvoirs. Ta maîtrise dépend de tes sentiments. Si tu te concentres sur ton sentiment de peur, tu perds le contrôle. Si tu te concentre sur ton sentiment d’amour, tu prends le contrôle. Mais le père de la jeune fille, qui écoute à moitié, décide de ne pas écouter ce sage conseil, et choisit plutôt d’enfermer s a fille dans son château et dans sa chambre, et lui interdit de faire usage de son don, parce qu’il est trop dangereux. Ce faisant, il entretient sa peur de blesser autrui, et, comme l’a dit le troll, les pouvoirs de la jeune fille deviennent incontrôlables. Plus ils deviennent incontrôlables, plus le père renforce son enfermement, plus on renforce son enfermement, plus on entretient sa peur et plus ses pouvoirs deviennent incontrôlables, exactement comme Grand père troll l’avait prévu, ce qui n’encourage pas le père à changer de stratégie, et plus ses pouvoirs deviennent incontrôlables, plus on renforce son enfermement, et sa peur. Outre le message philosophique qu’il y a à tirer du fait que quand on essaye d’étouffer une force, elle devient plus dangereuse que si on essaye de vivre avec, on peut y voir un message sur la stérilité du sacrifice. Il n’est pas possible d’être bénéfique aux autres sont on est néfaste pour soi-même, si on ne s’accorde pas l’attention nécessaire pour rester fort et garder l’énergie aux autres.

Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est que le film met en scène des parents à qui on explique que leur fille doit éviter d’avoir peur, sous peine de devenir dangereuse, et qui, par conséquent, pour « l’aider », vont lui rappeler constamment à quel point elle doit avoir peur d’avoir peur. Exactement comme le font bien des gens pleins de bonne volonté, dans mon entourage, qui croient me rendre service en m’interdisant d’oublier une minute à quel point mon manque de confiance en moi me donne de bonnes raisons de manquer de confiance en moi.

Tout ça, j’aurais bien aimé que ce soient les sujets du film, ou au moins quelques-uns des sujets importants. Mais ça, ça n’intéressait pas les scénaristes. Ce qui intéressait les scénaristes, c’était de raconter une histoire de triangle amoureux à la con, banal et inintéressant, dont seule la mise en scène foirée empêche la prévisibilité. Et pas pour son bien.

Pas de film sur la fraternité. Pas de film sur l’amitié. Pas de film sur le sacrifice. Juste un film stupide, sur un stupide triangle amoureux, qui ne tient debout que parce qu’il se déroule dans un univers de Starscream, c'est-à-dire bourré de personnages incroyablement cons, qui, lorsque par hasard ils se mettent à dire des choses intelligentes, soit ne sont pas écoutés, soit sont traités d’idiots.

Il nous reste les chansons, fort jolies, même si elles ne créent pas un univers musical propre, comme d’autres disney, et les superbes effets spéciaux sur la glace.

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